Dans son interview accordée aux quotidiens Assabah et La Presse de Tunisie, le 3 juin, le Chef du gouvernement d’union nationale Youssef Chahed a indiqué que le gouvernement a préparé un projet de loi « exceptionnel, limité dans le temps, pour que les sommes en devises soient intégrées dans les banques moyennant des pénalités ».
Contacté par leconomistemaghrebin.com, l’expert-comptable Walid Ben Salah a précisé que c’est un projet de loi d’amnistie fiscale et de change. Il s’agit du même projet qui a été proposé dans l’article 64 de la loi de finances 2016 et rejeté par l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois. Il s’agit également d’un duplicata de la loi n°2007-41 du 25 juin 2007, portant amnistie d’infractions de change et fiscales.
L’expert-comptable estime que ce projet, dépourvu de la moindre créativité, ne fera pas l’objet d’une analyse d’impact. Sur le plan du change, il permettra aux personnes en défaut de déclaration de leurs avoirs à l’étranger et/ou qui n’ont pas rapatrié les revenus y afférents, de régulariser leur situation en procédant à leur déclaration à la BCT et leur dépôt dans ces comptes temporaires en devises. Cette régularisation est subordonnée notamment au paiement d’un montant de 5% de la valeur des avoirs ou de la contre- valeur en dinars des devises rapatriés.
Sur le plan fiscal, ledit projet de loi permettra de libérer les bénéficiaires de l’amnistie des sanctions liées aux infractions fiscales pour défaut de déclaration des revenus et bénéfices en devises, du paiement de l’impôt et des pénalités normalement dus ainsi que de toute poursuite judiciaire en matière de change.
De ce fait, M. Ben Salah a déclaré que cette mesure n’est pas la solution parce que les performances enregistrées en Tunisie de la dernière amnistie de change de 2007 étaient médiocres. Elle a permis de récupérer la faible somme de 12 millions d’Euros auprès de 80 déclarants uniquement.
Face à un tel échec, il est légitime, selon ses dires, de se poser la question sur l’opportunité et l’efficacité de ce nouveau projet de loi. L’expérience a aussi montré que l’adoption de plusieurs amnisties successives sur une courte période devient un facteur d’incitation à l’évasion. L’amnistie ne doit pas être une fin en soi et ne peut pas non plus être suffisante à elle seule pour renflouer les caisses de l’Etat par des flux additionnels. Elle doit obligatoirement être accompagnée par d’autres mesures.
Walid Ben Salah a souligné qu’il s’agit, en premier lieu, de la refonte de la réglementation des changes ; celle-ci est devenue caduque voire contre-productive.
En second lieu, l’amnistie doit être assortie de mesures répressives sévères à l’encontre de toute récidive, nécessitant la mise en place de dispositifs de contrôle efficaces à tous les niveaux, la dotation de l’administration des moyens logistiques et humains nécessaires et surtout un engagement ferme du gouvernement pour appliquer rigoureusement la réglementation à tout contrevenant, conclut-il.