Jusqu’à très récemment, les preuves scientifiques avaient établi que la naissance de l’humanité remontait à près de 200 000 ans en Ethiopie. Seulement une découverte majeure de fossiles et d’outils en pierre au site archéologique de Jebel Irhoud, au Maroc, ont permis de démontrer que les origines de notre espèce remontent à bien plus longtemps, il y a environ 300 mille ans environ, et de mettre en évidence d’importants changements biologiques et comportementaux à travers le temps.
Cette découverte est le fruit du travail d’une équipe de chercheurs, dirigée par Jean-Jacques Hublin, paléoanthropologue au Collège de France et à l’Institut Max Planck (Allemagne), et Abdelouahed Ben-Ncer de l’Institut national d’archéologie et de patrimoine de Rabat (Maroc).
Par cette découverte qui se distingue des autres par la fiabilité de la datation, l’idée qu’il existait un « berceau de l’humanité à partir duquel tout a commencé n’est plus aussi valable que l’on ne le croit. En effet, cette récente découverte révèle une histoire évolutive complexe de l’humanité qui impliquait probablement tout le continent africain.
« Nos nouvelles données révèlent que l’Homo sapiens s’est répandu dans tout le continent africain il y a environ 300 mille ans. Bien avant la dispersion de l’ Homo sapiens en dehors de l’Afrique, il y avait une dispersion au sein même de l’ Afrique », explique le paléoanthropologue Jean-Jacques Hublin.
L’analyse statistique des données apportées par la mesure 3D des crânes retrouvés a montré que la forme des visages est presque identique à celle des humains de notre ère. Contrairement à leur morphologie faciale moderne, les crânes retrouvés à Jebel Irhoud montraient une forme archaïque plutôt allongée de la boîte crânienne. « Nos résultats suggèrent que la morphologie du visage humain moderne a été établie au début de l’histoire de notre espèce, et que la forme du cerveau et éventuellement la fonction du cerveau ont évolué au sein de la lignée Homo sapiens », explique le paléoanthropologue Philipp Gunz de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive à Leipzig (Allemagne).
Les outils de chasse retrouvés sur le site, essentiellement constitués de pierre taillée, montrent par leur forme que des méthodes complexes de taille de pierre étaient déjà utilisées à l’époque. Ces résultats indiquent que l’espèce humaine a évolué beaucoup plus tôt que prévu.
Les changements tant biologiques que comportementaux ont permis à l’Homo sapiens de conquérir l’Afrique avant d’entamer la conquête du reste du monde.