Alors que le pays est préoccupé par la crise économique, la question de la lutte contre la corruption et la gravité du mouvement contestataire de Tataouine et bien au-delà, les deux grands partis au pouvoir se livrent à une partie “de jeu de cartes”, gagnant-gagnant, selon les espoirs de leurs dirigeants.
Ennahdha et Nidaa Tounes ont, en effet, annoncé, à la suite d’une réunion à l’ARP entre les bureaux des blocs parlementaires des deux partis, la création d’un comité supérieur de coordination permanent pour “renforcer leur coordination”, comme “parties signataires de l’Accord de Carthage et pour la participation au gouvernement d’union nationale” (communiqué du 6 juin 2017).
On se rapproche ainsi d’une alliance, créant une matrice nouvelle de gestion politique. Doit-elle prendre la forme d’une confédération et d’un intergroupe à l’Assemblée ? S’agit- il d’une simple manipulation politique, afin de laisser passer l’orage ? En tout cas, on est encore à l’état d’ébauche.
Ce ballon d’essai a suscité de vives critiques : des observateurs affirment que “la tactique tient lieu de stratégie, dans une conjoncture d’épreuves”. D’autres évoquent “un suicide politique”. Les partisans de Nidaa affirment que le parti a « dévié de ses positions initiales d’opposition à Ennahdha ». Une vague de démission de députés et de dirigeants répondent au développement de cette politique de proximité.
Dans ce cadre, 21 coordinateurs régionaux de Nidaa Tounes ont exprimé leur refus vis-à-vis du rapprochement Ennahdha-Nidaa, qui intervient à “un moment douteux”. Ils dénoncent le “glissement du parti vers l’inconnu et la déviation de son idéologie originelle”, mise en place par ses bâtisseurs et à leur tête “le professeur Béji Caïd Essebsi”.
Ils décident en conséquence de tenir une réunion de concertation pour étudier “l’état du parti et prendre les décisions historiques indispensables pour lui redonner sa considération et sa place naturelle, en tant que garant du pouvoir en place et de l’Etat et tirant sa légitimité du peuple”.
D’autre part, les femmes qui ont assuré la réussite électorale de Nidaa Tounes prennent leurs distances. Au sein du parti Ennahdha, la décision de rapprochement suscite également des critiques et des interrogations, que le mode de fonctionnement de ce parti n’a pas l’habitude d’expliciter.
L’initiation de rapprochement, qui transgresse les discours fondateurs et annihile le débat, annonce une dépolitisation évidente. Restaurera-t-elle le système de fonctionnement du parti unique ? S’orienterait-on vers une gestion de “salons politiques”, de partis de dirigeants, qui s’éloignent de leurs assises populaires ? Est-ce à dire qu’elle fermerait la parenthèse de “la révolution” ?