Quelque 47 millions d’électeurs étaient appelés dimanche 11 juin à se prononcer au premier tour des élections législatives. Moins de la moitié se sont présentés aux bureaux de vote, les autres (51,29%) se sont abstenus, un record historique depuis l’instauration de la Ve République en 1958.
Le premier tour de ces élections confirme la reconfiguration de la scène politique française lancée par le parti du nouveau président Emmanuel Macron. Son parti, ‘’La République en Marche’’ (LRM) et son allié du Mouvement Démocrate (MoDem) ont pris option pour une domination totale et absolue de la prochaine Assemblée Nationale. Ils rafleront, selon les projections qui se basent sur les résultats du premier tour, entre 400 et 455 des 577 sièges du parlement. Si cela se confirme dimanche prochain, on sera en présence d’un autre record de la Ve République : jamais un courant politique n’a eu à lui seul autant de députés, et donc autant d’aisance et de facilités pour gouverner.
La droite classique unie autour des Républicains arrive deuxième, mais elle perd beaucoup de députés et la tendance à la baisse risque fort de se confirmer dimanche prochain.
Le massacre au sein de la gauche, entamé par la présidentielle, se poursuit. Selon les mêmes projections, l’effondrement du Parti socialiste se confirmera dimanche prochain puisqu’il aura un score qui se situera entre 15 et 40 sièges. Le représentant de la gauche n’a même pas pu sauver son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, et son candidat à la présidentielle, Benoît Hamon, tous deux mis hors combat dès le premier tour.
L’effondrement du PS est d’autant plus spectaculaire qu’il y a seulement 5 ans, en 2012, il disposait de tous les pouvoirs nationaux et régionaux (présidence, Assemblée, Sénat, instances régionales et locales).
Côté Front National, la déception est grande parce que le décalage est grand aussi entre le record obtenu par sa présidente Marine Le Pen lors de la dernière présidentielle (21,30%) et le résultat obtenu par le FN au premier tour des législatives (13,20%), ce qui lui donnerait, selon les mêmes projections, entre 1 et 10 sièges au prochain parlement.
« La France insoumise » de Jean-Luc Mélenchon obtiendrait entre 10 et 23 fauteuils en comptant les communistes, un score qui souligne l’éparpillement des forces de gauche. Ensemble, elles sont en train de subir la même marginalisation que subit progressivement et de manière continue le PCF depuis près de 40 ans.
Sans aucun doute, Emmanuel Macron aura les moyens de sa politique. Il aura plus que la majorité absolue nécessaire pour gouverner tranquillement. Il passera sans problème son paquet de réformes pour lesquelles les Français l’ont élu. Mais le confort politique dans lequel il sera installé dès dimanche prochain sera troublé par une certaine amertume que ne manqueront pas de ressentir les dirigeants du LRM : plus de la moitié des électeurs français ont boudé les urnes.
Macron ne peut pas ne pas être conscient de cette faiblesse que l’opposition ne manquera pas de rappeler à tout bout de champ et d’exploiter dans les efforts qu’elle n’hésitera pas à déployer pour ralentir le rythme des réformes que le nouveau président est déterminé à mener, et notamment la plus controversée entre elles : la réforme des lois du travail.
Le record historique d’abstention dans les élections législatives françaises vient rappeler avec fracas que la lassitude, le sentiment d’inutilité de toute participation à la chose publique ne sont pas uniquement le lot des peuples du Sud qui ploient sous la pauvreté et l’autoritarisme. Des peuples riches et à forte tradition démocratique peuvent aussi être fatigués et préfèrent le jour J la pêche à la ligne aux longues files devant les bureaux de vote.
Mais ce record d’abstention historique est aussi révélateur d’un sentiment de désarroi généralisé face aux périls de toutes sortes, et notamment terroristes et écologiques, qui menacent le monde. Ce désarroi est même perceptible parmi les votants et les non-abstentionnistes. A ce niveau, le comportement de l’électeur britannique est révélateur. Ce dernier a eu l’idée consternante de voter dans un premier temps pour la sortie de l’Union européenne et, dans un deuxième temps, il a privé de majorité ceux qui sont chargés de négocier le divorce avec l’UE…
Quoi qu’il en soit, abstention ou pas, désarroi on non, Macron est assuré de la majorité absolue dimanche prochain. Un possible sursaut d’une partie des abstentionnistes, s’il ne servira pas les gagnants, ne changera pas grand-chose.