“Un parti, ce sont des adhérents réguliers, des militants, des instances définies, un congrès souverain, des dirigeants élus” (Jacques Julliard, « le macronisme, un néo-gaullisme ? », Le Figaro, 6 juin 2017).
Peu de partis tunisiens répondent à ces critères. Ils sont à l’épreuve de leur gestion pragmatique. Partis de dirigeants, sans assises populaires et sans audience, il s’agirait plutôt, à quelques exceptions près, de salons pseudo-politiques. D’autre part, la plupart des partis tunisiens ont des contours flous, des règles de fonctionnement peu définies et surtout la domination d’un chef.
Le cas de Nidaa Tounes est éloquent. Il a l’ambition de suivre le modèle du Néo-Destour et de son fondateur. Or, il existe une différence décisive, entre le bourguibisme des origines et celui de Nidaa : le rapport aux classes populaires. D’autre part, le Néo-Destour est une dynamique et non un patrimoine. Sa gestion faisait valoir une idéologie de progrès et d’ouverture, rejetant le statu quo social.
Le bourguibisme fut, en réalité, un dispositif politico-social original, administré par des militants et des technocrates, associant des porte-paroles des groupes sociaux et établissant des rapports organiques avec les organisations syndicales et patronales.
Nidaa Tounes fut la victime d’un “grand remplacement”. Des nouveaux partis dont les dirigeants étaient issus de ses rangs et porteurs de ses idéaux. Son alliance- fût-elle tactique et non stratégique!- avec Ennahdha atténua son discours fondateur, rétabli et réactualisé par les nouveaux partis modernistes.
D’ailleurs, Ennahdha elle-même fut mise à l’épreuve, par la révision de son idéologie, que la donne internationale actuelle rejetait. Nidaa Tounes se proposait, lors de sa fondation, de s’ériger en grand parti social-démocrate.
Le souci de synthèse de sa direction post-élections 2014, puis l’abandon de toute ambition idéologique l’ont empêché de réaliser ce dessein. Ce tournant fut mis à l’ordre du jour par les nouveaux partis, issus de son sein et qui sont désormais ses concurrents sur la scène politique.
Des observateurs proches de Nidaa souhaitent une réconciliation générale avec tous les fondateurs de ce parti et l’élection d’une direction de consensus. Les acteurs sur scène et underground seraient-ils favorables à cet investissement d’avenir, qui permettrait de restaurer Nidaa Tounes, d’assainir l’atmosphère et d’établir les meilleures conditions du jeu politique, entre les différentes mouvances? Wait and see.