Le Chef du gouvernement, Youssef Chahed, atterrira, au courant de la semaine prochaine, à Washington. Une visite qualifiée d’importante au vu du contexte géopolitique, à la fois national et régional, dans lequel elle s’inscrit.
Cette importance est cependant politique plutôt qu’économique. La transition politique tunisienne commence désormais à gagner un intérêt croissant auprès de l’Administration Trump, dans un contexte de déception vis-à-vis des autres expériences tentées depuis 2011 dans la région arabe.
A rappeler l’article paru dans le « Washington post » quelques jours après la visite du président américain en Arabie Saoudite. Attirant l’attention de l’Administration américaine sur l’importance stratégique que devrait avoir l’expérience tunisienne pour les Américains, l’auteur de l’article n’a pas manqué de noter que « le futur de la région est en train de se dessiner en Tunisie et non en Arabie Saoudite », appelant ainsi Washington à manifester plus de soutien à la transition démocratique tunisienne qui aura un impact certain sur toute la région arabe, vu le caractère pacifique dont elle a fait preuve.
Depuis son intronisation à la magistrature suprême des Etas-Unies d’Amérique (USA), Donald Trump n’a pas caché son hostilité vis-à-vis de l’islam politique et n’a pas mâché ses mots non plus quand il s’est agi d’exprimer son intention de neutraliser les islamistes radicaux, mais aussi ceux qualifiés par son prédécesseur Barack Obama de modérés, à l’instar du mouvement des Frères musulmans et toutes les organisations qui leur sont affiliées dans le monde musulman.
C’est la raison pour laquelle l’expérience tunisienne, tout en suscitant l’intérêt et l’admiration des Américains, évoquerait aussi une réserve quant à la participation du mouvement islamiste Ennahdha au gouvernement, nonobstant l’échec électoral qu’il a essuyé lors des élections de 2014. Les tentatives de ce dernier pour rassurer le monde occidental à propos de sa reconversion en parti civil qui respecte la Constitution et les règles du jeu démocratique mises en place ne semblent pas convaincre l’Administration Trump. Et c’est, semble-t-il, ce qui explique l’hésitation de ce dernier à apporter un soutien indéfectible à la Tunisie, un soutien qui lui permettra certainement de venir à bout d’un processus qui s’est déroulé et se déroule encore sur fond de crise.
Sur un autre plan, la crise diplomatique actuelle entre l’Arabie Saoudite et ses alliés, d’une part, et le Qatar, de l’autre, liée d’une certaine manière au conflit libyen, devrait être inscrite à l’ordre du jour de la visite de Youssef Chahed à Washington. La neutralité par laquelle s’est distinguée la position tunisienne vis-à-vis de ce conflit pourrait la propulser au rôle de pays « modérateur » dans ce conflit. Notant dans ce cadre que les USA, qui ont critiqué de manière virulente le rôle joué par le Qatar dans le soutien des radicaux islamistes armés qui alimentent les différents foyers de tension dans la région, ne sont pas pour autant prêts à laisser tomber un allié de taille tel que lui . Il ne faut pas oublier que sur le plan militaire, le Qatar abrite la plus grande base d’aviation militaire des USA dans la région, outre son statut de fournisseur principal d’énergies fossiles dans le monde. Deux raisons qui empêcheront certainement les USA de laisser tomber aussi facilement leur émirat protégé dans les bras de leur ennemi déclaré, l’Iran.
Quant au conflit libyen, la Tunisie est incontestablement le pays qui détient le plus d’atouts lui permettant de jouer un rôle d’intermédiaire dans ce conflit. Contrairement aux autres pays du voisinage de la Libye, la Tunisie, qui a opté pour la neutralité dans ce conflit, ne semble susciter aucune réserve chez les Américains quant à un éventuel rôle décisif à jouer en vue de rapprocher les points de vue des différents protagonistes libyens et faire avancer le processus des négociations inter-libyennes vers l’adoption du choix pacifique dans la résolution de ce conflit. Une résolution qui permettrait à la fois de parer contre une éventuelle incrustation du rival russe dans le conflit, mais aussi de garantir la mainmise américaine sur la richesse pétrolière et gazière de ce pays.
Indépendamment de toutes ces considérations, Youssef Chahed aura certainement droit, lors de son passage à Washington, à l’honneur que les USA réservent exclusivement à ceux capables d’apporter une contribution à la politique extérieure des Etats-Unis. L’homme bénéficie de préalables qui plaident certainement en sa faveur auprès de l’Administration américaine. Son engagement actuel en matière de la lutte contre la corruption, un engagement qui a eu un écho favorable dans le monde occidental et notamment aux USA, fera de lui, auprès de l’Administration Trump, un interlocuteur digne de respect.