Quoi de mieux que le Palais présidentiel de Carthage pour observer un sit-in. Ceci semble relever de l’insolite, de l’inimaginable, mais la nouvelle est bien vraie et cela se passe en Tunisie.
Des avocats tunisiens, qui ont obtenu leur diplôme en Algérie, et qui se sont vu refuser, par l’Ordre des avocats, le droit de s’inscrire au barreau tunisien et d’exercer le métier dans les tribunaux de Tunisie n’ont pas trouvé mieux que le Palais présidentiel de Carthage, lieu suprême de la souveraineté de l’Etat, pour observer un sit-in de protestation contre ce qu’ils ont considéré être « une injustice commise à leur égard par le bâtonnier Ameur Meherzi ».
Une vingtaine de ces « avocats » ont répondu à l’appel d’aller protester devant le Palais présidentiel de Carthage. En bon démocrates, l’équipe du président a cru bon d’inviter une délégation des protestataires à l’intérieur du palais pour discuter de leurs doléances. Quatre protestataires ont été ainsi délégués par leurs collègues pour aller expliquer leur situation au Président de la République. Cependant, l’équipe du président qui les a reçus leur a fait savoir que le président, accablé par un emploi du temps assez chargé, n’est pas disponible à l’instant pour les recevoir et qu’ils doivent quitter le palais et attendre qu’on les contacte.
Une réponse qui n’a pas été du goût des représentants des protestataires, ces derniers ayant décidé de se barricader à l’intérieur du palais jusqu’à ce que le Président Beji Caïd Essebsi les reçoive personnellement. Tandis que le reste des protestataires a décidé de poursuivre le sit-in à l’extérieur du palais.
Indépendamment du bien-fondé de la doléance de ces avocats, il paraît évident que par cet acte, ils ont franchi le seuil de l’infranchissable. Tout d’abord, dans un Etat qui se respecte, et il n’y a rien de contraire à la démocratie en cela, on ne peut prétendre être reçu par le Président de la République séance tenante. Il faut un rendez-vous et toute une organisation de la rencontre qui devrait se faire au préalable.
Ensuite, protester de cette manière au sein même du palais présidentiel, avec toute la symbolique qui lui sied, représente en soi une atteinte à la souveraineté et au prestige de l’Etat. Chose qu’un juriste est supposé, non seulement ne pas ignorer, mais aussi défendre farouchement, car elle fait partie de la notion même de l’Etat de droit dont le corps des avocats est l’un des piliers les plus importants.