François Bayrou soutient que les partis politiques peuvent mourir de quatre pathologies : l’absence de ligne, d’ambition, de leader et d’affectio societatis, c’est-à-dire de volonté de vivre ensemble. Si les trois premiers mettent le patient sur le flanc, elles sont curables; la quatrième, elle, est mortelle (Philippe Ridet, « PS : la leçon de Rouen », Le Monde, 2 juin 2017). Ces quatre raisons sont-elles accomplies, dans le cas de Nida Tounes ?
Elles ont permis la naissance, le développement et la réussite de Nida Tounes, vu la ligne politique d’ouverture et de modernité, l’ambition de relativiser les partis de la troïka, le leadership incontestable de Béji Caïd Essebsi et la volonté de restaurer les acquis du vivre ensemble. La donne a changé depuis lors par « l’alliance » au pouvoir. Nida Tounes a perdu ainsi son principal angle d’attaque contre Ennahdha.
L’élection de son fondateur à la présidence l’a privé de leader. D’autre part, la sortie de la plupart de ses fondateurs remet en cause son enracinement populaire et illustre la transgression du vivre ensemble originel. Consciente de la crise, l’actuelle équipe tente de colmater la brèche, en procédant à des recrutements hors partis. Cette tactique pourrait-elle compenser l’absence de stratégie de résurrection ?
Suite au dialogue de sourds entre la direction autoproclamée et les principaux fondateurs, les dissidents créèrent de nouveaux partis : Mohsen Marzouk, son ancien secrétaire général, créa Machrou3 Tounes (le projet de Tunis). Ayant développé ses structures, il se prépare aux élections municipales et présidentielles.
Said al-Aydi, ancien dirigeant et tête de liste, a créé, en mai 2017, le parti «Beni Watani» (mes compatriotes)». Les mots d’ordre du nouveau parti centriste sont « crédibilité, patriotisme et travail, liberté et responsabilité ». Le parti est représenté par un fruit, la grenade, contenant 24 graines rappelant les 24 régions de la Tunisie.
Boujemâa Remili, ancien dirigeant au sein de Nidaa Tounes, a annoncé, ce jeudi 13 juillet 2017, la création du parti «Tounes Awalan» (La Tunisie d’abord) : L’idéologie de Nidaa Tounes, portée par ses électeurs, est malheureusement dans une impasse. Nous allons porter l’âme de Nidaa Tounes dans un autre corps, l’ancien est mort », a déclaré son fondateur. Au stade de cercles d’études de dirigeants, ces deux partis n’ont pas encore d’assise populaire.
Le parti Ennahdha reste influent. Sa démarcation entre le jeu politique et la prédication aurait suscité des tensions internes. On distingue désormais des radicaux, sinon des inquisiteurs et des modérés favorables à la thèse de l’Establishment. Mais une scission semble exclue dans ce parti centralisé. Préparant les élections municipales, Ennahda exprime son intention d’intégrer des indépendants, leur réservant même le statut de têtes de liste, donc de futurs maires. Il confirmerait sa stratégie de prendre le pouvoir et de réserver le gouvernail à des alliés. Mais le nouveau logiciel américain, désormais très réservé à l’égard de l’islam politique, dans l’aire arabe, relativise les ambitions dans cette conjoncture.
Le Front populaire reste actif. Il fait valoir les attentes sociales. Mais la modération de la classe politique tunisienne relativise son discours idéologique.