Kaïs Saïd, professeur en droit constitutionnel, donne son éclairage sur la deuxième version du projet de loi sur la réconciliation administrative, pour les lecteurs de leconomistemaghrebin.com, après son adoption par la commission de la législation générale au sein de l’ARP.
Tout d’abord, le professeur en droit constitutionnel a exprimé son étonnement que le site de l’ARP ne mentionne pas l’adoption du projet de loi. Et de rappeler que la version du projet a été rendue accessible par les organisations de la société civile.
Il a considéré que le dépositaire du projet de loi a opté pour le système du goutte à goutte pour faire passer le projet de loi. Autrement dit, passer du volet qui concerne les fonctionnaires d’abord avant de passer aux autres volets ( hommes d’affaires) : « Le premier projet, appelé projet de loi sur la réconciliation économique, ayant été refusé en 2015, pour la seconde tentative, en 2017, au lieu de passer tout le projet, ils ont opté pour la réconciliation administrative, comme ils l’appellent. De plus, d’après les rumeurs qui circulent, il semble qu’une version supplémentaire du projet sera déposée par le Chef du gouvernement et non par le Président de la République », annonce-t-il.
En outre, le constitutionnaliste a affirmé que l’article cinq du projet de loi est manifestement anticonstitutionnel. » Tout à d’abord, c’est une juridiction d’exception (les juridictions d’exception ne sont pas toujours pénales). Or la Constitution interdit les juridictions et tribunaux d’exception « , explique-t-il. « Pis encore, la Constitution prévoit toujours un double degré de juridiction, or cette juridiction ne prévoit pas de recours », affirme-t-il.
Pour lui, le problème n’est pas strictement juridique, c’est un problème foncièrement politique. « Donc il ne faut pas l’appréhender d’un point de vue juridique pur. Il ne faut pas oublier que des centaines de fonctionnaires ont été victimes tout au long de leurs carrières de toutes sortes d’abus parce que tout simplement ils n’étaient pas de connivence avec ceux qui étaient dans le système. Ces personnes qui sont parties à la retraite sans aucune promotion, ne sont-elles pas des victimes ? », s’interroge-t-il.
Par ailleurs Kais Saïd a affirmé que le peuple tunisien a le droit de connaître toute la vérité sans aucun esprit de vengeance. Il conclut : » Qui peut affirmer, sans l’ombre d’un doute, que tel ou tel fonctionnaire n’a pas reçu de pot-de- vin contre des services rendus ? »