A l’occasion du 60ème anniversaire de la République, Adel Kaaniche, président de l’Amicale des anciens parlementaires tunisiens revient sur la deuxième République. Interview
leconomistemaghrebin.com : Que représente la fête de la République pour les anciens parlementaires et pour les destouriens ?
Adel Kaaniche : Pour nous anciens parlementaires, nous considérons que la fête de la République est une fête à signification particulière, parce que la République est le fruit des travaux de la première Assemblée constituante. Je rappelle que le 25 juillet 1957, l’article premier de la Constitution a été adopté. Ainsi la République a été proclamée avant la Constitution de 1959. D’ailleurs pendant 55 ans, la coutume voulait qu’on fête cet événement au parlement. Cependant depuis quelques années, nous avons constaté que les anciens parlementaires sont exclus de la célébration de la fête. Raison pour laquelle, l’amicale a tenu à fêter la proclamation de la République en compagnie des anciens parlementaires qui ont exercé pendant les 55 ans qui ont suivi la naissance de la République.
C’est la sixième fête de la République après le 14 janvier 2011. Cela incite à se poser la question s’il existe une convergence entre les principes de la première République et la révolution tunisienne ou s’il y a rupture ?
Nous avons fait le choix de la République dans la Constitution de 1959 qui, à mon sens, est la meilleure Constitution que nous ayons eue pour une raison évidente : ellea mis en place les piliers de la République et a opté pour un régime électoral à scrutin majoritaire dont l’objectif est de construire un régime politique fort, capable de mener à bien les réformes. Aujourd’hui, en 2017, c’est un nouveau souffle qui va mener le pays vers une nouvelle étape. Qoi qu’il en soit, les grandes valeurs de la République sont encore là : comme l’indépendance de la justice et l’égalité devant la loi.
Comment évaluez-vous les six ans de l’après-14 janvier 2011 ?
C’est une période transitoire et très difficile car elle a connu beaucoup de tensions et de tractations politiques et de mises à l’écart : les personnalités destouriennes ont été exclues du paysage politique mais depuis l’entretien entre le Président de la République Béji Caïd Essebsi et Cheikh Rached Ghannouchi à Paris, le consensus a prévalu. Cela veut dire aussi que la Tunisie peut accueillir tout le monde sans exclusion et que les partis politiques doivent s’unir autour d’un projet unique. Ainsi nous devons avoir la capacité de gérer nos conflits. Le temps est venu pour dépasser grâce au consensus cette période de tension qui n’a que trop durée.
Quelles sont les caractéristiques de la deuxième République d’après vous ?
C’est le passage d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Ce qui a compliqué encore les choses, c’est le système électoral proportionnel. Cela dit, aucun parti politique ne peut s’accaparer à lui seul la majorité des sièges. Ainsi le consensus est une nécessité dans la deuxième République
Et que reprochez-vous à la deuxième République ?
Avec tout le respect que je dois à l’Assemblée qui a conçu la Constitution de 2014, mais il est difficile pour la Tunisie de continuer avec un régime politique pareil. A mon avis, viendra le jour où il faudra amender le régime électoral pour opter pour un régime électoral majoritaire.
Vous avez souvent parlé de réconciliation mais ne faut-il pas prendre en considération les plaies qui sont encore ouvertes ?
A ce sujet, il faut prendre en considération deux paramètres : le premier est relatif aux affaires des droits de l’Homme qui relèvent de la compétence de l’Instance Vérité et Dignité. L’IVD doit continuer son travail. Cependant, je considère qu’il faut donner la parole aux coupables aussi or la méthode utilisée par l’IVD consiste à donner la parole uniquement aux victimes. Il faut convoquer le coupable pour savoir quel est le degré de véracité des propos de la victime.
Pour les crimes financiers, il existe le projet de loi relatif à la réconciliation administrative qui s’adresse aux fonctionnaires qui n’ont pas touché de pots-de-vin et qui ont été soumis aux ordres de leur hiérarchie. D’ailleurs les fonctionnaires doivent se conformer aux ordres de leurs supérieurs conformément à l’article 42 du Code pénal qui stipule que « N’est pas punissable, celui qui a commis une faute en vertu d’une disposition de la loi ou d’un ordre de l’autorité compétente ». Dans ce genre d’affaires, le tribunal aurait dû appliquer l’article précité.