Ridha Chkoundali, Professeur d’enseignement supérieur en économie à l’Université de Carthage, a déclaré à leconomistemaghrebin.com que l’endettement n’est pas une fatalité et qu’il existe d’autres solutions, contrairement aux propos tenus dernièrement par Fadhel Abdelkefi, ministre des Finances par intérim devant l’Assemblée des représentants du peuple.
Le professeur a commencé son analyse par expliquer les raisons pour lesquelles l’Etat est obligé de s’endetter. En premier lieu, le manque de ressources fiscales qui s’explique par les difficultés rencontrées par les entreprises qui génèrent par conséquent de faibles revenus. A cet instar, il a rappelé qu’à chaque fois que la Tunisie enregistre un taux de croissance faible, c’est signe que les recettes fiscales ont chuté.
La solution n’est autre que la relance de l’investissement privé local surtout que les investisseurs privés hésitent à se lancer dans les activités après le 14 janvier 2011. Pourquoi ? « Les conseillers économiques de l’après-14 janvier 2011 pensaient que l’investissement dépend de la politique monétaire et budgétaire. Autrement dit, la Banque centrale de Tunisie doit réduire le taux d’intérêt pour que le coût d’investissement baisse. L’Etat devrait lancer des projets publics d’infrastructure, ce qui serait une incitation pour le secteur privé. » dit-il.
Relance de l’investissement privé
Pour lui, dans une période de transition démocratique, l’investissement privé dépend de facteurs extra-économiques : l’instabilité politique, sociale et la justice transitionnelle.
Notre interlocuteur a rappelé qu’avant la révolution, le taux d’investissement privé était assez élevé, les lois qui régissent l’investissement n’étaient pas impeccables et on avait les mêmes banques publiques avec les mêmes problèmes. « L’investisseur menait ses investissements car la stabilité politique encourage à investir. Toutefois, le consensus politique est encore fragile, ce qui représente un risque pour les investisseurs », explique-t-il.
Concernant l’instabilité sociale, il a fait savoir que l’investisseur ne peut souvent garantir la maîtrise des grèves et des sit-in au sein de son entreprise, ce qui pourrait nuire à ses engagements avec les clients locaux et étrangers.
Pour M. Chkoundali, la justice transitionnelle figure parmi les facteurs extra-économiques. Aujourd’hui, plusieurs hommes d’affaires sont face au retard des verdicts des tribunaux. La transparence est un élément important dans l’amélioration du climat d’affaires. Plusieurs investisseurs locaux décident parfois de geler leurs activités en attendant que la situation devienne plus claire.
« Malgré les réformes économiques proposées par le gouvernement, les facteurs extra-économiques sont un frein pour la relance économique. Les prêts accordés par le FMI sont utilisés comme un appui au budget et surtout pour payer les salaires. Ces prêts sont conditionnés par des réformes douloureuses. Celles-ci ne donneront pas de résultats immédiats comme la hausse des ressources fiscales. Aujourd’hui, nous sollicitons des prêts pour financer des réformes qui n’auront aucune incidence sur l’économie tunisienne », regrette-t-il.
Le professeur universitaire campe sur sa position, à savoir relancer l’investissement privé pour créer de la croissance et augmenter les revenus fiscaux, ce qui permettra de nous éviter le recours à l’endettement. « L’investissement local encourage l’investissement étranger », assure-t-il.
Sur un autre volet, notre interlocuteur a indiqué que la déclaration du ministre concernant l’endettement pour payer les salaires des fonctionnaires pourrait ébranler la confiance des bailleurs de fonds et des institutions financières en Tunisie et pourrait même faire dégrader la note souveraine de la Tunisie.
Ridha Chkoundali a considéré que de tels propos de la part du ministre des Finances pourraient donner à penser que la Tunisie n’est pas assez sérieuse pour mener les réformes car l’endettement doit être orienté vers l’investissement et non pas vers la consommation. « En dernière analyse, l’endettement n’est pas la bonne solution pour résoudre la crise économique », affirme-t-il.
« Lors de son discours à l’ARP, le ministre des Finances par intérim a procédé à un diagnostic de la situation où il a présenté le recours à l’endettement comme la seule solution à la crise que traverse le pays, ce qui est discutable.», conclut-il.