Persévérante et inflexible, elle arrive à s’adapter à toutes les situations, telles sont les qualités de Khawla Ben Aicha, députée du bloc parlementaire Machrou3 Tounes qui incarne la jeunesse qui s’efforce à rendre la Tunisie plus moderne. A l’occasion de la fête de la Femme, elle s’est prêtée de bonne grâce à nos questions. Interview:
-Pourquoi avoir choisi la politique?
Tout a commencé lors des premières élections, le 23 octobre 2011, où je me suis contentée de faire mon devoir électoral. En 2011, nous avions beaucoup d’espoir, mais après les deux premiers mois, j’étais extrêmement déçue: je ne voyais pas des gens parler le langage que je parle. Et je me suis dit si moi je ne me sens pas assez représentée, qui le fera? Je n’avais plus confiance en ces gens en 2011 et il fallait que je m’investisse. En 2012, je me suis investie à Nidaa Tounes où j’occupais le poste de chargée de la communication de la section de Nidaa Tounes à Paris et puis, j’ai commencé à militer au sein du parti Nidaa Tounes et peut-être qu’en me présentant, en faisant les choses autrement, j’arriverai à changer 1% de choses, ce serait un exploit. D’abord, j’ai laissé tous mes privilèges en France, j’étais enseignante à l’université dans les écoles de commerce, j’avais une société de conseil en marketing et j’ai tout laissé tomber. Ces cinq années n’ont pas été des sacrifices, mais une précieuse opportunité pour oeuvrer pour la Tunisie de demain. Autrement dit, on peut faire de la politique autrement, en étant honnête, correcte, soi-même et pour représenter les personnes qui me ressemblent. L’objectif est de donner envie aux jeunes de s’investir dans la politique. Aujourd’hui, je suis membre fondateur du parti Machrou3 Tounes, membre du bureau exécutif, responsable des relations internationales du parti.
-Que représente pour vous le 13 Août?
C’est le bon moment pour se remémorer les acquis de la femme tunisienne et ce qui reste à faire pour améliorer sa situation. Comment pourrait-elle être plus efficace, plus présente dans la société ? Quand nous atteindrons une égalité parfaite entre les hommes et les femmes, nous pourrons alors dire que nous avons gagné.
-Quels sont les défis en tant que députée?
Je pense qu’au niveau législatif, nous n’exerçons pas assez notre rôle de contrôle gouvernemental pour que les textes de loi votés soient appliqués. Même si leur application signifie parfois le déploiement de grands moyens matériels et humains comme pour l’ouverture de centres d’accueil des femmes agressées prévue par la fameuse loi, votée récemment, sur la violence faite aux femmes. Et bien entendu, ne pas perdre de vue que nous devons constamment être à l’écoute des citoyens comme l’exige notre rôle de députée.
-Le paysage politique est perçu comme un monde dominé par des hommes, qu’en pensez-vous?
C’est clair, c’est un monde dominé par la gent masculine. J’en ai fait l’expérience législative. Je disais à mes proches que je partais avec un double handicap étant jeune et surtout une femme. Aujourd’hui, j’ai 29 ans quand je me suis présentée aux élections, j’avais 25 ans, et d’un seul coup, je me suis retrouvée sous le feu des projecteurs sans avoir conscience de ce que cela signifiait, à savoir que vous vous exposez à toutes sortes de critiques. On touchera même à votre vie privée pour vous faire désister. C’est pourquoi, les Tunisiennes préfèrent travailler dans l’ombre et je les comprends. Ce qu’elles recherchent avant tout c’est l’efficacité, contrairement aux hommes qui tendent à être obsédés par le protagonisme. On reconnaît tout de même à la femme de grandes qualités morales, surtout celle de ne pas être facilement corruptible. Elle bénéficie du préjugé favorable d’être fiable, loyale. Les mentalités ont la peau dure. Même dans les pays dits avancés, la femme n’a pas encore la place qu’elle mérite en politique, sauf à de rares exceptions comme dans les pays scandinaves. Un long travail reste à faire mais la réussite est au bout du chemin, j’en suis convaincue.
-Que faut-il faire pour que les femmes tunisiennes se retrouvent au premier rang?
En effet, la place de la femme aujourd’hui devrait être au premier rang mais il y a chez nous l’aspect sociétal et culturel qui coincent et qui font que la femme n’ose pas. Il faut dire aussi qu’il y a à déplorer un manque de solidarité féminine. Si les femmes étaient plus solidaires les unes avec les autres, elles seraient une force inestimable.
-Si vous aviez une citation qui détermine la femme tunisienne, ce serait laquelle?
Il y a plus de 30 ans, Françoise Giroud disait : « La femme serait vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente. » J’aime à renvoyer cette citation car je suis convaincue d’une chose, à savoir qu’ on ne peut pas s’asseoir et réclamer ses droits, il faut le montrer et dire qu’on est capable et non pas être là pour faire partie du décor. Il faut vraiment prouver qu’on est compétente, qu’on peut apporter un plus. En somme, il faut que nous soyons des forces de proposition.
Votre modèle?
Le leader Habib Bourguiba parce qu’il nous donne envie de moderniser notre Tunisie et de continuer ce qu’il a entamé.