Demain 13 Août la Tunisie fêtera la femme. Attaché à la date de la promulgation du Code du statut personnel, un certain 13 août 1956, voilà maintenant 61 ans que le pays a franchi un pas de géant vers la modernité, un pas qui a fait désormais de la Tunisie un cas à part dans le monde arabe et musulman.
C’est pourquoi, chez nous, et contrairement au monde entier, nous fêtons la femme deux fois chaque année, la première, celle du 8 mars où la Tunisie consacre son engagement pour les valeurs universelles relatives à la liberté des femmes et à l’égalité de leurs droits avec la gent masculine. Mais aussi nous la fêtons à notre échelle nationale, le 13 août, pour mettre en exergue notre marque distinctive par rapport aux autres pays arabes et musulmans.
Désormais, en Tunisie, on ne parle plus de polygamie, d’interdiction de l’accès de la femme aux différents strates de l’enseignement et métiers ce sont des acquis dont les six années de transition par lesquelles on vient de passer n’ont fait que confirmer un choix qui était au début élitiste, mais qui s’est transformé désormais en modèle sociétal qui requiert l’adhésion de la société entière. Cependant, une question se pose avec de plus en plus d’insistance, devrions-nous nous contenter de nous en féliciter au risque de maintenir un statu quo et estimer qu’il n’est plus possible de faire mieux ?
Dans un monde qui change, les mentalités et les pratiques changent, c’est aussi, tout le système sociétal qui change. C’est la raison pour laquelle la question de savoir jusqu’où pourrions-nous aller dans le domaine de la promotion des droits de la femme demeure pertinente et persistante. Elle l’est encore plus à partir du moment où la Constitution de 2014 a établi le principe de la parité Homme-Femme, une parité déjà mise en œuvre dans la pratique électorale depuis 2011 mais qui demeure insuffisante si elle ne s’étend pas à d’autres domaines tels que la question de l’héritage qui, semble-t-il, passe mal.
La Tunisie a certes levé en 2013 les réserve concernant la convention de l’élimination de toute forme de discrimination contre la femme (CEDAW), chose qui implique une acceptation du principe de l’égalité dans l’héritage entre l’homme et la femme, ce même principe que la Constitution de 2014 a confirmé. Cependant, force est de constater qu’une forte résistance à ce principe demeure encore à l’œuvre. Une opposition de principe pour les uns, des obstacles psychologiques pour les autres. Le constat est le même : la Tunisie n’a pas encore réussi à franchir le cap qui lui permet d’être en cohérence avec les principes énoncés par sa Constitution et qui ont bénéficié d’une quasi-unanimité lors de leur promulgation en 2014.
Il suffit de jeter un œil sur les déclarations de certains politiciens ou de certains partis, pour constater ce sentiment d’autosatisfaction vis-à-vis des acquis réalisés par la femme en Tunisie. Un tel sentiment, bien que certains droits économiques et politiques soient encore en deçà des attentes, exprime un manque évident d’audace chez les politiciens, notamment ceux qui se réclament du camp des modernistes, pour aller jusqu’au bout du projet réformiste entamé par Bourguiba en 1956. Ces politiciens, supposés être à l’avant-garde des reformes, préfèrent souvent passer outre certaines questions de fond telles que celle de la parité au niveau du partage de l’héritage de crainte de soulever une polémique « inutile » qui pourrait éventuellement faire perdre des voix lors des scrutins ou réduire leur cote de popularité. Un manque évident de volonté politique est à constater à ce niveau-là.
Cependant, et à l’occasion de la fête de la Femme de cette année, nous ne pouvons en tant que Tunisiens que nous féliciter de cette avancée considérable au niveau de la législation relative aux droits de la femme réalisée ces dernières semaines. Il s’agit, bien évidemment, de la loi contre la violence faite aux femmes. Une avancée qui conforte la Tunisie dans ses orientations et ses choix sociétaux, mais qui appelle aussi à d’autres réformes.
C’est pourquoi, célébrer le 13 Août, c’est, d’une part, célébrer la symbolique de cette date et adhérer à la valeur qu’elle comporte. Et c’est, d’autre part, réitérer l’engagement de tout un pays envers une cause de laquelle dépend tout le progrès convoité.
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