«Le prochain gouvernement devrait être politique par excellence.» C’est ce qu’a déclaré, lundi 28 août 2017, le directeur exécutif de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi, dans un post publié sur sa page Facebook.
«On en a assez des gouvernements de technocrates et de compétences», a-t-il ajouté. Dans les pays aux traditions démocratiques ancrées, le parti vainqueur des élections a le droit de désigner aux différents postes de gouvernement les personnes qu’il juge capables de consacrer sa politique et d’appliquer son programme.
Dans cette logique des choses, le parti Nidaa Tounes, qui a récolté le plus de voix lors des élections législatives et présidentielles de 2014, est dans son plein droit de prétendre à un maximum de postes, aussi bien au niveau du gouvernement qu’à celui des gouvernorats et délégations.
En théoricien politiste, HCE a insisté sur le fait que «le politicien a une vision politique alors que le technocrate se contente de la mettre en œuvre». Selon lui, l’idée de gouvernement de technocrates et de compétences ne fait que renverser cette règle. C’est pourquoi, conclut-il, «le gouvernement ne peut qu’être politique, et le parti Nidaa Tounes, étant le parti majoritaire, devrait être le parti le plus représenté au sein du nouveau gouvernement».
Fustigeant au passage ceux qui critiquent cette propension de Nidaa Tounes à vouloir s’emparer d’un maximum de portefeuilles gouvernementaux, HCE a indiqué que le seul objectif de ces derniers est «d’exclure son parti de la sphère des décisions et balayer d’un revers de la main le choix populaire validé par les résultats des élections de 2014».
«L’analyse» de HCE n’est pas sans fondement logique. Cependant, il semble omettre, selon ses déclarations, deux facteurs majeurs qui battent en brèche tout son raisonnement. Le premier est que, ce qu’il considère comme popularité d’un parti vainqueur des élections de 2014 s’est dilapidé à l’épreuve de l’exercice du pouvoir. Le parti Nidaa Tounes de 2014 n’est désormais plus le même que celui de 2017. Un parti qui a connu depuis ces élections de 2014 un itinéraire des plus chaotiques. Implosé en quatre partis, il s’est ainsi effrité à cause des guerres intestines qui ont opposé les récalcitrants au directeur exécutif qui lui reprochent d’avoir procédé à une mainmise en règle sur les structures du parti, excluant ainsi tous ceux qui osent critiquer sa politique et ses choix.
Le résultat est que sa masse parlementaire a rétréci depuis 2014 comme peau de chagrin. D’une majorité de 89 députés à l’Assemblée des représentants du peuple, son bloc a été réduit à une cinquantaine de députés, laissant ainsi le parti islamiste Ennahdha, avec son bloc de 69 députés, le devancer. C’est pourquoi, dit-on ici et là que le statut gouvernemental auquel il prétend ne correspond pas du tout à la force actuelle dont jouit le parti.
Le deuxième facteur est que le gouvernement actuel n’est pas un gouvernement partisan qui applique la politique du parti vainqueur aux élections, c’est plutôt un «gouvernement d’union nationale» qui applique la politique et le programme de l’ensemble des parties signataires de l’Accord de Carthage, initiés par les soins du Président de la République. Ainsi, la logique majoritaire/minoritaire ne semble pas adaptée à la conjoncture politique actuelle du pays.
Par ailleurs, et indépendamment de ces deux facteurs, HCE semble favoriser la logique partisane à la logique technocratique. Car, non seulement la Tunisie est encore dans cette phase difficile de transition où le pays cherche péniblement à se frayer un chemin lui permettant d’accéder au club des pays démocrates, et elle est loin d’être cette démocratie aux traditions ancrées, mais c’est aussi un pays qui souffre depuis quelques années d’un déficit économique et de tensions sociales qui menacent tout le processus entamé depuis 2011. C’est pourquoi, l’esprit de compromis devrait, dit-on, prévaloir car c’est la seule méthode à même de permettre au pays de venir à bout d’une crise qui n’a que trop duré.