Le combat contre la corruption dans l’administration publique pourrait être mené de façon plus efficace. C’était à l’occasion d’un débat ayant pour thème “ La corruption: complexité et modalités d’action”, les 7 et 8 septembre, organisé par l’Instance nationale de lutte contre la corruption en partenariat avec l’Union européenne.
“Il faut souligner que l’autorité nationale de lutte contre la corruption est une instance importante, qui a acquis plus de pouvoirs. Elle joue un rôle d’une capitale importance en termes de contrôle des pouvoirs publics, où le niveau de la transparence est le plus élevé”, c’est ce qu’a déclaré Sonja Levstik, experte, de l’institution italienne nationale de lutte contre la corruption, en Italie. La grande corruption se trouve dans les marchés publics, c’est la conviction de Mme Levstik.
Pour leconomistemaghrebin.com, elle esquisse quelques pistes. Elle déclare: « pour gagner cette bataille contre la corruption et aller de l’avant, il faut d’abord essayer de changer les mentalités. Il faudrait chercher à transmettre une nouvelle philosophie, à savoir être honnête, fort et surtout résister. Ce sont les conditions sine qua non pour lutter efficacement contre la corruption ».
Au niveau européen, il est essentiel de décortiquer le processus de la corruption pour détecter les défaillances, tout en mettant l’accent sur les signaux d’alerte, qui jouent un rôle important dans ce combat. Cela dit, la corruption reste toutefois un phénomène global.
« Or le gros problème réside au niveau de la législation qui demeure, à ce jour, assez complexe. Autrement dit, simplifier les textes de loi pour le citoyen lambda serait également utile », a-t-elle poursuivi.
L’objectif de la rencontre est de dégager, d’une part, les facteurs partagés de la corruption et d’autre part, saisir la particularité de la Tunisie à travers les formes locales que revêt la corruption.
Mehdi Ben Jemaa, enseignant en droit public, déclare que l’objet du colloque est de développer la recherche et les sondages, les mesures d’indice de corruption pour pouvoir mieux identifier et agir sur ce phénomène. Selon lui, il est important d’effectuer une étude sur le monde universitaire, « parce que la culture citoyenne commence par le milieu scolaire, c’est là où il faut qu’il y ait toute une approche de lutte contre la corruption », a-t-il souligné.
Par ailleurs, Samiha Khelifa, maître de conférences en développement territorial à l’Université de Sousse, enchaîne en affirmant qu’il s’agit d’un phénomène complexe. « D’où l’importance de créer la co-construction d’un glossaire lié à la terminologie de ce qu’est la corruption », a-t-elle indiqué.
Lors de la deuxième journée du 8 septembre, sous le thème » Conséquences de la corruption sur l’économie », Leila Blili, professeur universitaire et historienne, soutient que la corruption est au cœur des sciences sociales. « On ne peut pas comprendre la corruption si on va la réduire à une simple chronométrie quantitative », déclare-t-elle.
Selon elle, il s’agit d’un phénomène historique et social, un phénomène anthropologique. Elle ajoute: « Après les révolutions de tous les pays du monde, il y a une forme d’anarchie, de corruption, mais on sait que c’est une période passagère. Il n’empêche que lutter contre ce phénomène requiert du souffle, car c’est un processus de longue haleine ».
De son côté, Richard Martinez, spécialiste du Service de prévention de la corruption (Paris), déclare : « Les évaluations dont nous disposons sont aléatoires car la réalité est plus complexe qu’il n’y paraît. En France, les gens disent que la corruption varie entre 0 et 1%, mais le coût de la corruption au niveau européen était de 100 millions d’euros. Or ce sont des méthodes économétriques et approximatives. Il faut se concentrer non seulement sur le coût mais sur les retombées effectives sur la société ».
Et de poursuivre: « Transparency international n’a pas une vision scientifique dans le sens de l’acte reproductible. C’est un outil qui sert, mais on n’est pas dans la connaissance scientifique mais plutôt dans les critères généraux ».
De ce fait, les indicateurs de Transparency International sur la corruption même s’ils sont alarmants, ne sont pas suffisants pour avoir un tableau clair et précis de la situation, malgré la légère amélioration que signale leur classement : sur 176 pays, la Tunisie a gagné une place, de 76e elle est classée 75e. Il n’empêche que la croissance peine à reprendre.
Une étude de l‘IACE a rappelé que la corruption, la contrebande et le secteur informel entravent l’investissement et la productivité des entreprises privées qui, rappelons-le, contribuent à hauteur de 68% à l’emploi, à 63% des recettes fiscales, 72% des exportations et 63% du PIB, avec la grande entreprise comme locomotive de l’économie nationale employant en 2015, 42.29 % de l’effectif salarié total du secteur privé. Par ailleurs, idem pour certains experts qui évaluaient le coût de la corruption et de la mauvaise gouvernance en matière de contrats publics « à deux milliards de dinars ».
Quand la loi et son application trouveront de la place dans la société, à ce temps, on pourra espérer, décortiquer l’informel et donner une bouffée d’oxygène à l’économie nationale.
Comment? commençons par réduire le corporatisme, le favoritisme et pensons à la compétence adéquate en nommant nos responsables.