Beaucoup se demandent si le discours prononcé par Donald Trump le mardi 19 septembre devant la 72e session de l’Assemblée générale de l’ONU est digne du président d’une grande puissance. Insultes, attaques verbales de bas niveau, promesses de guerre et menaces de destruction, sans parler des déformations des réalités et des inversions de vérités, voilà à peu près le contenu du discours du président américain que le ministre iranien des Affaires étrangères Jawad Zarif a qualifié de « discours de l’ignorance et de la haine digne du Moyen-âge et non du 21e siècle ».
Sans surprise, les deux principales attaques trumpiennes ont été dirigées contre l’Iran et la Corée du Nord qui, selon la position américaine devenue une rengaine, ont constitué, constituent et constitueront toujours une menace mortelle pour la paix mondiale.
Concernant le dossier iranien, le président américain a répété devant l’Assemblée générale de l’ONU à peu près le même discours qu’il tenait quand il était candidat avec tous les arguments fallacieux chuchotés par Netanyahu et le lobby israélien. Il n’y a vraiment rien de nouveau, les accusations de soutien au terrorisme, les menaces de sanctions supplémentaires et de retrait des Etats-Unis de l’accord proférées avant l’ont été encore une fois devant une Assemblée visiblement dubitative.
Les réactions des alliés occidentaux au discours de Trump ont souligné le degré d’isolement des Etats-Unis qui, sur le dossier du nucléaire iranien, ne bénéficient que du douteux soutien israélien. Ni la France, ni l’Allemagne ni même la Grande-Bretagne ne veulent entendre parler d’une remise en cause de l’accord conclu après d’âpres négociations et d’intenses efforts collectifs.
Mais les réactions les plus indignées au discours de Trump concernent le passage relatif à la Corée du Nord dont le président Kim Jong-un est qualifié de « dépravé » et d’ « homme-fusée en mission suicide » dont le pays « menace le monde entier d’un conflit nucléaire ». Et c’est pour mettre fin aux menaces que constitue selon lui le « régime vicieux » de Pyongyang que Trump annonce devant quelque 130 chefs d’Etat et de gouvernement qu’il pourrait n’avoir d’autre choix que de « détruire entièrement » la Corée du Nord !
On ne sait pas si Trump a une idée des drames terrifiants et des crimes innommables commis par l’armée américaine pendant les trois ans qu’avait duré la guerre de Corée (1950-1953) et à l’issue de laquelle le général Curtis Le May déclara : « Nous avons réduit en cendres toutes les viles de la Corée du Nord ». S’il n’a aucune idée de ce drame de proportions bibliques, il gagnerait à lire le livre de Robert Neer ‘’Napalm’’ publié aux Etats-Unis en 2013. Une telle lecture lui permettra d’apprendre un certain nombre de choses et l’amènera peut-être à comprendre le comportement des dirigeants nord-coréens et à nuancer ses positions un peu trop belliqueuses.
En lisant « Napalm » de Robert Neer, il apprendra que « plus d’un million de civils coréens ont été tués et plusieurs millions forcés à prendre la route de l’exil » ; que « 635 000 tonnes de bombes ont été déversées sur la Corée » ; que « Pyongyang, une ville d’un demi million d’habitants en 1950, fut entièrement détruite » etc.
Il y a soixante-cinq ans, la Corée du Nord avait donc été entièrement détruite et voilà que Trump menace de rééditer aujourd’hui le drame innommable perpétré par son prédécesseur Harry Truman, celui-là même qui avait détruit Hiroshima et Nagasaki par l’arme nucléaire.
Pourquoi Kim Jong-un est-il diabolisé à ce point ? Pourquoi Trump le considère-t-il comme « un dépravé », « un fou », « un homme-fusée en mission suicide » ? Les dirigeants nord-coréens menacent-ils réellement la paix dans le monde ? En soixante-cinq ans d’existence, la Corée du Nord a-t-elle agressé un voisin proche ou lointain ? A-t-elle envoyé un seul de ses soldats en dehors de ses frontières ?
Les dirigeants nord-coréens sont obsédés par une seule chose : éviter à leur pays une nouvelle agression destructrice. Et en toute logique, ils tentent de mettre en place les instruments de dissuasion qui décourageraient d’éventuels agresseurs. L’arme nucléaire et les fusées accumulées en Corée du Nord ne sont pas destinées à l’agression, mais à la défense. Elles ne sont pas de nature offensive, mais dissuasive. Et quoi qu’en disent les Américains, Kim Jong-un n’est pas un fou en mission suicide, mais un dirigeant intelligent dont la stratégie vise un double objectif : 1- préserver l’intégrité et la sécurité du pays que son grand-père Kim il Sung et son père Kim Jong-il ont reconstruit ; 2- ne pas subir lui et son régime le sort de Saddam Hussein et son régime.
Car il est maintenant établi que si Saddam avait les moyens de dissuasion dont dispose Kim Jong-un, il serait encore au pouvoir et le monde en général et le Moyen-Orient en particulier se seraient épargné tous les désastres bibliques auxquels on assiste depuis le 20 mars 2003.
Car il est maintenant établi que les Etats-Unis, avec l’armée la plus puissante du monde, avec 700 milliards de dollars de budget militaire et 850 bases disséminées aux quatre coins du monde n’attaquent que les pays dépourvus de moyens dissuasifs et pauvrement armés, le but étant de détruire et tuer à volonté impunément et sans subir de pertes.
Et on arrive au clou de l’histoire. Kim Jong-un est diabolisé, traité de fou et de dépravé parce qu’il a déréglé ce système d’agression dans l’impunité auquel l’armée américaine s’est tellement habituée qu’il est devenu un droit acquis. Le clou de l’histoire est que les Américains sont furieux parce que Kim Jong-un a acquis la capacité de faire payer cher toute agression contre son pays. Et c’est ce qui fait sortir l’Amérique de ses gonds. Cette même Amérique qui, avec des années d’agressions et de guerres contre les Arabes et les musulmans, s’est habituée aux aventures faciles et sans risques.