Le flou persiste encore sur l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) et tous les indices laissent à penser que les choses n’avancent pas notamment en ce qui concerne la valeur ajoutée du dit accord à l’économie tunisienne, qui faut-il encore le rappeler ne passe pas par ses plus beaux jours. D’ailleurs, la société civile tunisienne demeure bel et bien sensible à la problématique. L’ONG Solidar Tunisie a organisé samedi un déjeuner débat intitulé « Aleca UE/Tunisie : pour un accord progressiste », afin de mieux creuser la question et interpeller les différents intervenants dans le domaine.
Sans vouloir prétendre détenir toute la vérité, l’ambassadeur de l’Union européenne, Patrice Bergamini, invité au déjeuner-débat, n’a pas manqué de présenter sa vision de l’Aleca tout en précisant que la Tunisie est un pays souverain et indépendant. Ainsi les arguments présentés par l’ambassadeur sont de nature à interpeller les observateurs de la scène économique. Premier point d’interrogation, d’après l’ambassadeur, depuis le mois d’octobre dernier, un seul round de négociation a été organisé à Bruxelles et une autre rencontre dirigée par des responsables européens pour rencontrer les représentants de la société civile tunisienne. D’après lui, la partie tunisienne est hésitante.
Dans le même cadre, l’ambassadeur a dévoilé qu’un haut responsable viendra de Bruxelles, en Tunisie, au mois d’octobre prochain pour faire le point sur l’avancement des négociations. C’est aussi une question de temps pour lui. Et de dire qu’il ne veut pas arriver à une situation où il se trouverait obliger de dire « à mes amis les Tunisiens » que le temps est passé. Pour lui, il n’est pas possible de rester dans le flou : soit l’Accord n’est pas adéquat, soit il n’est pas bon et il faut le revoir.
Dans la même approche, il s’est interrogé sur la logique de demander une évaluation de l’accord de 1995 quand on sait que plusieurs études ont montré que l’accord de 1995 a permis de booster les investissements de 187%. Pour lui, il est inutile d’évaluer l’accord surtout que les choses ont changé en Tunisie et dans l’Union européenne depuis cette date. « La Tunisie est la première qui a entamé les négociations avec l’Union européenne sur l’Aleca, dans la région du Maghreb et a reçu de l’Union européenne trois fois plus de dons que l’Egypte », indique-t-il.
L’intervenant a considéré que, contrairement à ce qu’il entend souvent lors des rencontres et des entretiens, l’approche qui consiste à accorder plus de visas dans le cadre de l’Aleca est loin d’être la meilleure. A cet égard, il a affirmé que les personnes qui travaillent sur les dossiers des visas ne sont pas les mêmes qui travaillent sur le dossier de l’Aleca et s’ajoute à cela que la situation sécuritaire de la Tunisie et de l’Union européenne n’est pas la même.
Revenant sur les relations entre la Tunisie et l’Union européenne, M. Bergamini a rappelé que l’Union européenne est le premier partenaire économique de la Tunisie. L’Union européenne a doublé ses aides à la Tunisie, raison pour laquelle l’absence de l’Aleca ne pourrait pas profiter à l’Union européenne d’après lui. L’intervenant a indiqué qu’en cas d’échec des négociations de l’Aleca, les entreprises tunisiennes vont perdre plusieurs avantages et opportunités et de considérer que l’échec de l’Aleca va profiter à d’autres pays comme la Chine et la Turquie.
Un accord fondamental pour la Tunisie qui lui permettrait de redresser son économie. C’est ainsi que Gilles Pargneaux, coordinateur de la délégation du parlement européen à l’Assemblée parlementaire de l’Union pour la Méditerranée a qualifié l’Aleca. Pour lui, il ne s’agit pas uniquement d’un accord commercial, mais d’un accord politique « qui pourrait contribuer à la stabilisation du parcours démocratique en Tunisie. » Afin que l’accord soit efficace et profite à tous les intervenants, il doit être asymétrique et progressif pour aider notamment les PME.
Lors de son intervention, Pier Antonio Panzeri, président de la sous-commission au Parlement européen « Droits de l’Homme » a mis en garde contre les répercussions de l’Aleca sur les droits socio-économiques et les PME. À cet égard, il a indiqué que l’Aleca ne doit pas engendrer des répercussions négatives sur les droits et les PME. L’évènement était, aussi, l’occasion de présenter les résultats de l’étude intitulée: « Le secteur des TIC et Aleca : état des lieux vs attentes du secteur. » Présenté par la professeur universitaire et l’économiste Fatma Marrakchi Charfi, il en ressort que l’Aleca présente plusieurs menaces pour le secteur des TIC. Pour l’économiste, l’Aleca rime avec la disparition des petites entreprises opérant dans le secteur des TIC, à cause de la concurrence avec des firmes internationales.
Pour elle, les longues procédures pour l’obtention du visa ne permettront pas facilement aux entreprises tunisiennes d’agir sur le marché européen. La contribution européenne à la formation des informaticiens tunisiens qui s’exportent pour la plupart en Europe, des aides financières européennes pour la Tunisie pour augmenter la capacité de formation des écoles d’ingénieurs, la suppression des problèmes de change, l’octroi de visas avec permis de travail à tous les travailleurs des sociétés TIC pour quatre ans sont, entre autres, les solutions recommandées par l’économiste, afin de rééquilibrer l’accord et donner plus de chances aux entreprises tunisiennes.
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