Avec son intention de lancer le fonds de recouvrement, l’Etat semble être déterminé à sauver ses entreprises publiques. Une bonne décision ? A notre avis, ce n’est pas tout à fait le cas.
Des chiffres qui font froid dans le dos
Selon les chiffres annoncés, les entreprises publiques ont suffoqué durant les dernières années. L’Etat a dû injecter en 2014 et 2015 quelque 8,460 milliards de dinars dans ces entités ! Si nous prenons en compte les chiffres de 2016, qui ne sont pas encore disponibles, nous allons certainement dépasser le seuil des 10 milliards de dinars. Par ailleurs, 51 entités ont des fonds propres négatifs avec des pertes cumulées depuis 2011 qui dépassent 4 milliards de dinars. C’est tout simplement catastrophique.
Décidément, cela reste insoutenable. Le gouvernement veut, à tout prix, se débarrasser d’une partie de ces entités qui pèsent lourd sur son budget. Néanmoins, cela reste difficile avec un obstacle de taille : le refus catégorique des syndicats de tout projet de cession, même partielle, de ces entreprises. La solution idéale pour les occupants de la Kasbah est donc multidimensionnelle : recapitaliser une partie de ces entités, reprofiler leurs dettes, procéder à des plans sociaux et enfin céder. Pour y parvenir, l’Etat, via la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC), compte donner naissance au fonds de recouvrement, doté d’1 milliard de dinars en partenariat avec le secteur privé dans le cadre d’un PPP.
Un optimisme infondé
A notre avis, l’optimisme que montre le gouvernement est irréaliste.
D’abord, nous ne voyons pas les syndicats accepter la présence de privés dans le tour de table des entreprises publiques. Et même si c’est le cas, il faut se demander qui sera cet investisseur privé qui accepterait d’entrer dans le capital d’une entreprise défaillante sans avoir les garanties de réformes profondes. Surtout, et pour ne pas jouer le rôle de figurant, un investisseur rationnel doit avoir au moins la minorité de blocage (le 1/3 du capital), et peut même exiger une option d’achat sur une partie du capital qui pourrait lui conférer, à terme, le contrôle. Nous pensons que ceci est impossible à obtenir face à la rigidité des partenaires sociaux.
Ensuite, les syndicats n’accepteront jamais la réduction des effectifs dans ces entreprises, une étape indispensable avant d’envisager toute sortie du capital. Nous avons en Tunisair un exemple illustratif. En effet, depuis des années, la compagnie aérienne tente, en vain, de licencier 1 700 employés. En outre, convaincu de l’impossibilité de licenciement, l’Etat a lancé un plan coûteux de départ anticipé à la retraite visant la réduction de 25 000 fonctionnaires dans les différentes administrations.
Enfin, injecter des fonds ne suffit pas. Il faut changer le business model de ces entreprises et améliorer leur gouvernance. A ce titre, nous avons un excellent exemple : la STB. Pour rappel, en 2015, les autorités ont injecté 608 millions de dinars dans le capital de la banque (71.54% du capital) qui vaut aujourd’hui (à 100%) 707 millions de dinars en Bourse ! L’Etat a donc déjà perdu plus de 21% de la valeur de sa mise. De plus, la banque est loin d’être privatisable en raison de ses fondamentaux très fragiles et de son exposition au secteur touristique.
Si ce fonds de recouvrement verra le jour, nous pensons que la plupart des opérations seront identiques. Il servira plutôt à recapitaliser les entités publiques.
A notre avis, il faut avoir l’audace de passer directement à la cession de ces entités sans perdre l’argent du contribuable. Il vaut mieux l’utiliser pour aider les fonctionnaires licenciés à lancer leurs propres projets que pour réanimer des entreprises moribondes. C’est douloureux, mais c’est le seul vrai remède.
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