Plus connue pour sa détermination et sa volonté d’aller de l’avant, Ahlem Hachicha Chaker, Directrice Exécutive de l’Institut des Politiques du Parti Machrou3 Tounes, incarne la femme tunisienne qui, depuis des décennies, continue sa course sans fin dans l’attente de meilleurs jours. Interview:
-Vous venez d’être nommée Directrice Exécutive de l’Institut des Politiques du Parti Machrou3 Tounes, quelles seront les nouvelles “locomotives” de cet institut?
Travail, ouverture, interaction, réflexion. Il y a un travail énorme à effectuer pour rétablir la confiance entre les partis politiques et les acteurs sociaux, économiques et civils. L’Institut sera ouvert sur ces acteurs et privilégiera l’interaction avec eux. Ensuite vient l’étape de la réflexion nourrie de cette vision multiple, de cet enrichissement. C’est ainsi que se font les politiques d’utilité publique.
-Comment observez-vous les débats politiques aujourd’hui?
Les débats politiques se jouent à deux niveaux.
Dans un certain cercle, on entretient la méfiance envers la chose politique. On assène avec légèreté que les politiques et les partis « cherchent leur propre intérêt ». Le risque de rupture entre le tunisien et les institutions politiques du pays est grave.
A un autre niveau, un débat de fond s’installe, se met en place. Des acteurs politiques de même conviction se donnent enfin l’opportunité d’avancer et de faire avancer le processus démocratique, ensemble. Cela me conforte dans mon optimisme pour l’avenir du pays.
-Dans quelle mesure la politique en Tunisie peut-elle développer son efficience, avec une instabilité politique déjà régnante?
La politique a fait ses preuves en Tunisie. Dans un processus complexe et compliqué, les acteurs politiques tunisiens s’en sont assez bien sortis. Une transition relativement rapide et réussie. Instabilité politique? Plutôt une dynamique qui crée une opportunité bienvenue afin de se poser et de revoir certains mécanismes et certains choix effectués depuis 2011. La réforme du Règlement Intérieur de l’Assemblée, la révision du Code Electoral, des réajustements nécessaires pour une meilleure représentativité des Tunisiens et une gestion des affaires publiques plus efficiente.
-Le taux de participation des politiciennes demeure faible, qu’en pensez-vous et comment lutter contre le sexisme en politique?
La participation des femmes est l’un des moteurs de toutes les machines politiques et électorales depuis 2011. Mais quelle en est la réelle profondeur? Il ne s’agit pas de participation. Il s’agit de représentativité. Cette représentativité doit traduire une réalité. Les femmes représentent la moitié de la société. Elles doivent représenter la moitié de l’échiquier politique, de la scène médiatique. Ce qui est loin d’être le cas. Les partis politiques et les institutions doivent développer des politiques d’inclusion et d’intégration. Quant aux médias, leur responsabilité est importante. Ils renvoient une image faussée de la société en privant les femmes d’une visibilité nécessaire et méritée, poussés par un sexisme latent et rémanent. J’ai de la chance de faire partie d’une équipe qui a cru en moi et pour qui l’inclusion des femmes n’est pas une posture. Pour résumer, je rappelle cette phrase de Benoîte Groult: «Le féminisme n’a jamais tué personne, le machisme tue tous les jours».
– Quelle est la réforme que vous aimeriez le plus voir adoptée par le gouvernement ?
La réforme primordiale est celle de l’éducation. L’éducation en Tunisie est aujourd’hui un purgatoire pour les jeunes. Elle doit devenir un outil d’enrichissement, de savoir, d’équilibre, de développement. L’école doit s’adapter aux enfants, à tous les enfants, selon leur personnalité, leurs affinités, leur individualité.
-Le mot de la fin, quelle est votre devise dans la vie?
« Etre un meilleur être humain, chaque jour ».