« Transformation de l’agriculture et développement rural », ce sujet programmé lors de la première journée des Rencontres Africa 2017 dédiée totalement à la réalité économique du continent peut sembler à certains, comparativement aux autres thèmes de cette rencontre internationale, moins attrayant et donc bien ancré dans l’approche classique en la matière. Or à suivre les interventions et les discussions le concernant, on se rend compte aisément du contraire.
L’agriculture dans sa relation avec l’approche numérique, ses multiples exigences pratiques et le prodigieux impact qu’elle peut avoir sur le développement s’avère être le sujet porteur pour assurer une croissance pérenne au niveau de toute l’Afrique. Et c’est d’ailleurs sous cette optique que les organisateurs de cette deuxième édition des Rencontres Africa 2017 ont placé le thème relatif à l’agriculture.En témoignent la qualité des interventions et le potentiel d’intérêt miroité par les discussions.
Cela a été dit en préambule. L’agro-industrie pourrait devenir dans les années à venir un des secteurs les plus dynamiques de l’économie africaine. Constat relevé avec brio par le modérateur de la séance, Alexandre Rale, qui a insisté sur les multiples facettes de l’intérêt qu’a l’Afrique de s’engager sur la voie de l’essor de l’agriculture. Et les chiffres de le confirmer. L’Afrique dispose de 65% de terres arables non cultivées du monde. Elle importe plus de 35 milliards de dollars de denrées alimentaires annuellement.
On imagine bien à travers ces chiffres la situation du continent en termes de besoins qui sont destinés à évoluer jusqu’au seuil de 100 milliards de dollars d’ici 2025. On imagine aussi les possibilités offertes pour réduire cette escalade des importations et, surtout, le potentiel d’investissements en la matière. Il est donc question surtout de sortir de l’état de producteur timoré et de consommateur à l’appétit aiguisé.
Pour cela, une seule alternative – et combien riche en promesses-, promouvoir une transformation du secteur agricole en un secteur agro-industriel. C’est le défi de ce XXIe siècle, comme cela été souligné en guise d’ouverture du panel. Il y va de la sécurité alimentaire du continent. Le développement régional de type inclusif est à même de favoriser une création de richesses durables.
C’était en substance la teneur de la majorité des interventions de ce panel, lesquelles ont aussi insisté sur les opportunités entrepreneuriales que cela est à même de favoriser.
« De grandes opportunités d’investissement »
Samir Taieb, ministre de l’Agriculture et de la Pêche et des Ressources hydrauliques, a, pour sa part, insisté sur le fait que la forte croissance démographique qui existe sur le continent africain favorise l’insécurité alimentaire et donc la sous-alimentation qui ne fera que s’aggraver si l’Afrique ne s’impose pas un changement radical, à travers son grand potentiel d’investissement qui peut atteindre les 100 milliards d’euros, en commençant par cesser d’exporter des matières brutes et de s’adonner plutôt à la transformation des produits de l’agriculture. Ainsi, développer l’industrie agro-alimentaire s’avère être la voie royale d’un futur développement et le défi majeur à relever actuellement.
En ce qui concerne la Tunisie, Taieb a mis en exergue les atouts du pays ( situation et proximité géographique avec l’Europe notamment) , lesquels lui permettent d’être « la porte de l’Afrique ». La Tunisie peut jouer, à ce titre, le rôle d’une plate-forme pouvant favoriser une coopération internationale fort porteuse en la matière . Bien sûr cela, comme l’a souligné le ministre, ne sera possible que si l’on passe de l’agriculture classique à celle qualifiée de moderne et qui inclut l’étape de la transformation des produits de la terre. Samir Taieb a appelé à mettre en place une coopération internationale, bénéfique pour tous. Il a en outre appelé à investir en Tunisie. Nous avons des créneaux porteurs telles l’huile d’olive et l’aquaculture entre autres.
Le respect des enjeux
Leith Ben Becher, agriculteur et fondateur du syndicat Synagri, a pour sa part insisté sur l’impératif d’assurer la sécurité alimentaire durable pour tout le continent africain. Pour cela, une seule alternative, développer l’agriculture sur le plan de la réalité vécue et non au niveau des textes seulement. Il importe dans ce cadre de développer l’agroalimentaire, et c’est dans le respect le plus total des enjeux économiques, sociaux et environnementaux que tout cela doit se faire.
De nombreux aspects à ce propos doivent être, selon lui, considérés dont ceux relatifs aux obstacles liés à la réalité de l’agriculture particulièrement. Il faut, devait-il conclure, mettre en place une politique agricole fondée sur deux piliers, en l’occurrence la durabilité et la bonne gouvernance.
Les percées du groupe AVRIL
Les réussites en matière d’investissement en la matière sur le continent existent bel et bien. C’est le cas du groupe AVRIL dont l’expérience a été présentée par son secrétaire général, Stéphane Yrles. Spécialisé dans le monde des huiles et des protéines, le groupe est considéré comme le pionnier mondial en la matière. Il a grandement investi en Afrique. En Tunisie, il s’est associé au groupe Hachicha .
« L’Afrique peut nourrir le monde »
Le Groupe Loukil , présent dans le panel par le biais de son PDG Bassem Loukil, a, lors de son intervention, mis l’accent sur l’intérêt d’une transformation de l’agro-alimentaire qui, selon lui, est une condition sine qua non d’une réussite agricole. En Tunisie, devait-il dire, on est passé de 2000 à 2010, du stade de la mécanisation à celui de la transformation et à l’exportation.
L’Afrique, qu’il connaît bien pour y avoir investi, offre de nombreuses opportunités d’investissement justement. Le potentiel des terres agricoles et, surtout la population en évolution avec un pourcentage considérable au niveau de la classe moyenne – consommateurs potentiels – sont bien des facteurs encourageants. L’Afrique « peut nourrir le monde » a-t-il souligné pour démontrer l’intérêt à ce que l’investissement se fasse vers le continent, surtout dans sa partie subsaharienne.
Et de remarquer en guise de conclusion que le problème majeur rencontré reste lié à l’infrastructure, quasiment inexistante dans certains pays, ce qui est de nature à dresser de nombreux obstacles devant l’investissement en plus des aléas liés au climat et aux circuits de distribution.
« L’afro-optimisme »
Jean-Luc François, Directeur du département transition écologique et ressources naturelles à l’AFD, a insisté sur l’intérêt du partenariat entre les pays africains et la France. Les opportunités d’investissement existent et les conditions de réussite aussi, particulièrement ceux liés à la terre, le capital humain et les compétences aussi. C’est ce qui l’a poussé à parler « d’afro-optimisme ».
L’agriculture doit être le centre d’intérêt de tous
Pour Michael Hage, le tableau général met en évidence des contraintes et des défis qu’il faut dépasser. Il s’agit particulièrement des aléas liés à l’écosystème africain, perturbé et aux changements climatiques. L’agriculture, a-t-il dit en substance, doit être le centre d’intérêt de tous car c’est une question de sécurité alimentaire. Elle offre, en outre, un potentiel d’investissement énorme.