Dans un contexte économique morose, le gouvernement tunisien continue à opter pour des budgets expansionnistes, donc plus de dettes. Mobiliser le maximum de ressources internes s’impose.
Néanmoins, le marché des BTA ne semble pas satisfaire pleinement les besoins de l’Etat en raison des taux d’intérêt élevés exigés par les banques. D’ailleurs, sur le programme de 2,3 milliards de dinars envisagé pour l’exercice 2017, les autorités n’ont mobilisé que 1,5 milliard depuis le début de l’année. Dans une telle situation, pourquoi ne pas recourir, de nouveau, à un emprunt national ? Bien que le succès de l’opération de 2014 ne soit pas aussi retentissant, dans la mesure où une grande partie a été assurée par les banques, il serait possible de parvenir à mobiliser une deuxième fois les tunisiens pour souscrire à un tel emprunt.
Trouver le juste équilibre
C’est vrai qu’in fine, il s’agira d’une nouvelle dette, et donc un risque pour la capacité à conduire une politique budgétaire active. Dans ces conditions, l’idée de lancer fréquemment des emprunts nationaux pourrait sembler paradoxale, mais en réalité, il n’y a pas de contradiction. C’est précisément parce que l’Etat se trouve dans une situation financière difficile, qui conduit légitimement à consacrer les ressources disponibles aux frais de fonctionnement et à la charge de la dette, qu’il convient de se contraindre par le moyen de l’emprunt national à préparer l’avenir.
Lancer un emprunt national, c’est se donner les moyens, au moment où le gouvernement en a le plus besoin, d’augmenter ses dépenses d’investissement. Le plus grand péril serait d’arrêter toute dépense d’avenir tant que la dette structurelle n’est pas résorbée. Cette logique dépressive et pro-cyclique conduirait à retarder l’essor des nouvelles sources de croissance qui permettront précisément de faire croître, sur le long terme, la base des prélèvements fiscaux et sociaux.
Ce serait d’une certaine manière sacrifier l’avenir de la Tunisie aux erreurs du passé, qui ont conduit à une dérive des comptes sociaux et des dépenses de fonctionnement. L’ampleur de la « mauvaise » dette publique et la nécessité de la réduire, ne sauraient interdire de contracter de la bonne dette consacrée à l’investissement dans des actifs rentables à long terme.
Ce qui manque
Avant de décider de recourir de nouveau à un emprunt national, il faut penser à rectifier le tir sur certains points. En particulier, nous n’avons pas d’idées sur l’issue de cet argent. Nous ne mettons pas là en jeu la crédibilité du gouvernement, mais nous pensons qu’il serait bénéfique de savoir l’utilisation de cet emprunt. Il faut prévoir un dispositif rigoureux de gouvernance pour suivre l’utilisation des fonds qui doit comprendre les meilleurs techniciens du ministère des Finances, des professionnels les plus chevronnés et même des parlementaires représentant le peuple.
Ces investissements doivent apporter un effet additionnel par rapport aux financements budgétaires habituels. Ils ne peuvent servir au financement de salaires de fonctionnaires. Dans ce sens, les dépenses d’investissement qui seront retenues doivent donner lieu à la constitution d’actifs et dans des investissements tout en exigeant un retour direct (sous forme de dividendes ou d’intérêts) ou indirect (recettes fiscales induites par une activité économique accrue).
Autre élément important qui pourrait motiver plus les personnes physiques à participer massivement à un emprunt national : l’avantage fiscal. La dernière fois, aucun avantage n’a été accordé aux souscripteurs puisque le taux d’intérêt offert est jugé élevé par l’émetteur. Mais pour un agent économique rationnel, octroyer son argent pour une compagnie de leasing qui offre plus de 7% de revenus et sans délai de grâce s’avère plus rentable. De plus, cela permettrait de collecter beaucoup de cash qui circule dans l’économie réelle mais qui reste hors de la portée des institutions financières.
Il y a donc une vraie niche à exploiter. Dans tous les cas de figure, les décideurs ne doivent pas oublier qu’il y a deux façons de mal préparer l’avenir : accumuler les dettes pour financer les dépenses courantes ; mais aussi, et peut-être surtout, oublier d’investir dans les domaines moteurs.