«Ancrage de la justice fiscale et mobilisation des ressources propres», tel est l’intitulé d’une étude réalisée par l’Association tunisienne des économistes (ASECTU) et présentée, ce matin, lors d’une journée d’étude présidée par Mohamed Haddar, économiste – président de l’ASECTU – et Mustapha Bouzaiene, statisticien-économiste ainsi que des experts en la matière et des représentants des médias.
Qui ne déclare pas ses revenus au fisc ?
Dans ce cadre, M. Haddar a annoncé que sur la question «Qui ne déclare pas ses revenus au fisc ?», les résultats de l’étude ont fait ressortir que 32,3% de la population active occupée exerce dans l’informel. Cette population n’est pas identifiée par les services administratifs et échappe, donc, aux services des impôts.
Ainsi, sur les 2461 mille emplois salariés, plus de 508 mille occupent un emploi dans des activités informelles.
La même source a dévoilé que sur 734 mille contribuables répertoriés, 365 mille sont en défaut, dont 302 mille personnes physiques et 63 mille sociétés.
Qui paye les impôts et combien ?
En réponse à cette question, les résultats ont démontré que la population qui déclare ses revenus est de 2323 mille personnes physiques et morales réparties entre 1954 mille salariés dans le secteur formel (84%), 296 mille non-salariés (13%) et 73 mille sociétés (3%). Sachant que la répartition des ressources fiscales se présente sous forme d’IRPP (5003 MDT), IS (2693 MDT et TVA (5057 MDT).
Mohamed Haddar a précisé qu’en 2015, l’impôt payé par les 1950 mille salariés est de 3549 MDT, soit environ 4,2% du PIB), 46% des impôts directs et 15% des recettes fiscales.
Durant la même période, sur les 414 mille forfaitaires, 219 mille sont en défaut. La contribution des 196 mille restants (47%) qui ont déposé leur déclaration est de 36 MDT, soit l’équivalant de 0,7% de l’impôt sur le revenu et 0,5% de l’impôt direct ou encore 0,2% des recettes fiscales.
Toutefois, sur les 136 mille sociétés, 32 mille (24%) ont réalisé un bénéfice et payent l’impôt, 63 mille sont en défaut (46%), 16 mille ont déclaré néant (11%) et 26 mille (19%) sont déficitaires.
75% de l’impôt est supporté par 13% des entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 1 million de dinars, 34% des entreprises qui déclarent un chiffre d’affaires inférieur à 5 mille dinars et contribuent à environ 2% de l’impôt et 57% des entreprises qui déclarent un chiffre d’affaires inférieur à 100 mille dinars et contribuent à 6% de l’impôt.
En outre, 250 grandes entreprises (GE) supportent 75% de l’impôt des GE et 50% de l’IS, 44% des entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 10 millions de dinars contribuent à hauteur de 4% de l’impôt dû pour les GE.
Défaillances
De par ce diagnostic chiffré, l’étude a montré que la complexité du système fiscal, sa non transparence et l‘instabilité fiscale génèrent un coût élevé pour l’économie, à savoir l’incitation à la corruption et à la fraude et découragement de l’investisseur. A titre d’exemple, plus de 530 dispositions fiscales parues dans les lois de finances entre 2011 et 2016.
Il a été, également, constaté que le contrôle fiscal est quasi absent, soit un taux de couverture du contrôle approfondi de 1% et de 5% pour les contrôles préliminaires. De ce fait, le secteur informel représente, en 2015, 30% de l’économie tunisienne, sans oublier la fraude fiscale qui a atteint 400 MDT
Face à cette situation, les économistes ont été unanimes pour dire que pour une meilleure justice fiscale, l’administration fiscale doit se moderniser et exercer son pouvoir de contrainte afin de recouvrer les ressources de l’Etat.
Recommandations
L’objectif de cette étude est de contribuer à lancer le débat autour d’une éventuelle réforme fiscale sur de nouvelles bases. A cet égard, les économistes ont estimé que certains préceptes sont à ancrer.
Il s’agit de la légitimation de l’impôt, mieux cerner la population potentielle des contribuables, l’intelligibilité du système fiscal, évaluer l’impact des mesures fiscales, améliorer la capacité de l’Etat à lever l’impôt, faire face à l’élargissement du secteur informel, limiter sensiblement les règlements en espèces, garantir un minimum de progressivité et cibler davantage le patrimoine.
En guise de conclusion, Mohamed Haddar a affirmé que la crise des finances publiques a montré l’urgence de procéder à un rééquilibrage urgent, dont l’impôt est un levier important. Mais, si l’impôt est l’instrument privilégié pour alimenter les recettes de l’Etat, la politique fiscale doit également répondre simultanément à un souci de justice fiscale et une meilleure utilisation des ressources publiques.
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