Quand on a fini de jouer avec la vie, la mort remet tout à sa place (Jacques Prévert)
A voir comment le drame récent des candidats à l’émigration clandestine a été traité (Hélas, il ne sera pas le dernier), à voir comment il a été retourné dans tous les sens, à voir comment les jeunes qui ont péri en mer ont été présentés, je reste pantois et envahi par l’inquiétude devant autant d’irresponsabilité et je n’exclu personne, la classe politique dans ses différentes composantes, autant que les médias qui se sont donnés à cœur joie pour exploiter à fond le malheur des gens à défaut d’attendre que toute la lumière soit faite sur une énième tragédie.
Des héros, tous ces jeunes arrachés à la vie et à leurs familles ?
Oh que non ! J’ai beau cherché une explication à une glorification plus déplacée, peine perdue. Des naufragés volontaires, oui, tous ces jeunes qui ont emporté avec eux leurs rêves perdus au fond d’une mer gourmande qui en vu bien d’autres.
Pourtant, que la vie est belle ! Qui aurait pu imaginer qu’après la révolution, on en arriverait à choisir entre Daech et cet Occident tellement honni mais tant envié. Tant qu’à faire, beaucoup préfèreront les délices d’un ici-bas aux contours incertains à un au-delà qui lui aussi sera chèrement payé.
Les naufragés de l’embarcadère savaient à quoi s’en tenir même si l’espoir fait vivre comme on dit. Embarquer pour embarquer, cela peut mener loin dans les profondeurs d’une Mare Nostrum qui à chaque échappée, a montré toute l’étendue de son appétit gargantuesque. De sa voracité. Impitoyable. Des victimes tous ces jeunes fauchés ?
On ne saurait trop le rappeler. Pour bien illustrer, on dira avec un humour morbide qu’ils étaient de jeunes fauchés, fauchés par la faucheuse. Victimes de réseaux de passeurs sans foi ni loi. Victimes d’un environnement sans pitié. Victimes de l’indifférence et de l’incurie généralisées. Victimes des approximations d’une classe dirigeante elle-même à la recherche d’une bouée de sauvetage dont elle ne voit que l’ombre.
Mourir si jeunes ; et pourtant, ils ne sont pas des héros tous ces jeunes qui ont emporté avec leurs illusions. On a voulu trouver un coupable, ce sera la marine nationale et ses gardes-côtes toujours aux abois face aux tentations du grand bleu. On a tellement secoué sur ceux qui veillent sur notre sécurité, qu’on a presque escamoté l’essentiel. Du coup, tout le monde a parlé pour dire que la faute est à l’armée, même si erreur il y a, on ne doit perdre de vue qu’elle est humaine. Avec des médias qui voulaient plus vendre que comprendre, on a fini par faire diversion.
Résultat, c’est le corps de la marine qui a été jeté en pâture et livré à la vindicte populaire comme si cela ne suffisait pas, alors que l’enquête diligentée par le ministère de la Défense n’a pas encore livré ses secrets si secret il y a.
Qui cherche à nuire à l’image des gardes-côtes et dans quel intérêt ?
En un mot qui en veut à l’armée ? Inutile de rappeler que ce n’est pas la première fois que l’on met en doute l’engagement et le professionnalisme de nos forces armées et de nos forces de sécurité. Le porte-parole des armées a beau démentir, mais que peut-il faire face aux poids de l’image et des mots qui plus est, face à une opinion surchauffée et résolue à n’accepter qu’une seule version, celle des rescapés du cauchemar ? Que peut-il faire face à l’intensité de la charge émotionnelle et à la colère de familles sinistrées et surexposées ?
Clandestins malgré eux tous ces jeunes noyés, oui ; victimes consentantes, encore oui ; des héros, certainement pas. Reste les rêves même si dans la plupart des cas, ils s’avèrent chimériques pour ne pas dire fous. Mais peut-on empêcher des jeunes de rêver, parfois de l’insensé ?
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