Rêve et ambition, la Turquie figure parmi les vingt premiers pays les plus riches du monde et le 2ème dans le classement des aides humanitaires réalisées en 2016. Il est clair que la Turquie a su relever aussi bien les défis que les enjeux. A l’origine, la botte secrète de cette réussite, un seul nom, que tous les responsables turcs évoquent, celui de Mustafa Kemal Ataturk, fondateur et premier président de la République Turque (1923-1938), qui avait pour devise : « paix dans la patrie et paix dans le monde ».
Le fondateur de la Turquie moderne a su inculquer à son peuple la culture du travail, la créativité et l’innovation. Ces enseignements ont porté leurs fruits. Aujourd’hui la Turquie peut se vanter d’avoir une croissance durable de plus de 5% ( 5.6%) par an et un PIB qui a plus que triplé jusqu’à atteindre 875 millions de dollars.
En somme, grâce à la stabilité politique, malgré une tentative de coup d’Etat avorté le 15 juillet 2016, le développement économique était au rendez-vous. Les coups d’Etat sont récurrents aux dires du premier conseiller du chef du gouvernement, Mehmet Akaeca.
Il déclare à ce propos : « La Turquie a ainsi connu une série de tentatives de putsch tous les dix ans, et ce, depuis 1960, 1971, 1980 ». Mais depuis l’arrivée du parti AKP ( Parti de la justice et du développement en 2001), de Recep Tayyip Erdogan, actuel chef du gouvernement, l’institution militaire a perdu son pouvoir de mainmise.
« En effet, la succession de gouvernements de coalition était à l’origine de fréquentes crises politiques, mais avec le gouvernement de l’AKP, arrivé au pouvoir par les urnes et non pas suite à un coup d’Etat – une première dans l’histoire de la Turquie – s’est concrétisée une certaine stabilité politique ”, nous a affirmé Afif Demirikiran, vice-président des affaires étrangères au sein du parti AKP, au siège du parti à Ankara, lors d’une rencontre entre les journalistes du Maghreb ( Tunisie-Algérie-le Maroc).
Un an plus tard, ce nouveau parti connaît une première victoire aux élections législatives. Ainsi Recep Tayyip Erdogan, qui était à l’époque Premier ministre, a multiplié les promesses de libéralisation et misé sur les réformes économiques. Et depuis ce temps là, la Turquie s’est modernisée.
Selon Afif Demirikiran, le modèle turc a réussi grâce à un parti fort, avec une participation de 4 partis de l’opposition. Cela prouve, précise-t-il, que pour réussir il n’est pas nécessaire d’avoir un grand nombre de partis politiques.
Qu’en est-il de l’opposition?
Les partis d’opposition sont limités et encadrés. Voilà que le parti laïc prokurde HDP (Parti démocratique des peuples) vient de désigner sa nouvelle coprésidente la semaine passée Serpil Kemalbay qui a succédé à Figen Yüksekdag, privée de son siège au Parlement après son inculpation pour “propagande terroriste avec les Kurdes”, affirme-t-il.
Afif Demirikiran soutient que « la politique colonialiste de l’Occident doit changer ». Il a rappelé une citation d’un homme d’Etat africain qui avait dit » Quand les Occidentaux sont arrivés, ils ont amené l’Evangile et nous avions la terre. Aujourd’hui, les choses ont changé, nous avons conservé l’Evangile mais ils ont occupé nos terres ». Ce discours anti-occidental est devenu récurrent depuis la non-adhésion de la Turquie à l’UE.
23 milliards de dollars de dette remboursés en 4 ans
“À notre arrivée, l’endettement du pays s’élevait à 23 milliards de dollars. Cette dette a été remboursée en l’espace de quatre ans ». En poursuivant: « Aujourd’hui, on dit aux bailleurs de fonds “Si vous avez besoin d’argent, venez qu’on vous en prête”, souligne le responsable de l’AKP en évoquant la nostalgie de l’Empire ottoman : « Ce sont nos ancêtres et nous les respectons ».
La lutte contre le terrorisme
Il a répondu: « Daech est une création de l’Occident pour affaiblir les Etats économiquement émergents. La menace terroriste concerne le monde entier, il faut rester vigilant ».
Les élections 2019 en Turquie
En 2019, il y aura des élections présidentielles et législatives ( le mois de novembre). Après le référendum, les Turcs ont répondu favorablement à un changement de régime pro-présidentiel. Erdogan sera le seul candidat aux élections de 2019, qu’en est-il de l’opposition? Aucune réponse à cette question.
Pour l’heure, les enjeux géostratégiques de la Turquie ont bien évolué : le rapprochement avec la Russie et l’Iran se précise de plus en plus. En pleine crise avec la guerre des visas avec les Etats Unis, la non-adhésion à l’UE font en sorte que les intérêts des Turcs ont changé. Il en va de même des relations diplomatiques avec les pays du Maghreb dont la Tunisie, le Maroc et l’Algérie. La Turquie a joué un rôle important dans les années 70, 80 où elle était largement présente en Libye dans le secteur de la construction. Cela dit, le dossier libyen refait surface lors des rencontres avec les différents intervenants turcs où chacun voit que la solution en Libye doit être gérée entre libyens sans aucune ingérence étrangère. Mais pour le cas de la Tunisie, elle est d’ordre économique. Rappelons que le déficit de notre balance commerciale avec la Turquie est de l’ordre de 1.482 millions de dinars.
La stratégie de coopération entre la Turquie et la Tunisie ?
« Beaucoup de projets en place dont l’industrie des engrais. La Tunisie se dote d’un grand potentiel, il y aura certes une coopération à ce niveau, mais pour les autres, tout dépend de la conjoncture », nous précise,Fuat Tosyali, vice-président de l’Office des relations économiques étrangères (DEIK), tout en ajoutant: “ Entre la Tunisie et la Turquie, nous disposons la même culture, et pour le secteur privé tout dépend des intérêts de chacun ».
Et de poursuivre : « J’ai été en Tunisie il y a 25 ans, nous n’avons aucune image négative en ce qui concerne la Tunisie, idem pour le Maroc et l’Algérie. Personnellement, j’aime beaucoup la Tunisie et j’ai de bons souvenirs. Il s’agit simplement d’une équation économique, il suffit d’avoir de la patience. Nous n’avons aucune divergence de point de vue politique. Quant à l’investissement, tout dépend de la conjoncture. Tout comme nous insistons à ce qu’il y ait un partenariat win-win et c’est au gouvernement tunisien de préparer un terrain propice et renforcer davantage nos relations”.
La Turquie, qui aspire à être une puissance mondiale, s’est dotée d’une agence de coopération technique humanitaire comme l’AFAD, à travers laquelle l‘aide humanitaire extérieure a atteint cette année 4 milliards de dollars contre 3.2 milliards de dollars en 2016 et 2,2 milliards de dollars en 2015.