Avec la fin du mois d’octobre, les opérateurs économiques commencent à s’attendre aux chiffres du troisième trimestre (T3). Les banques sont au cœur de ces attentes, surtout qu’elles représentent un proxy pour la santé de l’économie en général.
Grâce aux indicateurs d’activité arrêtés fin septembre, qui viennent de paraître, nous disposons d’une image assez claire sur la situation des établissements de crédit. A première vue, les performances sont bonnes, mais une lecture plus approfondie dévoile de vraies sources d’inquiétude pour l’ensemble du secteur.
(En KTND) | Marge d’intérêt | Revenus portefeuille d’investissement | PNB | Encours de Crédits | Encours de dépôts |
9M 2017 | 9M 2016 | 9M 2016 | 9M 2016 | 9M 2016 | |
Attijari Bank | 115 693 | 76 841 | 267 688 | 4 959 682 | 5 973 323 |
Amen Bank | 83 816 | 111 570 | 254 288 | 6 053 314 | 5 181 908 |
Banque de Tunisie | 98 566 | 55 031 | 192 056 | 3 917 834 | 3 348 597 |
UIB | 114 522 | 29 093 | 205 906 | 4 446 173 | 3 939 327 |
BTE | 12 289 | 7 365 | 29 537 | 692 758 | 551 691 |
BIAT | 254 318 | 131 718 | 506 562 | 8 487 753 | 9 529 067 |
ATB | 62 241 | 75 632 | 174 000 | 3 874 444 | 4 398 522 |
UBCI | 63 889 | 47 443 | 144 338 | 2 720 456 | 2 427 192 |
STB | 122 426 | 71 260 | 249 491 | 5 720 825 | 5 621 383 |
BNA | 166 838 | 81 293 | 308 149 | 8 481 792 | 7 076 240 |
Wifak International Bank | 9 659 | 0 | 10 233 | 218 695 | 52 568 |
BH | 114 917 | 93 773 | 266 726 | 7 069 305 | 5 715 021 |
Total | 1 219 174 | 781 019 | 2 608 974 | 56 643 031 | 53 814 839 |
Source: les indicateurs d’activité des banques
Plus d’intérêts, plus de crédits, plus de dépôts
Commençons par les commentaires les plus récents de la Banque Centrale de Tunisie (BCT). Les pressions sur la liquidité continuent à s’accentuer avec des besoins croissants de refinancement. Cela a fait que le taux d’intérêt sur le marché monétaire au jour le jour est resté élevé à 5,23%. Nous retrouvons la conséquence dans les chiffres des banques qui ne cessent d’engranger les gains. Selon les chiffres publiés par les 12 banques cotées à la Place de Tunis, nous constatons une hausse significative de la marge d’intérêt de 10,2% à 1,219 milliards de dinars sur les 9 premiers mois de l’année 2017.
Pour mieux approfondir l’analyse, nous allons examiner l’évolution de l’activité commerciale de ces différents établissements. Les crédits ont progressé de 12,2% durant cette période à 56,643 milliards de dinars. C’est donc un effet prix (taux) et un effet volume qui ont permis aux banques d’améliorer à deux chiffres leurs marges d’intérêt en dépit de la hausse du coût de ressources.
Par type, nous remarquons que les banques publiques représentent 37,5% des crédits, avec une progression de 14,2% en rythme annuel. Ce rythme de croissance dépasse celui des établissements privés qui n’a pas dépassé le seuil de 11%. Nous ne partageons donc pas l’avis de la plupart des analystes qui pensent que les banques publiques ne sont pas en train de financier l’économie. Elles sont en train de supporter les secteurs et les entreprises que les banques privées n’acceptent pas de financier.
Pour pouvoir octroyer tant de crédits, il faut collecter au moins autant de ressources. Jusqu’au mois de septembre 2017, le total des dépôts a atteint 53,814 milliards de dinars, soit une hausse de 9,7% par rapport à la même date en 2016.
Premier constat qui saute aux yeux : les crédits dépassent les dépôts. Encore plus grave, ces derniers ne couvrent que 95% des crédits alors que ce ratio était de 97,1% une année auparavant. Autrement dit, les banques sont en train de créer de la monnaie, ce qui est l’une de leurs principales fonctions, dans un contexte de faible création de richesses. Il s’agit donc d’une monnaie qui ne finance pas les outils de production, mais plutôt d’autres dépenses courantes comme les salaires.
Le rythme de croissance des dépôts affiché par les banques publiques et celles privées est très proche (respectivement 10% et 9,6%). Cela conforte notre conclusion que les établissements contrôlés par l’Etat sont effectivement en train de financier les entreprises publiques, prenant de la sorte plus de risque dans leur bilan. D’ailleurs, leur ratio Dépôts/Crédits est de 0,86 alors qu’il demeure supérieur à 1 pour leurs comparables privées. Si ces dernières veillent plus aux risques, les banques publiques sont en train de compliquer leur situation déjà inquiétante. Le besoin de recapitalisation est plus qu’urgent et c’est, in fine, le contribuable qui va supporter ces manquements.
Mais attention aux résultats
Par ailleurs, et en termes de Produit Net Bancaire, il s’est établi à 2,608 milliards de dinars fin septembre 2017 contre 2,233 milliards de dinars au T3 16, soit une croissance de 16,8%. Néanmoins, il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Des cadavres peuvent se cacher dans les placards, et aucun jugement ne peut être définitif qu’après la publication des états financiers audités par les Commissaires aux Comptes. Cette croissance pourrait ne pas se traduire par des résultats meilleurs.
Et en cause, le durcissement par la BCT des règles prudentielles en matière de couverture du risque. Outre la décision de passer à un ratio de solvabilité minimum de 10%, le régulateur a introduit de nouvelles règles pour renforcer le provisionnement des banques et les aider à couvrir les risques sur les créances compromises dont l’ancienneté est supérieure ou égale à 3 ans. Il ne faut pas également oublier l’entrée en vigueur de la législation concernant les parties liées.
Attention alors, rien n’est gagné d’avance.
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