Ayant pris l’aspect d’un « classico politique » spectaculaire suivi dans le monde entier, la plus grave crise politique que l’Espagne ait connue depuis 40 ans est sur le point de se résoudre en faveur des unionistes de Madrid et aux dépens des séparatistes de Barcelone.
Les Espagnols se rappelleront longtemps de ce mois d’octobre 2017 où de graves menaces ont plané sur l’unité de leur pays.
Tout a commencé le dimanche 1er octobre avec l’organisation d’un référendum pour l’indépendance de la province catalane, organisé par le gouvernement régional présidé par le fervent séparatiste Carles Puigdemont qui s’est senti suffisamment fort pour défier la Constitution et ignorer les mises en garde de Madrid.
Après l’annonce des résultats très controversés du référendum, le lundi 2 octobre, la crise n’a cessé de s’aggraver entre, d’une part, le gouvernement central qui entend appliquer la loi et préserver l’unité du pays et, d’autre part, le gouvernement régional qui entend imposer « le droit des Catalans à un Etat indépendant ».
Grave crise politique
Le « classico politique » entre Madrid et Barcelone a connu son dénouement le dimanche 29 octobre avec la descente dans la rue de centaines de milliers de manifestants dans la capitale catalane qui, non seulement soutenaient le gouvernement central de Madrid contre le gouvernement régional de Barcelone, mais exigeaient la prison pour Carles Puigdemont, accusé d’être le principal responsable de la grave crise politique qui a failli ouvrir la voie au dépeçage de l’Espagne.
L’ultime attaque dans ce « classico politique » fut menée par les séparatistes de Barcelone le samedi 28 octobre quand le parlement régional vota l’indépendance de la Catalogne par 70 voix contre 10. La contre-attaque de Madrid fut immédiate : le parlement est dissous, le président et les membres du gouvernent régional destitués, des élections régionales seront organisées le 21 décembre et les représentants du gouvernement central prendront en charge l’administration de la province catalane.
Le lundi 30 octobre, les unionistes de Madrid remportent une victoire éclatante contre les séparatistes de Barcelone. Les Catalans n’ont pas suivi les appels de Carles Puigdemont à la résistance contre la prise de contrôle des affaires de la Catalogne par les autorités madrilènes dont les représentants ont remplacé sans le moindre problème les responsables de l’administration régionale révoqués.
Dans une interview accordée à l’agence Associated Press le dimanche 29 octobre, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Alfonso Dastis, a affirmé : « Les fonctionnaires catalans ne reconnaîtront plus l’autorité de l’ancien leader régional Carles Puigdemont, s’il ignore les ordres du gouvernement espagnol et tente de regagner son bureau le lundi. Libre à lui de vivre dans un univers parallèle, s’il veut. Mais je pense que personne ne lui obéira ».
A la question de savoir si l’ancien président régional participera aux élections du 21 décembre en Catalogne, le ministre répond : « Bien sûr il pourra se présenter aux élections, s’il n’est pas en prison ». En effet, le procureur général de l’Etat espagnol, José Manuel Maza, a décidé de poursuivre en justice les membres de l’exécutif séparatiste pour «sédition» et «rébellion» (ne pas avoir obéi à la légalité constitutionnelle espagnole), «malversations» (utilisation frauduleuse de fonds publics pour l’organisation du référendum d’autodétermination du 1er octobre). Carles Puigdemont risque une lourde peine qui pourrait aller jusqu’à 25 ans de prison.
Conscient qu’il a perdu la partie et qu’il risque gros, le chef de file indépendantiste s’est envolé pour Bruxelles avec cinq membres de l’administration régionale. On ne sait pas s’ils vont demander l’asile politique et, dans le cas où ils en feraient la demande, si la Belgique va le leur accorder.
Lourde responsabilité
L’effondrement du rêve d’indépendance des Catalans fait écho à l’effondrement du rêve d’indépendance des Kurdes irakiens, et la déconfiture du gouvernement régional catalan suite au référendum du 1er octobre ressemble comme deux gouttes d’eau à la déconfiture du gouvernement régional du Kurdistan suite au référendum du 25 septembre.
Le chef indépendantiste catalan, Carles Puigdemont, et le chef indépendantiste kurde, Masoud Barzani, assument une lourde responsabilité. L’un et l’autre ont fait preuve d’une incapacité déconcertante à prévoir les conséquences désastreuses de leur entêtement à ramer à contre-courant. L’un et l’autre ont pris l’enthousiasme de quelques dizaines de milliers de personnes qui manifestaient en faveur de l’indépendance dans les rues de Barcelone et d’Erbil pour une assurance de succès. L’un et l’autre ont commis l’impardonnable erreur d’ignorer les mises en garde et de tourner le dos aux nombreux signaux envoyés par une communauté internationale hostile aux tendances séparatistes.
Leur rêve s’étant transformé en cauchemar, Puigdemont et Barzani auront largement le temps de méditer dans leur retraite forcée sur les erreurs monumentales commises et le prix exorbitant à payer.