Dans le cadre de la discussion de la loi de finances 2018 à la commission des finances relevant de l’ARP, le député Mohamed Frikha a adressé à Ridha Chalghoum, ministre des Finances, au nom des députés et membres de la commission, des propositions pour le budget 2018. Ces propositions ont été formulées à la suite d’une réunion tenue le 10 octobre 2017 au ministère des Finances avec les membres de la Commission des finances de l’ARP.
Pour les députés de la Commission des finances, l’approche générale adoptée dans l’élaboration du projet de budget n’a pas changé depuis sept ans alors que les indicateurs financiers du pays se détériorent d’une année à l’autre avec un déficit budgétaire qui a dépassé les 5% et un taux d’endettement d’environ 70%.
Les députés ont remarqué, sur le terrain, un déclin du pouvoir d’achat, des horizons bloqués pour la plupart des entreprises économiques en plus d’un désespoir grandissant chez toute la jeunesse et la perte de plusieurs jeunes dans le naufrage des bateaux de l’immigration vers l’Europe n’en est qu’une preuve supplémentaire.
Donc, ces indicateurs prouvent la gravité de la situation et ce n’est qu’un signal d’alarme de plus qui incite à réviser l’approche générale utilisée dans l’élaboration du budget et à entreprendre une nouvelle démarche et des mesures courageuses pour éviter le pourrissement de la situation, autrement il sera difficile de s’en sortir.
Rééchelonnement et recyclage de la dette
A la lumière de ces constats, les représentants de la Commission des finances, avant de présenter les dix grands projets et l’approche d’investissement, considèrent que la première mesure à prendre consiste à demander le rééchelonnement et le recyclage de la majeure partie des dettes qui arrivent à terme durant les trois prochaines années, ce qui permettra d’avoir un répit et de surmonter les pressions qui pèsent sur le budget.
Cela devrait se faire, selon les députés, d’une manière transparente et étudiée avec les partenaires de la Tunisie à travers des visites conjointes entre membres de gouvernement et députés. Il sera procédé au cours de ces rencontres à la présentation de la vision futuriste des projets de développement et la mise en confiance des bailleurs de fonds que ce rééchelonnement est la garantie que les engagements du pays seront respectés.
Pas d’endettement pour les trois prochaines années
Par ailleurs, et au même moment, il faudra arrêter au maximum et dans la mesure du possible, la politique d’endettement pendant les trois trois prochaines années, ce qui nous permettra pendant cette période de vivre avec nos moyens réels et non au-dessus de nos capacités et cette démarche permettra de conforter notre position pour convaincre nos partenaires du rééchelonnement des dettes.
Pendant ces trois prochaines années, le budget de l’Etat devrait être réservé aux salaires et aux autres engagements de dépenses classiques.
Avec cette politique de gestion réelle des ressources sans paiement de dettes et sans endettement, il sera possible de limiter le déficit, l’aggravation du taux d’endettement, l’inflation et la flambée des prix.
Relancer l’investissement
Pendant cette même période, il faudra reprendre le rythme de l’investissement et de la croissance, ce qui va permettre de surmonter cette crise économique à travers la création de la richesse, la reprise d’indicateurs financiers positifs, la réalisation du développement régional et la création de postes d’emploi pour les jeunes, notamment les diplômés du supérieur.
Devant la faiblesse des moyens de l’Etat, l’obligation de réserver les ressources du budget de l’Etat pour les dépenses obligatoires et la situation de paralysie et de désespoir qui touche la plupart des acteurs économiques, l’unique solution serait, pour les membres de la commission des finances, de faire appel aux IDE pour réaliser dix grands projets répartis sur toutes les régions du pays. Ces investissements seront directs et selon la procédure BOT (Build, Operate and Transfer).
Les députés de la commission des finances estiment qu’on pourra convaincre les investisseurs étrangers à travers des contacts communs entre les membres du gouvernement, les députés et les compétences tunisiennes à l’intérieur et à l’extérieur du pays qui ont de bonnes relations avec ces investisseurs.
La Tunisie représente, avec ses atouts (statut de pays démocratique, sa position géographique et son ouverture sur le monde, ses ressources humaines et la position de la femme tunisienne dans la société), une destination privilégiée pour les investisseurs et surtout lorsque ces projets programmés seront présents dans le cadre d’une feuille de route qui s’étale sur trois ans.
On pourra se diriger vers des groupes économiques ou des personnes physiques des pays européens, de la Chine, du Japon, des pays du Golfe, de l’Amérique et de la Russie.
Dix projets pour dix districts
Les dix projets concernent divers domaines et sont destinés à toutes les régions :
- Projet de création d’un pôle industriel dans le domaine automobile et ses composants avec un grand constructeur mondial à travers l’un des pays du Golfe qui a une participation dans le capital de ce constructeur.
- La mise en place d’un écosystème intégré dans le domaine des technologies numériques avancées par des applications locales et destinées à l’export.
- La réalisation d’une grande unité de production agricole destinée à l’export.
- La réalisation d’un grand projet dans les énergies renouvelables à l’échelle mondiale avec une capacité de production maximale.
- La mise en place d’un système de santé et de transport aérien intégré pour rendre la Tunisie une place offshore euro-méditerranéenne pour les services de santé.
- Projet d’infrastructure de routes et surtout la réalisation d’autoroutes pour les régions intérieures.
- Réalisation d’un projet de transport ferroviaire par les trains à grande vitesse qui s’étale jusqu’aux régions de l’intérieur du pays.
- La réalisation d’une zone franche et d’un pôle logistique avec une portée régionale tenant compte de la position de la Tunisie et de ses frontières avec l’Algérie et la Libye.
- Réalisation d’une ville nouvelle comme grand projet immobilier dans l’une des régions.
- Créer un centre d’une nouvelle approche touristique – Parc d’attractions – dans le Sahara pour l’Afrique du Nord et les pays arabes à l’instar de l’Europe et de l’Amérique.
La réalisation de ces projets se fera d’une manière équitable sur tout le territoire à travers la création de dix districts où chaque district est responsable d’un projet et opère pour l’emploi de ses jeunes et l’utilisation de ses capacités avec la possibilité de s’étendre dans la réalisation à d’autres régions.
Cette répartition peut se faire de la façon suivante :
- Grand-Tunis et Nabeul
- Bizerte, Béja et Jendouba
- Sousse et Monastir
- Zaghouan, Siliana et Le Kef
- Sfax et Mahdia
- Kairouan et Sidi Bouzid
- Kasserine et Gafsa
- Gabès et Médenine
- Kébili et Tozeur
- Tataouine
« Avec cette approche, on pourra sortir du cercle vicieux autour duquel le pays tourne depuis des années et vivre selon les capacités réelles du pays et de sa production. De plus, à travers la réalisation de ces grands projets, l’emploi et la croissance seront garantis dans tout le pays. On donnera à l’Etat des rentrées futures qui permettront, après trois ans, de revenir au fonctionnement normal avec un budget équilibré dédié aux dépenses et au développement », estiment les députés.