Le projet de loi réprimant les agressions à l’encontre des agents porteurs d’armes continue de diviser la scène politique tunisienne. Retour sur un projet de loi qui crée la polémique entre sécurité et droits de l’homme.
Depuis son adoption par un Conseil ministériel en date du 5 avril 2015 et son dépôt le 13 avril 2015, la société civile et certains partis politiques ont tiré la sonnette d’alarme contre un projet de loi jugé liberticide.
Le 2 novembre 2017 : le projet de loi en question surgit de nouveau, suite à l’assassinat du commandant de police Riadh Barrouta victime des coups de couteau d’un extrémiste devant l’Assemblée des représentants du peuple.
Événement tragique qui entraine un rebondissement dans le parcours du projet de loi en question à plus d’un titre : quatre syndicats des agents de l’ordre publient un communiqué dans lequel ils menacent de lever la protection rapprochée des députés et personnalités politiques si l’Assemblée des représentants du peuple n’entame pas, dans un délai de 15 jours, la discussion du projet de loi.
De même, lors d’un entretien entre le Chef du gouvernement et le président de la République, ce dernier a recommandé d’accorder la priorité totale au projet de loi, vu la conjoncture actuelle. Ainsi l’événement tragique a préparé un terrain favorable à la discussion du projet de loi.
Que reproche-t-on à ce projet de loi ?
D’après Ghazi Chaouachi, député de l’opposition, il s’agit d’un projet de loi liberticide pour les citoyens et qui porte atteinte au droit d’accès à l’information des journalistes. De même, le projet de loi accorde une immunité extraordinaire à tous les agents de l’ordre.
Pour lui, la loi tunisienne n’a pas de vide juridique en ce qui concerne la protection des forces de police. A ce titre, il a rappelé que plusieurs genres de peine sont déjà prévus dans la loi de lutte contre le terrorisme et du blanchiment d’argent, allant jusqu’à la peine capitale en plus du chapitre 4 du Code pénal qui incrimine les agressions contre les fonctionnaires de l’Etat.
De plus, l’article 18 du projet de loi est l’un des articles les plus dangereux affirme notre interlocuteur. Cet article stipule qu’un agent de l’ordre qui fait usage de son arme dans le cadre de son travail ne sera pas poursuivi: «Partout dans le monde, quand un agent des forces de l’ordre utilise son arme et qu’il y a mort d’homme, une enquête est ouverte pour déterminer les responsabilités», dit-il.
Sans vouloir exclure l’intégralité du projet de loi, il a affirmé que certains articles du projet en question sont à revoir. Les articles relatifs à la protection de la famille des agents des force de l’ordre, dans le cas où ils feraient l’objet d’une menace à l’occasion d’un travail mené doivent être discutés et adoptés afin de fournir plus de sécurité aux agents de l’ordre et leurs familles.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, le Front populaire ne s’est pas encore prononcé sur le sujet. Toutefois, Jilani Hammami, député à l’Assemblée des représentants du peuple du Front populaire considère que le projet de loi devrait concilier droits de l’homme et sécurité. «Chose très difficile, raison pour laquelle, il faut être très vigilant au contenu du projet de loi au moment de la discussion», indique-t-il. De même, le projet de loi ne doit pas être utilisé pour étouffer les mouvements sociaux et les protestations, d’après notre interlocuteur.
Jilani Hammami, considère que les forces de l’ordre ont besoin d’un cadre légal pour déterminer leur champ d’intervention. Sur un autre volet, le député de la gauche a indiqué que le projet de loi aurait dû être élaboré «dans le cadre de la réforme du secteur des forces de l’ordre afin d’avoir une police républicaine ce qui n’est pas le cas actuellement», regrette-t-il
Nidaa Tounes se mobilise pour défendre le projet
Wissem Saïdi, membre du bureau politique de Nidaa Tounes, défend bec et ongles le projet de loi en question. Le chef du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Soufiène Toubel, a indiqué que son parti fera en sorte que le projet de loi réprime fermement les agressions à l’encontre des agents porteurs d’armes et qu’il lui sera donné la priorité à la commission de la législation générale au sein de l’ARP.
Notre interlocuteur affirme sans détour que concilier droits de l’Homme et sécurité est une équation difficile, «mais l’Assemblée des représentants du peuple ne se permettra pas d’adopter un projet de loi anticonstitutionnel», assure-t-il.
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