« Bien plus que le temps du bilan, c’est en effet l’avenir que nous souhaitons partager avec nos amis tunisiens ».
Les mots ont plus de pouvoir qu’il n’est dit. Olivier Poivre d’Arvor, ambassadeur de France en Tunisie, en fait la démonstration de manière élégante. Pas besoin de tendre l’oreille pour s’en convaincre. « En mixant, dira-t-il dans la foulée, l’approche rationnelle d’un diplomate au service de son pays à une certaine relation affective qui m’unit depuis longtemps à la Tunisie, je mesure la force singulière du couple franco-tunisien… ». Tout est dit, même si, dans la suite de l’interview, il expose ce qu’il qualifie de nouvelle donne et met en perspective la feuille de route d’une coopération rénovée, renforcée et approfondie. Et pour tout dire exemplaire et tout aussi révélatrice du désir et de la volonté de l’engagement du militantisme du diplomate français de hisser ce partenariat à son plus haut niveau.
L’amitié, tout comme le besoin de coopération, les opportunités d’investissement et de coproduction, il va à leur rencontre sur le terrain et dans les cabinets ministériels, là où ils se manifestent, se conçoivent et se construisent. Il le fait savoir en s’exprimant comme il le ressent, de raison et de cœur. Comme quoi, la diplomatie économique dont on parle tant n’a de valeur et d’intérêt que si elle est portée par une sincère amitié. Interview.
Un an après votre arrivée en Tunisie, et après un pic intense d’échanges politiques bilatéraux, votre action se concentre désormais fortement sur la question économique. Votre pays est pourtant déjà le premier partenaire commercial, investisseur direct étranger, bailleur bilatéral en Tunisie… Quelle est donc cette « nouvelle donne » que vous décrivez?
Je mesure la force singulière du « couple franco-tunisien »
Bien plus que le temps du bilan, c’est en effet l’avenir que nous souhaitons partager avec nos amis tunisiens. Cette » nouvelle donne » m’apparaît très clairement, tant par l’expérience du terrain, des dizaines de déplacements dans les vingt-quatre gouvernorats sans exception, les centaines d’interlocuteurs rencontrés dans tous les domaines de notre coopération et de la société civile. En mixant l’approche rationnelle d’un diplomate au service de son pays à une certaine relation affective qui m’unit depuis longtemps à la Tunisie, je mesure la force singulière du » couple franco-tunisien », expression souvent réservée en ce qui nous concerne à la seule relation avec l’Allemagne. Mais l’état des lieux, s’il mérite d’être rappelé et valorisé malgré une certaine stagnation des échanges, n’est rien comparé à ce que selon toute vraisemblance ce couple franco-tunisien sera dans trente ans, porté par la génération qui naît aujourd’hui en 2017. C’est pour celles-ci et ceux-là, pour cette jeunesse, pour cet extraordinaire capital humain, que nous devons formuler une nouvelle donne qui nous dicte une action ambitieuse, un rythme accéléré et une méthode renouvelée. Autour de quatre principes simples et structurants: la co-construction, l’équitabilité, la réciprocité et l’innovation.
Si la Tunisie va bien, nous irons tous bien, tant dans le monde arabe que dans l’espace européen
Qu’est-ce qui a changé ces dernières années?
A l’évidence, le printemps tunisien de 2011 a transformé ce couple en lui fixant une exigence et une intensité bien plus forte que la seule histoire, la proximité géographique, une langue et une culture communes. La démocratie est désormais notre bien partagé en termes de gouvernance. Notre couple, nos élites politiques, administratives, mais également nos citoyens, parlent le même langage, celui de la liberté d’expression, du débat public. Quant aux épreuves, elles n’ont fait que renforcer la relation, comme c’est souvent le cas dans un couple: je parle de la lutte contre le terrorisme qui a frappé de manière quasi symétrique nos deux nations. Le Bataclan/ le Bardo, Sousse/Nice… Des attentats -commis hélas trop souvent par des compatriotes- qui ont endeuillé des dizaines de familles françaises, tunisiennes… Nos deux nations ont réagi avec une admirable dignité et beaucoup de détermination. Enfin, parce que la France compte une population musulmane importante sur son territoire, le développement d’un Islam démocratique, éclairé, fermement opposé à toute forme de radicalisation, est également un élément de cette nouvelle donne. Celle-ci se résume en un cogito: si la Tunisie va bien, nous irons tous bien, tant dans le monde arabe que dans l’espace européen. Et pour que la Tunisie aille bien, alors que sa situation politique et sécuritaire est enfin stabilisée, il ne manque plus qu’une nouvelle dynamique économique. A la France qui est son plus proche partenaire, de tout faire pour accompagner ce retour de la croissance.
Comment passe-t-on de la volonté politique à l’action économique? Et à cette co-construction?
La volonté politique est celle du Président Macron. En témoigne sa visite à Tunis, en novembre 2016, alors qu’il n’était pas encore candidat à l’élection présidentielle mais qu’il souhaitait amorcer par la Tunisie sa compréhension de cette partie du sud de la Méditerranée. Il a beaucoup observé, écouté, apprécié. Et depuis son élection en mai, la Tunisie a toujours été le premier pays hors Europe visité par son ministre des Affaires étrangères, son Premier ministre… Preuve que ce couple est plus vivant que jamais. A tel point que nous avons réuni pour la première fois le 5 octobre à Tunis sous la présidence d’Edouard Philippe et de Youssef Chahed un Haut Conseil de coopération: une sorte de » conseil des ministres » conjoint qui, de manière biennale pour la stratégie ( et annuelle pour le suivi) fixe désormais le cap. Ce Haut Conseil est un mécanisme que nous appliquons avec très peu de pays, toujours très stratégiques, je pense encore à l’Allemagne. Tant la primeur de ces visites françaises en Tunisie, la tribune de presse écrite par nos deux chefs de gouvernement( une première…) que cet outil du Haut Conseil témoignent bien de cette nouvelle donne qui s’incarne désormais dans une méthode originale de travail. Car plutôt que d’écrire chacun de son côté une stratégie économique construite sur les intérêts d’un pays sans nécessairement se préoccuper des avantages pour le partenaire, nous allons rédiger de concert une feuille de route économique. C’est le message que le secrétaire d’Etat à l’Europe et aux Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne est venu porter le 14 juillet dans ses rencontres avec le gouvernement tunisien, message réaffirmé au plus haut niveau par Edouard Philippe. Cette feuille de route économique commune est construite sur le principe d’équitabilité. Principe qui régit d’ailleurs aujourd’hui notre balance commerciale. Loin de participer au déficit que les échanges de la Tunisie avec certains pays occasionnent, notre balance est vertueusement équilibrée, en vérité légèrement déficitaire pour la France, notre pays absorbant un tiers des exportations tunisiennes et fournissant un tiers des importations. Cette relation équitable a donc besoin d’une véritable co-construction. Et au principe de réciprocité des intérêts de chacun s’ajoute une dimension d’innovation dans les projets comme dans le choix des filières. Car il ne s’agit pas, pour nous comme pour la Tunisie, de répliquer les recettes d’hier mais de développer celles de demain, en pariant sur la co-localisation, la mobilité, l’agilité et la production d’une offre conjointe à destination de l’Afrique.
Vous semblez disposer d’une équipe économique France plus déterminée que jamais…
En effet! Le rapprochement, par personnes interposées, entre la Chambre de Commerce Tuniso-Française et les Conseillers extérieurs de la France au printemps 2017 a été déterminant et je veux saluer le remarquable engagement de Fouad Lakhoua, d’Alexandre Ratle et de leurs collègues. Il permet de placer au coeur de cette feuille de route le secteur privé et l’entrepreneuriat et vise à la facilitation du climat d’affaires. De la même manière, je tiens à distinguer mon équipe rapprochée: c’est désormais main dans la main que le Service économique régional, Business France, mais également l’Agence française de développement, Expertise France et même l’Institut français ( pour la partie formation, éducation, enseignement supérieur et recherche) travaillent dans une logique de complémentarité et d’unité pour écrire cette feuille de route partagée. Nous allons maintenant la soumettre, via son ministère des Affaires étrangères, au gouvernement tunisien et à la bonne dizaine de départements ministériels concernés. Et évidemment nous allons recueillir les avis et les expertises des chambres locales de commerce françaises comme tunisiennes, de l’UTICA comme du MEDEF international, de la Conect comme de la CPME, des structures d’appui ( FIPA, SMART TUNISIA, APII, CEPEX, ONTT…), mais également de l’Institut arabe des chefs d’entreprise, du Tunisia Africa Business Council, de la Chambre de commerce franco-arabe, de think tanks ou d’une Fondation française, comme celle créée par Badreddine Ouali, Tunisie pour le développement.
La visite du Président Macron prévue en Tunisie au premier trimestre 2018 sera l’occasion de dévoiler cette feuille de route lors de la première édition d’un grand Forum économique franco-tunisien. Un évènement désormais annuel qui aura pour mission principale d’encourager l’entreprise. Je ne veux donc pas anticiper sur la « co-rédaction » de nos partenaires tunisiens qui ont eu la bonne idée de se doter depuis quelques semaines d’un secrétariat d’Etat à la Diplomatie économique en plus d’un autre au Commerce extérieur. Mais il est probable que nous nous retrouverons sur un certain nombre de domaines porteurs pour lesquels nos deux pays disposent d’atouts concurrentiels majeurs dans leurs régions respectives et qui n’éliminent en rien les activités plus traditionnelles comme le textile. Je pense en particulier au numérique et à la Fintech, à l’aéronautique, aux énergies renouvelables, à l’agro-business, à la santé. Dans ce domaine, la Tunisie a vocation à devenir une plateforme de formation de médecins et de personnel soignant, de soins, de recherche clinique et de production de médicaments, notamment génériques, pour l’Afrique. Dans l’industrie automobile, la Tunisie, deuxième d’Afrique( bien avant le Maroc!), forte d’un tissu industriel en matière de composants, devrait attirer un grand projet d’unité d’assemblage de véhicules particuliers. Une French Tech Tunisie, portée par Neila Benzina et un écosystème important de startups franco-tunisiennes à forte valeur ajoutée en matière de création d’emplois, sera également lancée dans le premier semestre 2018 et pourrait freiner l’hémorragie des talents. Emboîtant le pas de la transition économique et de l’efficacité énergétique, nous avons enfin un certain nombre de projets importants pour que la Tunisie tout entière se dirige vers une société décarbonnée et pour développer les énergies éolienne, solaire, photovoltaïque…Nous pourrons ainsi nous fixer un objectif à atteindre dans les dix années à venir: le doublement du stock d’investissements français en Tunisie comme ceux des investissements tunisiens en France. Ce n’est pas rien!
Vous veillez à toujours délivrer un message de confiance. Les entreprises étrangères évoquent pourtant souvent des blocages ?
Il faut donner du temps à la Tunisie. Et lui faire confiance. On ne mesure pas suffisamment le profond renversement de paradigme que constitue le passage, désormais irréversible, d’un système autoritaire à un fonctionnement démocratique. C’est un choix que la Tunisie a assumé seule à l’hiver 2010/11. Envers et contre tout. Si nous comprenons l’impatience de l’opinion, qui va des milieux d’affaires qui souhaitent plus de flexibilité aux plus démunis dont le niveau de vie est fragilisé, les amis de la Tunisie doivent se garder d’être des donneurs de leçons en matière financière et économique. Les défis à surmonter après une révolution, l’effondrement de la Libye et de la ressource économique qu’elle représentait, les terribles effets post attentats, le tourisme mis à mal comme le doublement des dépenses liées à la défense et la sécurité du territoire, autant d’éléments qui expliquent évidemment la faible croissance de ces dernières années et un chômage endémique. Mais qui aurait mieux fait en ces temps d’incertitude ? La donne a d’ailleurs changé. La lutte résolue contre la corruption et le marché parallèle engagée par le gouvernement Chahed y participe évidemment. La nouvelle loi d’investissement crée un climat plus attractif. La claire embellie 2017 du tourisme est un signe très encourageant. Avec plus de 40% d’augmentation rapportée à 2016, les touristes français reviennent massivement en Tunisie. En 2018, il faudra compter sur plus de 75 % d’augmentation pour le marché français.
Certes la dépréciation du dinar par rapport à l’euro, le creusement du déficit commercial, l’augmentation de l’inflation et donc la baisse du pouvoir d’achat et la dégradation du bien-être des ménages tout comme la probable augmentation de la charge de la dette sur fond d’équilibres budgétaires contraints, sont des sujets de préoccupation pour tous. Les entrepreneurs que nous rencontrons chaque jour réclament de leur côté de la sécurité fiscale et juridique, la facilitation des relations avec la Douane, la Banque centrale, les services de logistique et de transport (je pense au port de Radès), avec l’administration en général. L’augmentation des droits de douane, la pression fiscale, la complexification des procédures et le protectionnisme nuisent, on le sait, à la compétitivité des entreprises et à l’attractivité du territoire. Ces entreprises françaises sont pourtant prêtes à investir dans des secteurs aujourd’hui quelque peu fermés: la distribution, le service aux particuliers et aux entreprises, l’énergie, les infrastructures de transport, d’eau, d’assainissement, de propreté… C’est bien d’ouverture et de réciprocité, d’élasticité et d’efficacité dont nos entreprises ont besoin de part et d’autre de la Méditerranée. C’est ainsi, qu’au-delà des extensions de projets existants et de délocalisations devenues avec le temps des modèles de co-localisation, de nouveaux investisseurs français viendront en Tunisie. Je me réjouis à ce titre de l’arrivée prochaine de nouvelles enseignes comme Décathlon et Gaumont dans le secteur de la distribution, d’un groupe comme UP dans le domaine des services. De grands groupes comme Thales, Airbus Helicopters, Vinci, Alstom, Suez, Veolia, Groupama, Safran, Atos, Colas Rail, Bolloré, mais également le CEA ont le regard porté sur les opportunités tunisiennes.
L’Afrique, nouveau défi commun pour nos deux pays? Et quid de la vieille Europe?
Je veux d’abord rappeler que la France a parrainé en novembre 2016 la conférence Tunisia 2020 et annoncé un engagement de 1,2 milliard d’euros sur 5 ans, axé sur la réduction de la fracture régionale et l’emploi des jeunes. Un an après, mon pays vient de montrer à travers les Rencontres Africa 2017 à Tunis la place qu’occupe la Tunisie pour lui dans une stratégie africaine. Y compris, un jour de nouveau, évidemment avec le marché libyen… Ensemble, en associant nos réseaux et nos entrepreneurs sur le continent, nous pouvons développer de nouveaux marchés. En 2020, l’organisation du premier sommet de la Francophonie jamais organisé au Maghreb, le sommet du Cinquantenaire d’une communauté créée entre autres par Habib Bourguiba, nous oblige à des résultats: la langue française qui nous réunit est une chance réelle et un facteur d’employabilité pour la Tunisie qui est le pays en pourcentage le plus francophone du continent et qui est clairement le pivot de cet espace euro-africain. La France est l’alliée idéale de la Tunisie sur ces deux fronts. Faut-il rappeler tout de même que l’Europe représente 80% des échanges actuels de la Tunisie? Soutien fort de la position tunisienne dans bon nombre d’instances internationales, je pense notamment au FMI, la France porte également auprès de l’UE un message de confiance pour la Tunisie alors même qu’elle s’engage dans la discussion sur l’ALECA. Cet accord de libre échange permettra à la Tunisie de moderniser son économie, de mettre à niveau bon nombre d’entreprises dans le secteur des services et de l’agriculture, de pousser la production, d’accéder avec des normes nouvelles à un marché privilégié de 500 millions de consommateurs tout en veillant au bien-être social de ses citoyens.
Il faut résolument faire le pari des nouvelles générations.
Vous misez également beaucoup sur l’éducation, le facteur humain, la société civile, la formation?
Les ressources tunisiennes sont celles de ses femmes et hommes, connus pour leur très haut niveau d’éducation, facteur conditionnant de développement et de croissance sur la durée. Il faut résolument faire le pari des nouvelles générations. Dix millions d’euros, puisés dans la conversion de dettes, financeront la remise à niveau des ISET en région. Grâce à l’AFD, le soutien à la création de centres de formation professionnelle doit se porter sur des filières génératrices d’emplois, je pense à l’aéronautique. Lancé lors du Haut Conseil, le projet d’une université tuniso-française pour l’Afrique, installée à Tunis, avance vite, grâce à la mission que j’ai confiée à Zied Miled. Cette université confortera l’ambition tunisienne d’être une plate-forme de formation pour les étudiants subsahariens. Mais je veux également mobiliser tous les acteurs de ce couple si vivant. Aujourd’hui, si vous additionnez l’ensemble des Tunisiens vivant en France, les Français en Tunisie ou ceux qui l’ont quittée dans les années soixante, les franco-tunisiens, les anciens élèves des lycées de la mission française, les étudiants tunisiens ou les anciens des universités ou grandes écoles de l’Hexagone, les quelque cent trente mille Tunisiens qui travaillent dans des entreprises françaises, souvent des PME, en Tunisie, ce sont déjà, en termes d’actifs, plus d’un million de personnes qui sont construites ou se construisent dans cette double appartenance. Cette famille, parfois dispersée, parfois non assumée, nous devons la rassembler au service de ce lien organique entre nos deux pays, nos deux sociétés. Ne pas craindre l’actuelle circulation des compétences et ne pas la résumer à une hémorragie des talents. Parce que cette « famille de coeur » est appelée à se multiplier. En 2050, par l’effet de la démographie, de l’évidence géographique, des unions, de la mobilité estudiantine, professionnelle, cette famille aura doublé. Les deux millions de membres de cette famille vivront dans l’un ou l’autre des pays et constitueront une véritable communauté d’intérêt, une communauté économique faite d’investissements de part et d’autre, de revenus familiaux, de flux financiers.
Vous avez sillonné le pays du Nord au Sud et d’Est en Ouest, visité les régions exposées à la précarité et au déficit de développement. Vous avez – ce qui du reste ajoute à votre popularité- vécu le quotidien tunisien, toutes catégories confondues. Lors de ces déplacements, récemment encore à Kasserine ou à Sidi Bouzid, vous avez mis l’accent avec les pouvoirs publics et les entrepreneurs locaux sur l’engagement économique français…
La Tunisie ne peut se résoudre à un taux de chômage si élevé, en particulier des jeunes diplômés, pas plus qu’à la disparité régionale en termes de dynamique économique. Notre engagement en termes de résorption des inégalités territoriales et de la précarité sociale s’illustre dans le secteur de la santé avec des conversions de dettes ou des financements importants de l’AFD pour construire un grand hôpital régional à Gafsa, réhabiliter celui de Sidi Bouzid, développer l’e-santé…Nous veillons dans notre politique de coopération et dans les appuis financiers que nous mobilisons à un principe vertueux qui consiste à prendre en compte la réduction de ces inégalités territoriales, à veiller à la solidarité intergénérationnelle, à lutter contre la pauvreté, la marginalisation et le chômage. Ce pourquoi nous nous intéressons au projet du gouvernement pour lequel la France pourrait jouer un rôle d’assembleur, celui du Grand Sahara, capable d’intégrer près d’un tiers du territoire tunisien dans une dynamique économique: routes, aménagement des terres agricoles, forages, stations d’énergie renouvelable, solaire, photovoltaïque. Un projet global qui traite de sécurité stratégique, d’emploi et de développement social et durable, de tourisme du désert…L’AFD fait également un travail admirable sur de nombreux secteurs comme la microfinance, l’accès à l’eau et à l’assainissement, l’agriculture et le développement des territoires, la décentralisation, les transports urbains, l’efficacité énergétique et l’environnement. D’autres moteurs de cette relation économique seront également activés: à l’image récente du maire de Toulouse, des Présidents des régions Normandie et Ile-de-France, nos élus des grandes collectivités territoriales se mobilisent fortement, avec leurs tissus d’entreprises, pour investir le site tunisien. La coopération décentralisée avec la France, dès lors que les Tunisiens auront élu leurs exécutifs locaux, pourra être un moteur important du développement économique régional tunisien.
L’acteur, au centre de la relation économique, c’est bien l’entreprise
Quels sont les nouveaux territoires économiques à explorer?
Président du musée national de la marine, passionné de mer, j’ai la conviction que la France et la Tunisie, deux grands peuples marins, doivent travailler ensemble à faire de l’économie bleue un nouveau vecteur d’échanges. L’importance de nos côtes comme la centralité historique d’une Méditerranée commune nous y obligent. La mondialisation est à l’évidence une maritimisation et une littoralisation. Les drames de la migration rappellent hélas les enjeux de population. A l’été 2018, nous organiserons donc un grand forum itinérant de la mer qui permettra de traiter de changement climatique, de protection et d’aménagement du territoire, de défense, d’économie portuaire, de transport maritime, de pêche, de tourisme balnéaire, de recherche scientifique, de dessalement,de culture… Trois mois durant, de Tabarka à Zarzis, en passant par les îles Kerkennah ou Djerba, nous traiterons avec des experts et des citoyens des vulnérabilités comme des opportunités de cet espace maritime partagé.
Je crois enfin à la vertu des partenariats privé/public dans nos futurs projets, qu’il s’agisse de gestion portuaire, d’interconnexion des grandes plateformes logistiques et des métros ou trams dans les villes moyennes, d’infrastructures de transport ou de réseau électrique urbain ou encore de gestion des déchets. Nous devons mobiliser de grands groupes français, de la même manière que nous devons tout faire pour favoriser de grands opérateurs comme Orange qui seront prêts à investir massivement en Tunisie dès lors qu’ils pourront détenir la majorité de leur capital. L’acteur, au centre de la relation économique, c’est bien l’entreprise. Qu’il s’agisse de gros sites industriels ou de l’écosystème de PME et d’entreprises familiales, ces entrepreneurs sont déjà de véritables exemples de co-production » gagnant-gagnant ». J’observe depuis un an une meilleure perception du site d’affaires tunisien, qui permet à de nouveaux acteurs d’imaginer de se positionner sur le marché local, soit pour investir, soit pour exporter, deux démarches qui favorisent la création d’emplois directs, les rentrées en termes de TVA, d’impôts sur le bénéfice et le revenu tout comme l’augmentation des échanges dans les deux pays. Il faut donc libérer, produire, exporter, employer plus. Cette « nouvelle donne » à laquelle je crois plus que jamais est désormais bien en marche. Et la France sera, je vous l’assure, première de cordée !