Sa détermination et sa volonté d’aller de l’avant, elle les doit à sa mère, qui est forte et généreuse et à son père, patient et travailleur, les deux êtres qui ont fait d’Ahlem Hachicha Chaker, la personne qu’elle est aujourd’hui. Directrice Exécutive de son état de l’Institut des Politiques du Parti Machrou3 Tounes, elle nous livre son analyse de la situation politique des régions.Interview:
Certains sondages comme ceux de l’IRI placent Nidaa tounes, suivi d’Ennahdha en tête des préférences des électeurs si les élections devaient avoir lieu demain alors que le parti Machrou3 Tounes ne figure même pas, comment l’expliquez-vous?
Les sondages ne sont pas dans notre objectif aujourd’hui. Ce qui importe pour nous est la manière de nous structurer en tant qu’alternative politique crédible. Nous avons passé la première année d’existence du parti à travailler sur les structures centrales, au niveau local et régional. Nous sommes dans l’ultime phase de la mise en place des structures régionales et locales fraîchement élues. Une fois ce travail achevé, nous serons prêts à offrir un vrai produit politique parce qu’après tout un parti c’est une usine qui produit un produit politique.
Aujourd’hui, nous passons à la deuxième phase de la constitution et la construction du parti, c’est à dire présenter l’image du parti : qui sommes-nous ?, quel est notre positionnement en politique ? et évidemment montrer qu’on a une vraie assise dans les régions.
Quel est votre positionnement dans le paysage politique dans les régions?
Nous nous positionnons comme un parti modéré du centre, un parti résolument progressiste pour une Tunisie qui offre l’éducation, la santé, le transport public, une certaine approche de la société tunisienne, une société juste, ouverte et tolérante, mais aussi une Tunisie qui permet le développement du pays et de l’individu.
Ce que nous venons de faire à travers l’Institut des politiques publiques dans les régions marque notre vision de l’action politique ( se mettre au service des citoyens, des régions, et être à l’écoute). Vous savez, on ne sert bien que si on est à l’écoute.
Aujourd’hui, plus que jamais il faut avoir des propositions concrètes élaborées sur le terrain et non pas dans des bureaux fermés. Elles doivent partir d’une réalité et cette réalité ne peut être que locale et régionale.
Comment se présente cette réalité du terrain?
Nous avons choisi de travailler sur le volet du développement régional au nord-ouest parce que le développement ne peut être réussi que s’il est inclusif et intégré. On ne peut pas parler de développement de Béjà en excluant Siliana. C’est un ensemble géographique qui doit être géré en tant que tel. Nous avons invité des intervenants qui ne sont pas du parti parce que nous avons besoin d’écouter les gens dans les régions. Ce qui nous manque dans l’action politique d’aujourd’hui en Tunisie, c’est d’être à l’écoute des citoyens dans leurs régions. C’est un ensemble géographique qui doit être géré en tant que tel. Les solutions les plus idoines, seuls eux les connaissent.
A titre d’exemple, au nord-ouest, nous avons évoqué 4 thématiques principales: culture et patrimoine, tourisme alternatif, agriculture et développement industriel des produits agro-alimentaires. On ne peut pas parler de tourisme développé dans le nord-ouest alors que la région dispose d’un potentiel inexploité dans le tourisme alternatif, le tourisme écologique et celui du terroir. Par contre le tourisme de masse, le tourisme estival n’est pas adapté à cette région.
L’activité agricole au nord-ouest est une raison d’être de ses habitants, elle l’a été depuis la préhistoire. Malheureusement, l’Etat ne fournit pas les efforts nécessaires pour la développer et créer de nouvelles filières instaurant toute la chaîne de valeur dans l’agriculture, une production plus diversifiée, une agriculture bio. La Tunisie s’inscrit dans une dynamique économique qui est très compétitive où il faut savoir évoluer.
Quant au développement industriel des produits agro-alimentaires rien n’est entamé, il n’y a même pas une antenne du Cepex au Nord-Ouest, ce qui semble aberrant vu que la plus grande partie du secteur agricole est destiné à l’export. Il faudrait développer une approche plus intégrée entre industrie, agriculture, infrastructure et administration.
Vous venez de faire une série de rencontres dans différentes régions, vous dites que les solutions existent, comment limiter le chômage dans ces régions ?
La création d’emplois au nord-ouest est liée au potentiel économique qui est considérable que j’estime inexploité. L’Etat doit avoir une vision stratégique par région.
Aujourd’hui, nous constatons qu’il y a un manque de coordination concrète et efficace entre les structures de l’Etat que ce soit au niveau local et central. Si on prend la région de Béjà, l’Agence de promotion de l’industrie, APIA, l’Office des céréales, toutes ces administrations officient chacune de son côté sans réelle coordination.
Que faut-il faire?
Aller dans la région – ce que nous sommes en train de faire – être à l’écoute, identifier les problèmes certes, revenir avec des solutions proposées par la région elle-même et non parachutées par une structure centrale. L’Etat devrait faire suivre cet exemple. Tout comme je me demande pourquoi l’Etat a décidé de construire une autoroute Kairouan-Gafsa, quelle est l’utilité de cette autoroute? Est-ce que Gafsa a besoin de s’ouvrir sur Kairouan ou sur d’autres régions dans le pays ? Il y a une production agricole dans le nord-ouest comment la commercialiser ? Les agriculteurs sont pris au piège car ils sont obligés de passer par par les structures étatiques telles que l’Office des céréales. C’est une organisation qui n’encourage pas l’initiative privée, l’entrepreneuriat. Or ceux qui croient que la fonction publique est la solution au chômage, ils se trompent. La vraie solution est la création d’emplois dans le secteur privé.
Que pensez-vous des débats à propos du PLF 2018?
Nous sommes aujourd’hui dans une optique de sanction de l’investissement privé. A l’heure actuelle, on cherche les solutions de facilité, c’ est ce que prévoit ce PLF 2018. Il y a un chiffre pléthorique de fonctionnaires (680 000). L’Etat ne semble préoccupé que par leurs salaires et les régions sont laissées pour compte depuis 7 ans.
Si vous avez un message, ça serait lequel?
La priorité ce n’est pas l’Etat en tant qu’appareil, la priorité c’est la Tunisie.
Mot de la fin ….
Voir la loi des finances changer d’optique. Nous sommes conscients des priorités : la lutte contre la corruption, la création d’emplois et le développement, et je ne vois pas ceci dans le PLF 2018. Je suis d’accord avec ce qu’avait dit M Fadhel Abdelkéfi que le PLF n’est qu’un calcul de boutiquier. Autrement dit, des dépenses qui ne cessent de croître sans une valeur économique, juste de la consommation administrative d’un budget. Il n’est pas normal qu’aujourd’hui, avec une telle situation économique, l’Etat continue à dépenser de l’argent qu’il n’ a pas et qu’il se permet d’aller en chercher là où il n’existe pas.