Vers les années 70, le Mouvement islamique (appelé à l’époque Mouvement de la tendance islamique) a pu infiltrer l’armée, la police, les services de renseignement et la garde nationale pour préparer un coup d’Etat à l’aube du 8 novembre 1987. C’est la thèse développée par le journaliste Ahmed Nadhif dans son livre « L’unité spéciale armée du mouvement islamiste en Tunisie et le putsch de 1987 »
Composé de 218 pages, sur sept chapitres, le livre est édité par la maison d’édition Diyar Editions et distribution. L’auteur du livre, à travers des témoignages et documents, révèle que le Mouvement islamiste était parvenu à infiltrer 156 personnes dans les structures sécuritaires de l’Etat pour préparer le putsch. Cette manœuvre a déjà commencé début des années 70. L’auteur affirme que le Mouvement islamiste avait d’autres objectifs, à savoir la libération de ses leaders des prisons.
Le livre revient, entre autres, sur les affrontements entre le régime de Habib Bourguiba et les islamistes de 1981 à 1987. Le Tribunal de la sûreté de l’Etat les avait condamnés à de lourdes peines de prison.
Selon le livre, Moncef Ben Salem – ex-ministre sous la troïka – était à l’époque le leader du groupe. Le quartier général et la cache d’armes étaient situés au Bardo. Contacté par leconomistemaghrebin.com, Ahmed Nadhif affirme que son livre est le premier qui traite ce sujet. Il s’est basé sur des entretiens et des documents originaux qui datent de l’époque en question.
Le putsch: accomplir une mission patriotique!
Notre interlocuteur a fait savoir que Moncef Ben Salem a publié un livre en 2013 au Koweit dans lequel il revient sur la tentative de coup d’Etat: « Tous les exemplaires disponibles du livre ont été rachetés par le mouvement Ennahdha ».
Autre document sur lequel notre interlocuteur s’est basé: une lettre envoyée par Moncef Ben Salem à l’expert onusien et directeur de l’Institut tunisien des relations internationales, Ahmed Manaï. Dans cette lettre, contenant cent pages, il revient sur sa vie, sa carrière, le mouvement islamiste mais également sur le groupe armé. « Pour Moncef Ben Salem, ce groupe a voulu accomplir une mission patriotique. Or pour le Mouvement islamiste cet épisode était une faute dans son histoire et ne veut plus en parler », commente Ahmed Nadhif.
L’auteur révèle que l’ancien leader de la mouvance islamiste, Salah Karkar, connu pour ses positions extrémistes, affirme, dans une interview accordée au spécialiste en mouvements islamistes François Burgat, que le Mouvement de la tendance islamique avait contacté Mohamed Mzali, Ahmed Mestiri et Mohamed Masmoudi pour leur proposer le poste de président de la République en cas de réussite du putsch. Et il avance également qu’à l’époque, il était prévu d’adopter le même schéma politique que le Soudan.
En conclusion, l’auteur considère que le mouvement islamiste devrait reconnaître les faits et faire une autocritique. « Il n’est pas possible de faire son autocritique si on ne revient pas sur le bilan », conclut-il.