« Crypto-économie: opportunités d’entrepreneuriat pour start-ups et entreprises« , tel est le thème de la troisième édition du Forum de l’Entrepreneuriat, organisé aujourd’hui par l’IACE, et ce, dans le cadre de la Semaine Mondiale de l’Entrepreneuriat.
Dans ce cadre, l’IACE s’intéresse à une problématique qui soulève beaucoup de points d’interrogation dans un contexte de décloisonnement et de transformation digitale, touchant à tous les acteurs de l’économie et en particulier les modes de transactions monétaires.
Au fur et à mesure qu’elle se développe, la crypto-économie demeure un concept assez flou bien qu’indéniablement cette nouvelle vague de digitalisation qui touche les services financiers est en train de forger une nouvelle culture financière favorisant l’adoption de nouveaux horizons pour l’économie tunisienne.
Ce forum se penche ainsi sur l’apport de l’adoption de cette approche innovante qui pourra certes donner un nouveau souffle à l’économie et faciliter la qualité des services de paiement, élément primordial pour l’amélioration de l’environnement des affaires.
10% du PIB mondial sera stocké sur la Blockchain à l’horizon 2025
Dans son allocution d’ouverture, Ahmed Bouzguenda, président de l’IACE, a indiqué que la crypto-économie est un concept qui a émergé par le décloisonnement de toutes les barrières et la sophistication des moyens de communication.
Le passage d’une économie caractérisée par le système de transactions en monnaie liquide à une autre qui effectue des transactions en crypto-monnaie est, selon ses dires, plus qu’inévitable. La digitalisation tous azimuts que nous sommes en train de vivre est une transition majeure qui a pour effet de revoir les modes de fonctionnement de l’économie dans son ensemble.
Comparée à d’autres pays avec qui la Tunisie a le même degré de développement économique, M. Bouzguenda a précisé que nous enregistrons un taux d’utilisation TIC peu important mais reste dans une fourchette raisonnable. Doù, il ne suffit pas de garder un positionnement compétitif comparé aux pays voisins, mais il faudrait prendre les devants et adapter les modes de fonctionnement en changements inhérents à cette transformation digitale.
A cet égard, il a indiqué que « le volet financier et monétaire de cette transformation offrira autant d’opportunités aux entreprises existantes qu’à celles nouvellement créées surtout que nous misons sur l’inclusion financière, l’amélioration de la productivité ou encore la diminution du secteur informel ».
Ainsi, au cours des dernières décennies, les institutions financières à travers le monde ont commencé à mettre en place des politiques, des lois et des programmes visant à promouvoir et encourager les paiements électroniques, et ce, par un passage progressif du développement de ces moyens de paiement par le biais des banques, services postaux et d’autres méthodes de paiement.
Ces mécanismes de paiement, autres qu’en espèces, sont à considérer économiquement efficaces et contribuent à la dynamisation de la situation économique. L’un des instruments les plus importants de ces mécanismes est la Blockchain qui est définie comme étant une internet de valeur (internet of money ou internet of things).
Cette nouvelle technologie représente, selon M. Bouzguenda, un système de stockage des informations de transactions fuitées dans des réseaux de serveurs spécialement conçus. Bien qu’à l’origine elle ait été conçue pour soutenir Bitcoin, apparue en 2009, de plus en plus de start-ups cherchent à l’adapter dans des branches d’activités telles que les Fintech, valeurs immobilières ou l’assurance.
Par ailleurs, cette technologie qui est conçue pour accélérer un large éventail de transactions avec plus de rapidité et de sécurité que les systèmes de traitement centralisés peuvent offrir. Elle est en train de construire un avenir plus décentralisé dont les bénéficiaires sont très variés et son effet sera palpable économiquement et socialement.
Au final, Ahmed Bouzguenda a estimé que d’ici 2025, 10% du PIB mondial sera stocké sur la technologie Blockchain, selon WEF. Cette révolution monétaire aura un impact à la fois sur les entreprises existantes mais ouvrira des opportunités à de nouvelles entreprises plus compétitives avec un accès plus facile au marché.
« Révolutionner le paiement électronique, créer la crypto-monnaie tunisienne et réussir le de-cashing »
En marge du premier panel du Forum de l’Entrepreneuriat, Moez Chakchouk, PDG de la Poste Tunisienne, a affirmé que l’avenir du monde transactionnel passera par la Blockchain. Comme on avait dit vers les années 2000, le monde de la communication va être bouleversé par internet et il a effectivement bouleversé à ce jour le business model des opérateurs et des télécommunications, ce sera la cas pour la Blockchain parce qu’on a besoin de changer le monde financier surtout dans les pays qui sont encore fermés comme le nôtre. La Blockchain est, selon lui, une technologie qui apporte beaucoup d’opportunités mais il ne faut pas l’associer à Bitcoin.
Pour la Tunisie, Moez Chakchouk a souligné qu’aujourd’hui, « on a parcouru un chemin assez important dans ce monde mais il reste beaucoup de travail à faire. Il y a pas mal d’opportunités en Tunisie et si on crée un écosystème autour des start-ups tunisiennes, on peut réussir cette transition digitale et devenir même un des leaders de la région ».
Et d’ajouter qu’ au niveau de la Poste Tunisienne, « on a créé une plateforme innovante et ouverte pour toutes les start-ups. C’est le rôle qu’on veut jouer aujourd’hui pour révolutionner notre paiement électronique, créer notre crypto-monnaie et réussir le de-cashing », soulignant que « même si on a un dinar physique protégé, on doit créer notre crypto-monnaie, aider les sociétés privées à utiliser cette monnaie parallèle qui pourrait être indexée en dinar au début et être libérée par la suite ».
Pour conclure, il a annoncé que « la crypto-monnaie sera vraiment le cheval de bataille avec lequel on pourra agir ensemble pour créer de la valeur autour de la crypto-monnaie tunisienne ».
La Tunisie à l’ère d’une économie globale 3.0
De son côté Chedly Ayari, Gouverneur de la BCT, a précisé lors du deuxième panel, que la Blockchain est la première révolution technologique post internet. Il s’agit également d’une technologie destructive, ses coordonnés sont tout à fait différentes de toutes celles qui l’ont précédée. « On entre dans une ère d’une économie globale 3.0 avec un digital qui a évolué dans des proportions importantes et il est crypté. C’est une série de challenges qu’il faudrait développer ».
Vu son importance, M. Ayari a précisé qu’au niveau de la BCT, ils sont au cœur d’un débat parce qu’ils sont responsables de la monnaie et des paiements. Pour cette raison, ils ont lancé un programme de réformes sur le paiement baptisé le « de-cashing » dont cinq comités travaillent autour de ce programme. Pour ce faire, ils se sont, selon ses propos, demandé quelles sont les nouveaux moyens techniques pour essayer de faire en sorte un système de paiement différent du système actuel qui est bloqué.
A cet égard, ils ont créé un comité de réflexion sur les nouvelles technologies de destruction sur la place de Blockchain pour l’avoir dans le système tunisien. « Il s’agit d’un saut qualitatif de la Tunisie dans une ère technologique importante ».
Revenant sur les débuts de la Blockchain, M. Ayari a déclaré qu’elle a été probablement handicapée par son utilisation monétaire sauvage, vu que la première application est la création d’une monnaie digitale (Bitcoin). D’où, la doctrine n’a pas été très claire et il y a des condamnations fortes aujourd’hui tant au niveau des banques centrales qu’à celui d’autres institutions.
Aujourd’hui, « la Blockchain ne peut être adaptée ou condamnée en fonction de cette première sortie – sa monétarisation excessive – qui n’est certainement pas l’élément le plus fondamental pour l’avenir. Cette technologie de destruction est appelée à couvrir des champs faramineux autres que la monnaie. Les paiements bien sûr mais également la gestion des actifs et des passifs qui vont essentiellement vers une diminution des coûts, une utilisation plus forte, le renforcement du système de sécurisation voire une cyber-sécurité de première classe ».
En Tunisie, où est-ce qu’on se positionne là-dessus ? En Europe, ils pensent que la Tunisie peut servir de plateforme pour le lancement de la Blockchain. Paris Europlace a proposé à la BCT de co-organiser le premier Sommet africain sur la Blockchain à Tunis le plus tôt possible.
Face à cette confiance, « on doit être au niveau de la matrice et on déploie les efforts pour installer un laboratoire de Blockchain aux dimensions internationales en Tunisie ».
En guise de conclusion, Chedly Ayari n’a pas manqué de souligner qu’on doit être une plateforme de services de pointe pour créer une croissance forte. L’avenir se trouve fondamentalement dans l’intelligence économique qui va être l’apanage de l’économie tunisienne. « Il y a toute une aventure à courir et un risque à prendre mais nous sommes encore très loin de jouer. Nous ne sommes pas riches mais nous sommes ambitieux», conclut-il.