« La fin justifie les moyens. Mais qui justifiera la fin ? » (Albert Camus)
La fin qui justifie les moyens, c’est un peu tout le paradoxe de la diplomatie tunisienne telle qu’elle est pratiquée en ce moment; depuis la révolution plus qu’en tout autre temps.
Il est vrai que dans un contexte comme on n’en a jamais connu auparavant et où les interconnexions sont multiples et à géométrie variable, affirmer sa singularité n’est pas chose aisée qui plus est quand vous êtes un petit pays, n’ayons pas honte du mot même si la Tunisie est grande par son histoire et par le génie des hommes qui l’ont marquée.
L’exercice est d’autant plus difficile qu’il peut aussi être périlleux, comme c’est le cas aujourd’hui, alors que le terrorisme apporte chaque la preuve sanglante qu’il n’est prêt de dire son dernier mot. Et si on retournait la formule ? Nous avons la fin mais pas les moyens. Or, le nerf de la diplomatie comme celui de la guerre, c’est bien cet argent qui manque cruellement. Car, entendons-nous bien, il s’agit bien d’une guerre même si, elle est purement diplomatique.
Printemps diplomatique avez-vous dit ? Tel que vient de le suggérer à demi-mots Khémaies Jhinaoui venu présenter à l’ARP le budget de son ministère pour validation, frise l’exagération même si je dois reconnaître que le président de la République en tant que diplomate en chef, et son ministre des Affaires étrangères ne ménagent pas leurs efforts pour hisser haut un étendard diplomatique tombé bien bas avec le passage la Troïka un et deux.
Que notre politique extérieure se porte mieux depuis, c’est un fait dans un environnement où ce ne sont pas les zones d’extrême turbulence qui manquent. Que l’on ambitionne d’aller à la conquête de nouveaux marchés ou à la reconquête d’anciens comme c’est le cas pour l’Afrique, au moment même où le président Macron est sur le continent pour repenser la France-Afrique au grand bonheur des capitaines d’industries qui l’accompagnent, cela suppose des moyens; or, ces moyens, les avons-nous vraiment ? La réponse est non. Qui incriminer ? L’Argenterie du pays au plus mal ? Sans aucun doute. Sauf qu’avec 0,6% du budget de l’Etat consacré à la diplomatie pour 2018, ce sont des économies de chandelle dont on peut aisément deviner les résultats au niveau d’un déploiement diplomatique que tout le monde appelle de ses vœux.
Il faut savoir ce que l’on veut. Avec des moyens réduits à la portion congrue, il ne faudrait pas s’attendre à des prouesses, même si comme d’habitude, nos diplomates ne se feront pas prier pour accomplir leur devoir. Mais jusqu’à quand, va-t-on continuer à appréhender les défis qui se présentent à notre diplomatie avec cette mentalité de « Tu ne peux pas faire ce qui te plait, en revanche, fais ce que tu peux avec les moyens du bord »?
Puis, on vient demander des comptes, ce qui est un comble. C’est ce que j’ai pu constater l’autre jour à l’Assemblée. La vérité, c’est qu’on demande trop à des diplomates dépourvus. Nos partenaires et amis étrangers ont de la considération pour ce pays, la preuve tous ces chefs d’Etats et autres ministres des Affaires étrangères qui s’empressent de nous rendre visite. De quoi en être rassurés et fiers, et je suis d’accord avec M. Jhinaoui qui n’a pas manqué de le rappeler aux députés.
Je crois toutefois, que plus que de la considération, c’est de moyens dont notre diplomatie a besoin non seulement pour porter la bonne parole mais aussi et surtout pour servir les intérêts stratégiques du pays par l’exploration de nouveaux horizons dans un contexte régional et international de rude concurrence. Une diplomatie conquérante, je veux bien. Mais, avec quoi ? Cela relève pour nos diplomates du parcours du combattant.
Un budget conséquent à la hauteur des challenges ? A la Kasbah et aux finances, on avance que ce sont les sous qui manquent. Pourquoi, ces mêmes sous n’ont-ils pas manqué lorsqu’on a décidé d’augmenter les budgets du ministère de l’intérieur et de celui de la défense ? Pourtant, l’imbrication stratégique entre les trois départements est plus qu’évidente. Au train où vont les choses, je crains fort que les desseins restent au niveau des desseins et que l’on n’ira pas loin; avec tout ce que cela comporte de conséquences.
Tenez, Robert Mugabé le vieux lion de la lutte pour l’indépendance du Zimbabwe ex Rhodésie, vient d’être poussé vers la sortie après un long règne de trente sept ans, complètement usé. Ses compatriotes aidés par l’armée l’ont invité pacifiquement à céder la place pour que le pays puisse repartir de bon pied. Et du potentiel, le Zimbabwe en a énormément. D’ailleurs, savez-vous que la Tunisie avait dans les années quatre vingt dix une ambassade à Harare vite fermée pour manque de résultats a-t-on expliqué à l’époque ?
Les mêmes considérations qui ont présidé à la fermeture d’autres missions diplomatiques et pas seulement sur le continent africain. Le Zimbabwe, c’est l’Afrique subsaharienne vers laquelle notre diplomatie économique semble lorgner; une manière de rattraper le temps perdu. J’espère qu’on ne va pas encore une fois avancer la charrue avant les bœufs.
Je reste en Afrique pour dire tout le bien que je pense du forum Chine-Afrique qui vient de se tenir à…Marrakech, et où il est clairement affirmé que les nouvelles routes de la soie passeront par le Maroc. Que dire de plus ?