C’est aujourd’hui, mercredi 29 novembre, que s’ouvre à Abidjan le sommet Union européenne-Union africaine, en présence de 83 chefs d’Etat et de gouvernement et de 5000 participants des deux continents. Ce sommet, qui durera deux jours, a un programme un peu trop chargé : la croissance économique, l’emploi, l’investissement, les changements climatiques, la paix, la sécurité etc.
La tâche qui attend les participants est gigantesque. Le tout se résume à une question fondamentale : comment aider l’Afrique à répondre aux besoins d’une jeunesse dont le nombre des moins de 25 ans s’élève à 720 millions et dont la population totale avoisinera d’ici trente ans les deux milliards d’âmes ?
Le problème fondamental saute aux yeux, mais personne à ce sommet n’osera l’aborder, parce qu’il est considéré comme relevant du politiquement incorrect : la démographie galopante en Afrique. Rappelons-nous la levée de boucliers et les cris de saintes nitouches effarouchées qui ont accueilli la remarque judicieuse du président français Manuel Macron quand il affirma que le défi essentiel de l’Afrique aujourd’hui est la transition démographique : « Quand des pays ont encore aujourd’hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d’y dépenser des milliards d’euros, vous ne stabiliserez rien », a-t-il fait remarquer à juste titre.
A juste titre ? La fureur, les attaques virulentes et les vociférations acérées des gardiens du temple du politiquement correct se multiplient contre les « propos dégradants et racistes » du jeune président, et le journal français ‘Libération’ va même jusqu’à écrire que « Macron s’attaque au ventre de la femme africaine »…
Les analystes de service se sont retroussé les manches pour nous expliquer que « c’est le sous-développement qui cause la surpopulation et non le contraire. » Donc pour eux, il ne faut jamais aborder le problème tabou de la population galopante en Afrique, en attendant le développement qui résoudra le problème. Mais ils s’abstiennent de nous expliquer comment développer l’Afrique avec ses 720 millions de jeunes de moins de 25 ans dont la plupart sont soit analphabètes soit d’un niveau d’éducation limité et sans compétences professionnelles.
Gageons qu’aucun des milliers de participants du sommet UE-UA d’Abidjan n’osera poser ce vrai problème qui empêche l’Afrique d’avancer de peur d’être lynché. On fera donc des discours dans ce sommet tri-annuel comme on en a fait plein dans les précédents sommets à Tripoli en 2010 et à Bruxelles en 2014.
Certes, en Afrique, on est conscient des dangers que pose « la bombe démographique à retardement », et le président de l’Union africaine, Alpha Condé, a exhorté les chefs d’Etat et de gouvernement à « trouver des solutions pour l’emploi, l’éducation, la couverture sociale et médicale que chaque citoyen africain est en droit de revendiquer. » Comment ? Des pistes sont évoquées, comme l’éducation, la formation, la coopération, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et autres clichés qui ont toujours fait partie des discours politiques en Afrique depuis l’indépendance du continent jusqu’à ce jour. Mais le vrai problème, celui du planning familial, sur lequel l’Afrique aurait dû se pencher depuis des décennies, a toujours été éludé et continuera à l’être tant que ce sujet restera sur la longue liste des tabous africains.
Il y a sept ans jour pour jour se terminait à Tripoli le sommet UE-UA. Le 30 novembre 2010, nous avions eu droit à une déclaration finale, dite déclaration de Tripoli, dans laquelle les 80 dirigeants africains et européens affirmaient que leur « coopération revêt une importance stratégique pour les deux parties. » Moins d’un an après, Mouammar Kadhafi, le chef d’Etat qui avait accueilli 80 de ses homologues africains et européens fut lynché par la foule, sodomisé par une baïonnette et assassiné. Qui l’avait livré à la foule enragée et livré la Libye aux hordes terroristes qui y sont toujours sept ans après ? Deux pays signataires de la déclaration finale : la France et la Grande Bretagne.
Nicolas Sarkozy et David Cameron ont une idée bien particulière de la coopération euro-africaine. Elle consiste à détruire des régimes et à livrer des pays aux organisations terroristes. A-t-on parlé de ce crime effroyable dans le sommet suivant qui s’est tenu à Bruxelles en 2014 ? Non. Parlera-t-on de ce crime et dénoncera-t-on même verbalement ces deux criminels de guerre que sont Sarkozy et Cameron dans le sommet d’Abidjan qui s’ouvre ce mercredi 29 novembre ? Certainement pas. C’est là un autre tabou que l’Afrique n’arrive pas à faire sauter. En revanche, les participants n’auront aucun problème à faire des discours qui, comme d’habitude, se perdront dans les lointains échos.