«La banque tunisienne de demain: nouveaux défis de la modernisation et enjeux stratégiques du secteur bancaire tunisien», tel est le thème du séminaire organisé, aujourd’hui, par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES), et présidé par Néji Jalloul, DG de l’ITES, Nadia Gamha, DG de la supervision bancaire à la BCT et Ahmed El Karm, président de l’APTBEF.
Dans ce cadre, deux thématiques ont été débattues, à savoir «le secteur bancaire tunisien: positionnement et performances» et «la banque de demain: le pari de la digitalisation», et ce, par d’éminents responsables et experts en la matière tels que Moez Labidi, universitaire et conseiller économique, Radhi Meddeb, PDG du Groupe COMETE, Ferid Ben Tanfous, DG de l’ATB, Habib Belhaj Gouider, DG de la BNA, Amel Ben Rahal, DG de la stabilité économique à la BCT, Franck Dupont, économiste senior au FMI, Zouheir Ouaka, PDG de la BTL, Habib Karaouli, PDG de CAP Bank, Elyes Ben Rayana, responsable BFI à la BIAT et Samir Saied, DG de la STB.
Dans son allocution d’ouverture, Néji Jalloul a annoncé que trois décennies de réformes ont transformé le paysage bancaire, mais n’ont pas réussi, jusqu’à présent, à remettre le secteur bancaire tunisien sur le sentier des standards internationaux de bonne gouvernance, de rentabilité, de solvabilité…
«Malheureusement, la Tunisie est minée par du conservatisme et des gens qui ne veulent pas le monde changer», a-t-il estimé, précisant que le secteur bancaire tunisien est condamné à se moderniser pour pouvoir renouer avec ces standards internationaux. D’ailleurs, les défis sont de taille mais ne sont pas impossible à relever, citant par exemple la redéfinition du rôle de l’Etat dans le secteur, la modernisation de la gestion des risques, l’optimisation de la gestion des ressources humaines, l’internationalisation et la digitalisation.
Le secteur bancaire tunisien ne manque pas de défaillances institutionnelles et stratégiques
De son côté, Nadia Gamha a annoncé que malgré une conjoncture défavorable, la contribution du secteur bancaire dans le financement de l’économie tunisienne est à hauteur de 78% du PIB. Mais, il ne manque pas de défaillances institutionnelles et stratégiques.
Face à cette situation, la BCT veille, selon ses dires, à trouver des solutions, et ce, via le renforcement des bases financières avec un objectif d’adopter les normes de Bâle III en 2020, le développement des mécanismes de financement (exp: Banque des Régions), la révision des participations de l’Etat dans le secteur bancaire (une participation actuelle de 38% dans 14 banques), la coordination entre le capital national et le capital international, le développement des services bancaires à distance via la digitalisation…
Dans ce cadre, Mme. Gamha a affirmé que la BCT se lance dans un programme de réformes, en se focalisant sur le «de-cashing» et les nouvelles technologies de destruction sur la place de Blockchain pour l’avoir dans le système tunisien. «La Tunisie peut servir de plateforme pour le lancement de la Blockchain et de services de pointe pour créer une croissance forte. Paris Europlace a proposé à la BCT de co-organiser prochainement le premier Sommet africain sur la Blockchain à Tunis et installer un laboratoire de Blockchain aux dimensions internationales en Tunisie», explique-t-elle.
Quant au financement des PME et TPE, la BCT se focalise, également, sur l’adoption du crowdfunding, comme étant la négation de l’intermédiation classique qui s’avère devenir de moins en moins adapté à ces entreprises, tout en mettant en place des instruments pour pouvoir mesurer les risques de cette nouvelle forme de financement.
La banque de demain ne sera jamais la banque d’hier
Pour sa part, Ahmed El Karm, a fait savoir que le secteur bancaire tunisien est marqué par le manque de la liquidité qui est du à une croissance économique atone. «N’empêche que le bénéfice d’aujourd’hui c’est l’investissement de demain et l’emploi de l’après demain. C’est ce que les banques tunisiennes ont réussi à le faire grâce à un effort déployé au niveau de la bonne gouvernance et l’intelligence humaine».
Malgré ces efforts, M. El Karm a souligné qu’on est aujourd’hui dans une phase importante de changement radicale, parce que la banque de demain ne sera jamais la banque d’hier vu que la digitalisation va jouer son rôle, ajoutant une efficacité nouvelle via un processus totalement numérisé, la crypto-monnaie, la Fintech…
Pour réussir ce changement, le banquier a préconisé de se préparer à ces technologies nouvelles. Sachant que dans les 20 à 25 prochaines années, 40% des emplois de la banque seront robotisés.
De ce fait, les défis majeurs supposent une alliance entre les banques et les syndicats afin de transformer en premier lieu les compétences humaines.
Par la suite, il demeure indispensable d’opter pour des banques régionales et d’élaborer des approches pour rayonner et se développer à l’international, tout en prenant en considération l’importance des risques.
Au plan des banques publiques, Ahmed El karm a déclaré que la privatisation est la seule solution vu que ces banques ne constituent, selon ses propos, qu’un fardeau pour l’Etat tunisien.
Dans le même sillage, il a préconisé de miser sur l’innovation et la promotion de l’inclusion financière, et ce, à travers l’extension du système bancaire par la micro finance, le changement du mode de financement classique, les solutions de paiement mobile…
Au final, M. El Karm a dressé un appel à ceux qui nous gouvernent: «Il faut aborder une mutation profonde, tout en ayant audacieux, pour changer les spectres (modernités et technologies), accélérer l’application des textes de loi (loi bancaire, amnistie de changes, équité fiscale…), et surtout cesser de traiter les banques comme étant la vache à traire et leur faire confiance».
Nous y reviendrons…