En marge du séminaire organisé, hier, par l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) portant sur les défis et les enjeux de la modernisation du secteur bancaire tunisien, l’accent a été mis sur le positionnement et les performances de ce secteur ainsi que sur le pari de la digitalisation.
A la question de savoir à quoi va ressembler la banque de demain, l’Universitaire et conseiller économique, Moez Laâbidi, a déclaré que la banque de demain permettra au client de comparer les offres, de faire lui-même ses opérations via la digitalisation et de demander conseil à son banquier.
Cette digitalisation du système bancaire qui est, selon ses propos, le pilier de la performance des banques, permettra de limiter les pressions sur la liquidité, lutter contre le marché parallèle, promouvoir l’inclusion financière tout en offrant des produits et des mécanismes sur mesure et une modernisation du système d’information.
«Pour ce faire, le challenge c’est de s’adapter au contexte international, notamment en s’insérant dans la révolution numérique. Et par conséquent, réussir à combler le gap qui existe entre la banque tunisienne et la banque internationale, particulièrement au niveau de la rentabilité qui demeure faible, des actifs qui sont élevés, de GRH qui est peu valorisée ainsi qu’au niveau de la réglementation afin de passer des normes de Bâle II à celles de Bâle III», précise-t-il.
De son côté, Férid Ben Tanfous, DG de l’ATB, a indiqué que le secteur bancaire tunisien joue un rôle déterminant dans l’économie tunisienne qui est une économie d’endettement. N’empêche qu’il faut l’améliorer, notamment au niveau de l’accès aux crédits qui demeure un handicap pour le développement et la pérennité des PME et au niveau de la rentabilité.
Il faut également l’améliorer au plan de la bancarisation, qui est actuellement à 50%, pour s’imposer dans les régions et promouvoir l’inclusion financière.
En ce qui concerne la participation de l’Etat, M. Ben Tanfous a souligné que l’Etat, comme actionnaire de référence, doit se désengager des secteurs concurrentiels et des banques commerciales, parce que sa présence empêche la flexibilité de gestion. Sachant que l’Etat n’a pas réussi sa mission dans les différentes banques, ce qui impose la privatisation.
Habib Belhaj Gouider, DG de la BNA, a assuré de prime abord que son établissement continue à financer l’agriculture, son activité historique et à opérer sur d’autres activités.
Au plan des banques publiques, il a appelé à faire bénéficier ces banques des mêmes moyens de travail et des créances classées pour les développer et les comparer par la suite avec les banques privées. «Il faut arrêter d’avoir un secteur bancaire à deux vitesses. Ce secteur, qui souffre de beaucoup de défaillances, exigeant l’amélioration de la liquidité, de l’inclusion financière et de nouveaux modes de financement, tels que la micro-finance, et ce, afin de garantir son efficience et sa résilience et développer ses concours à l’économie».
Dans le même ordre d’idées, Franck Dupont, économiste senior au FMI, a fait savoir que les autorités tunisiennes sont en train de mettre en place une stratégie d’inclusion financière dans le but de lutter contre l’économie souterraine et miser davantage sur la justice sociale.
Pari de la digitalisation
S’agissant de la digitalisation de la banque, Elyes Ben Rayana, responsable BFI à la BIAT, a déclaré que la Tunisie n’est pas près d’affronter le «tsunami technologique», et ce, en raison du manque d’innovation caractérisant le système financier tunisien et la qualité des ressources humaines qui doit être améliorée.
L’émergence des smartphones a en effet transformé le métier de banquier, mais il est nécessaire, selon notre interlocuteur, de savoir segmenter la clientèle et équilibrer la volonté d’ouverture avec la nécessité de contrôle (titrisation) pour réussir le changement.
Revenant sur l’impact de cette digitalisation, Zouheir Ouaka, PDG de la BTL,a indiqué que les experts affirment que 40 à 50% des parts de marché de la banque conventionnelle seront grignotés.
Par ailleurs, cette évolution technologique pose deux défis majeurs. Il s’agit de l’élaboration d’un business model (monétisation) et des tendances à la concentration de la valeur.
De même, Samir Saied, DG de la STB, a souligné l’importance d’avancer sur le marché financier avec des prototypes et des objectifs par définition réalisables, et ce, pour le tester et l’améliorer dans un nouveau sprint visant à converger vers ce que demande le client ainsi que le marché.
Il n’a pas manqué de dire que la rigidité législative va permettre de protéger les banques tunisiennes, pour un certain temps, des PayPal, Amazon, Fintech… Mais le secteur bancaire tunisien doit faire rapidement sa révolution digitale pour répondre aux besoins d’une clientèle connectée de plus en plus exigeante. Autrement, il sera dépassé par d’autres institutions qui, avec le temps, pourront s’imposer sur le marché tunisien.
Au final, le PDG de CAP Bank, Habib Karaouli, a déclaré qu’en 2020, 20% du réseau bancaire aux EtatsUnis sera fermé et que la Société Générale envisage de fermer 20% de ses agences d’ici 2021. De ce fait, le business model qui consiste à payer pour garder son argent va disparaître dans 15 ans.
Pour le cas de la Tunisie, M. Karaouli a martelé que si les banques tunisiennes n’innovent pas, elles vont disparaître. «On est dans une phase de crépuscule d’un modèle d’affaires. Une phase qui exige d’évaluer le système bancaire via un SDD (Schéma directeur digital) pour que la banque change avec une nécessité de l’adaptation des ressources humaines», assène-t-il.
«Le métier ne va pas changer, mais les techniques vont changer, et avec notre approche conservatrice et frileuse, nous risquons de passer à côté d’un système parallèle qui pourrait être plus efficace», conclut-il.