Relever les défis de la mise en pratique de la décentralisation, cette forme de gestion régionale, expression par excellence de la politique de proximité, sera confrontée à bien des défis dont celui inhérent au risque d’abus de l’administration locale. Mise en exergue d’une problématique à résoudre impérativement.
Etant essentiellement un transfert réel de prérogatives, il importe donc de l’appréhender dans ce sens-là. Autrement dit, il s’agit d’opérer le partage du pouvoir entre le centre et les régions. Acte politique par excellence, elle est censée mettre en place les mécanismes de la délégation des responsabilités sans que cela soit une centralisation déguisée. Prise dans ce contexte et dans le total respect de cette démarche, elle s’avère être un acte d’une profonde portée.
Le panel: « La décentralisation et l’environnement des affaires » a réuni dans la grande salle de conférence de Sousse-Palace, d’un côté, Slim Feriani, ministre de l’Industrie et des PME, Grégory Simpson, Directeur de la Région MENA et du Centre international des Entreprises Privées, Etats-Unis et Khaled Sellami, Directeur Général, Essilor IVO, Tunisie avec Anis Moraï comme modérateur et, de l’autre, un parterre d’hommes d’affaires et de représentants de nombreuses institutions publiques et privées. Il s’est donné pour objectif essentiel de sonder le thème dans toutes ses subtilités et d’arriver à esquisser les grandes lignes de cette relation qui sera à très court terme la donne caractéristique de la politique régionale dans le pays. Deux questions inaugurales ont été le leitmotiv du débat, à savoir premièrement, la détermination du pouvoir dont disposera l’administration locale, le cas échéant, et deuxièmement les recours possibles pour l’entreprise en cas d’abus de l’administration locale.
Indices peu accommodants
D’emblée, focus a été fait sur les particularités de l’impact de l’administration sur l’environnement des affaires. Il a été procédé à une illustration chiffrée concernant deux indices, le Doing business de la Banque mondiale et l’indice d’attractivité, publié annuellement par l’IACE. Le premier classe la Tunisie au 88e rang sur 190 pays. Le second, composé de six piliers, apporte la preuve que le score moyen global des régions est «peu satisfaisant».
En effet, l’indice d’attractivité régionale en ce qui concerne les quatre piliers relatifs aux services municipaux, l’approche participative, la transparence, l’accès à l’information et le cadre de vie conclut que ces piliers sont affectés directement. Les piliers, quant à eux, de la disponibilité de la main-d’œuvre et des services non municipaux le sont partiellement.
Beaucoup de travail doit s’effectuer à ces niveaux. En outre, la Banque Mondiale a fait des constats de natures diverses mais concourant dans la même appréciation à portée négative. A titre d’exemple, le délai de l’obtention des permis de construction est de 96 jours (la Tunisie est classée 95e au niveau mondial, le raccordement au réseau de distribution de l’eau prend 21 jours, le raccordement au réseau électrique 65 jours ( 48e place).
Pour une économie participative performante
La discussion n’a pas longuement porté sur la nuance à faire entre les concepts de décentralisation et celui de la déconcentration mais certains parmi les présents, dont le Doyen Neji Baccouche, y ont remédié. La déconcentration étant une forme d’assouplissement de la centralisation et ses protagonistes sont désignés par l’autorité centrale. La décentralisation est différente car ses protagonistes sont par contre élus.
Ce n’est pas un choix mais une obligation
Pour ce qui est de la décentralisation qui, comme l’a souligné Slim Feriani, n’est pas un choix mais désormais une obligation, elle a un fondement constitutionnel. Elle concrétise une forme d’économie participative où tous les intervenants, y compris les entreprises, s’impliquent pour atteindre les objectifs du développement régional.
Le ministre a d’emblée mis en exergue le fait que si les choses sont menées comme il se doit dans cette démarche de décentralisation, il est possible d’atteindre le seuil d’un PIB équitable par habitant. D’ores et déjà, tout le monde travaille d’arrache-pied pour arriver à ce résultat, par le biais, entre autres, d’une préparation adéquate de l’infrastructure textuelle juridique de la décentralisation.
Toutefois, cela ne suffit pas à lui seul, a-t-il dit, il importe d’innover et de faire preuve d’ingéniosité dans la mise en pratique de cette politique de proximité, à portée économique particulièrement. Et de souligner qu’il est impératif de regrouper les efforts pour que le privé intègre pleinement les régions et que cet engagement arrive à porter ses fruits.
Gregory Simpson a, pour sa part, fait ressortir les particularités du thème. Quant à Khaled Sellami, il a fait un excellent exposé des mesures à mettre en pratique pour donner toutes les chances de réussite à cette relation entre la décentralisation et le monde des affaires.
Enrichissant son témoignage par des exemples pris dans le vécu, il a insisté, en guise de conclusion, sur l’effort à accomplir impérativement pour donner plus de souplesse à la décentralisation, loin de l’oppressante mainmise des procédures administratives.