Pour une décentralisation réussie, un consensus semble se dégager sur les conditions préalables. L’apport du Code des collectivités locales s’avère très important. Il ouvre des voies nouvelles pour les communes et les régions, mais la problématique semble dans le bouleversement de l’ordre administratif. Abbes Mohsen, ancien Maire de Tunis, explique la nature des relations qui devrait dominer dans le cadre de la décentralisation entre les autorités élues et les autorités désignées.
leconomistemaghrebin : Quelle est l’importance du projet du Code des collectivités locales ?
Abbes Mohsen : Le projet du Code des collectivités locales adopté en conseil des ministres en juin 2017 et en discussion à l’ARP est une indispensable évolution des droits et libertés des communes et régions. Celles-ci sont désormais pleinement décentralisées, ou le seront dès la promulgation du code. Leur initiative est libérée par la suppression du contrôle de tutelle exercée par les autorités centrales. De plus, la région sera administrée par un conseil élu au suffrage direct. Le président du conseil sera élu par le conseil. Plus qu’un ensemble de techniques administratives, la décentralisation est ainsi la reconnaissance par l’Etat de la capacité d’une communauté humaine commune ou région à gérer librement son destin.
La décentralisation rendra-t-elle la commune ou la région capable d’engendrer de la prospérité économique et du bien-être social ?
Ces avancées pourront-elles contribuer à corriger les déséquilibres interrégionaux, car c’est l’idée qui a sous-tendu la réforme ? C’est possible à deux conditions : la première est qu’il y ait une gestion saine et la seconde, une gestion locale. Il est incontestable que la tutelle et le contrôla a priori limitaient ou limitent l’initiative de la collectivité, commune ou région.
Bien que réduite par la loi de 1975, la tutelle s’exerçait sur certains actes. Le nouveau code va libérer les autorités élues et les autorités désignées par le contrôle a-posteriori, des assemblées élus et un président de région élu.
Totalement libérées, les deux étages des collectivités peuvent jouer un plus grand rôle, si elles restent attentives au danger du gaspillage et de l’électoralisme. Libérée de la tutelle de l’Etat, la collectivité doit être au rendez-vous et veiller à la bonne santé de ses finances et à l’usage qu’elle en fait.
Pour réussir et durer, la décentralisation doit s’attacher à l’amélioration de la situation de la collectivité communale et régionale en vue d’y attirer l’investissement et le progrès.
Comment faire pour éviter un éventuel conflit entre les autorités élues et les autorités désignées ?
La décentralisation doit être loyale vis-à-vis de ses principes fondateurs à sa savoir une libre administration, une gouvernance ouverte, une démocratie participative…
La démocratie participative peut être le plus grand apport et un mécanisme très précis. La loyauté des autorités entre elles est souhaitable pour éviter que les autorités élues et les autorités désignées se dressent l’une contre l’autre.
Quel sera donc le nouveau rôle du gouverneur ?
Il faut regretter profondément que la Constitution de 2014 n’ait pas réussi à surmonter son aversion pour le gouverneur et qu’elle l’ait ostracisé en refusant de le mentionner. Par exemple, la Constitution marocaine de juillet 2011, adoptée pourtant dans un contexte régional similaire, réserve dans article 145, une large place au Wali :« Les Wali et les gouverneurs » sont les représentants de l’Etat et sont responsables de l’exécution des lois. Ils assistent les collectivités dans la réalisation de leurs programmes.
L’incompréhensible hostilité des constituants de 2014 à l’égard du gouverneur risque d’aboutir à une dommageable guerre de position entre les autorités élues et celles désignées. Ainsi, la région risque d’en faire les frais et l’attractivité de la région pourrait en souffrir. Le progrès de la région dépendra indiscutablement de la coopération entre l’autorité élue et l’autorité désignée. Il faut un texte pour en clarifier les modalités.