La publication d’un taux d’ inflation de 6,3% a constitué un événement économique majeur la semaine dernière, probablement passé inaperçu puisqu’il a coïncidé avec les discussions du projet de la loi de finances 2018 et la classification de la Tunisie en tant que paradis fiscal.
Avec ce chiffre, nous revoilà au même niveau de juillet 2013. Mais cette fois, revenir à une inflation inférieure à 4% serait une mission ardue. Le contexte a tellement changé que la Banque Centrale (BCT) devrait prendre des décisions importantes tout en veillant à garder les équilibres macro-économiques, aussi précaires soient-ils.
Inflation : une tendance structurellement haussière
Si les autorités ont relativement pu maîtriser l’inflation depuis 2016, c’est en grande partie grâce aux changements qui ont touché le mix-produits composant le panier moyen du tunisien. La baisse du pouvoir d’achat a orienté la consommation vers les produits de base qui bénéficient du soutien généreux de la Caisse Générale de Compensation.
Bien que les subventions soient toujours à des niveaux élevés, les autorités n’ont rien pu faire cette fois face aux pressions inflationnistes. Et pour une cette raison, nous retrouvons essentiellement l’incapacité à maîtriser l’accélération du rythme d’augmentation des prix du groupe « Alimentation et boissons ».
Nous sommes convaincus que cette hausse est plutôt durable et non conjoncturelle. Une grande partie de ces produits est importée et subit donc les conséquences de la dépréciation du dinar. De plus, avec la nouvelle situation du gouvernent qui compte lever progressivement les subventions sur plusieurs produits (café et thé) et appliquer des taxes de consommation supplémentaires à d’autres biens (bière, alcool et tabac), nous pouvons conclure que les choses vont se compliquer durant les mois à venir. Même des dernières pluies qui pourraient donner une meilleure récolte pour les cultures maraîchères, ne pourrait pas automatiquement résulter une baisse des prix. Il y a le problème des coûts de production, qui comprennent essentiellement la main d’œuvre, les semences et les pesticides qui sont importés. Avec la marge des agriculteurs et des commerçants de détail, les prix persisteront à leurs niveaux actuels.
Pour les autres groupes de produits, nous ne voyons pas comment une baisse généralisée des prix pourrait être déclenchée. Aucun facteur n’est en faveur d’une telle tendance et l’Etat est loin d’opter pour une politique interventionniste et se contente de se focaliser sur les biens considérés comme «sensibles». La demande resterait soutenue, dopée par l’amélioration des chiffres du tourisme, les fortes dépenses publiques et les prestations sociales. La masse monétaire ne cesse d’augmenter (+66,9% depuis la révolution pour l’agrégat M2 à titre d’exemple!), rendant peu probable l’utilisation de la politique budgétaire pour faire baisser l’inflation.
La solution proviendrait de la politique monétaire
La BCT pourrait par contre faire jouer sa politique monétaire. Nous nous attendons à une hausse du taux directeur avant la fin de l’année, mais accompagné d’un encadrement de crédit. En fait, un TMM plus élevé risque de rendre l’accès aux financements encore plus difficile pour les entreprises. Nous pensons que la Banque des banques va imposer des quotas de volumes de crédit à la consommation et obliger les banques à prêter de l’argent aux entreprises. Si jamais le plafond est dépassé, les banques devront payer une pénalité. La BCT pourrait également utiliser le mécanisme des réserves obligatoires. Nous pensons que du point de vue pratique, c’est la meilleure solution qui s’offre actuellement, bien que dans tous les cas de figure, on assistera à des problèmes d’investissement.
La question qui reste est celle relative au taux de rendement de l’épargne. Est-ce que la BCT va également l’augmenter? A notre avis, la réponse est négative. Ce n’est pas dans l’intérêt des banques d’augmenter ce taux, car il va peser sur leur coût de ressource. L’industrie de la gestion d’actifs considère qu’une telle décision porterait atteinte à son attractivité. Mais il y a également une autre considération. Si l’épargne serait davantage rémunérée, la proportion à l’épargne pourrait augmenter au détriment de la consommation, au moment où la TVA constitue une ressource vitale pour l’Etat. C’est un vrai dilemme, car avec un chômage élevé et une faible croissance, nous craignons la stagflation. Cela risque donc de devenir beaucoup plus compliqué que prévu!