Tunisie « paradis fiscal » a surpris tout le monde. L’annonce figure en première et occupe les boucles de la presse et des médias spécialisés. A elle seule, cette médiatisation nous cause des préjudices financiers et bancaires énormes.
Tous les market-maker internationaux en profiteraient pour fragiliser nos argumentaires financiers ou concurrentiels déjà peu convaincants. Les marchés, opportunistes et aux aguets, aggraveront tous nos taux en levées publiques ou privées de fonds. Aux multiples problèmes qu’endure déjà notre économie, cette liste noire, de fin d’année 2017, est venue nous rajouter davantage de soucis. Même si l’on s’en sortait rapidement, cela n’effacerait pas les méfaits d’avoir été désigné « paradis fiscal ».
Que dit la théorie des jeux ?
En somme, un coup dur de pris. Très difficile à encaisser car il provient de proches amis. Il faudrait donc bien prendre le temps de réfléchir pour savoir mieux se repositionner.
A cet effet, deux éléments déterminants sont à considérer. Le premier, capital, relève du domaine des intentions. Autant à Tunis qu’en EU, à Bruxelles, une nette prise de conscience quant à la gravité du problème s’est dégagée. Les témoignages d’amitié et de solidarité provenant des hautes instances européennes se sont fait prompts et publics. Ce janvier même, et au plus vite, la Tunisie pourrait sortir de ladite liste. Le deuxième élément, technique, porterait sur la méthodologie des identifications fiscales.
En effet, vraisemblablement, la liste en question proviendrait d’une compilation de listes. Grosso modo, si un pays B apparaît dans un nombre déterminé de listes, alors B serait classé dans la liste finale. Un classement qui risque d’être tronqué voire abusif.
Par exemple, au cas où les liens économiques et administratifs entre A et B ne seraient pas intenses et fluides, la réponse à une requête fiscale, lancée par A à B, tarderait. En effet, les termes et les domaines de telles requêtes n’étant pas normalisés, les délais de réponse seront nécessairement longs voire prolongés. Le résultat : A marquerait B paradis fiscal. Le cas où A et B seraient deux économies concurrentes est intéressant. Dans la théorie des jeux, fort probablement, A et B auraient des tendances anticipatives à se marquer, l’un l’autre, paradis fiscal.
Si de surcroît l’on considère la situation où B n’est pas un pays de l’Union européenne, la même rigoureuse et impartiale théorie relèverait que non seulement B ne participe à aucun listage, ce qui est un élément de taille, mais que B à toutes les chances de figurer dans la liste finale. C’est, vraisemblablement, ce qui fut fait pour la Tunisie.
A ce niveau, nous constatons bien qu’aucune des listes de nos partenaires traditionnels et majeurs en EU ne mentionne la Tunisie en tant que paradis fiscal.
L’exception tunisienne
Le problème ne se limite pas à la liste 2017. Dorénavant, à chaque fois qu’une mesure incitative sera conçue, la Tunisie risque d’être affublée d’un titre handicap. Voilà donc une logique dont les limites infinies dessineraient une Union européenne qui ne lâche rien et une Tunisie qui perd tout.
Sachant que les obligations naturelles et vitales de l’économie tunisienne sont dans l’ouverture et dans la quête de l’attractivité, l’après 2017 commun devrait mieux se parfaire. Une exception tunisienne, largement soutenable et méritée, gagnerait à se déclarer et à se dessiner.
Tunis Place Financière Régionale
Prenons en débat les aspects financiers en cours. Tout décideur politique averti dira qu’une Tunisie prospère passe nécessairement, entre autres, par l’évolution de la Place de Tunis vers un statut de Place Financière Régionale.
Le financement de l’économie tunisienne, celui des économies africaines, nécessitent une telle place. Une place nœud de flux et de dénouements, normes internationales, transparente et sécurisée, bourse et marché EU-intégrés.
En Afrique, seules quelques places peuvent occuper ce rôle. Tunis, et de loin, en fait partie.
Avec une réglementation financière et des statuts bancaires facilement améliorables, un Dépositaire Central, Tunisie Clearing, qui répond aux standards internationaux, une législation anti-blanchiment large, une administration rodée, la Tunisie est à même de voir utile et grand. C’est plus par obligation que par luxe de vision.
En effet, pour une économie réduite comparée à celle de l’EU, une telle infrastructure financière et bancaire devrait avoir un sens et donner des avantages. Car, dans l’absolu, la superposition des contraintes réglementaires et des certifications de conformité, l’adoption rigoureuse des normes prudentielles ne conduiraient qu’à réduire le potentiel économique et la stabilité sociale des pays économiquement excentrés. Excentrés par rapport aux grands et attractifs groupements économiques qui se dressent à travers le monde.
La Tunisie verrait donc qu’il lui est nécessaire de multiplier ses conventions multipartites de non double- imposition. Elle saurait qu’il faudrait diminuer à leurs stricts minimums toutes les taxations à la source des dividendes et des plus-values, des coupons et des intérêts, engrangés sur sa Bourse ou sur ses desks de banques. Les rendre tous libératoires.
Elle verrait qu’il lui est capital d’instaurer des franchises d’impositions sur les niveaux et les types d’affaires et de productions réelles qu’elle jugerait bons pour son économie. Baisser ses taux fiscaux sur les entreprises et sur les individus par rapport à ceux de l’EU.
N’est-ce pas que l’économie tunisienne n’a d’alternative que de celle de se faire plus attractive que l’EU, son Dinar au moins égal à l’Euro ? Les deux parties n’en seraient que gagnantes.
Méthodologie gagnante
Cette logique de partenariat n’entend pas négliger les aspects de la rigueur fiscale. La méthodologie administrative des requêtes fiscales gagnerait à se repenser. A éviter la logique négative des listes et des sanctions.
Rendre les rapports et les flux Q/R fluides serait le bon objectif. Vu le nombre des parties en jeu, le plus adéquat serait de désigner une administration EU, ‘Adresse fiscale’. Toutes les requêtes, de tous les pays, dans les deux sens, passeraient alors par cette adresse qui transmettrait.
Cela éviterait toutes les appréciations incomplètes ou tronquées. Une convention bilatérale définirait les aspects liés à une telle coopération et mission. Les arbitrages réglementaires se trouveraient mieux renforcés.
La Tunisie et le pays ‘Adresse fiscale’ de son choix se noteraient alors mutuellement. Car il ne faudrait pas omettre le fait que la Tunisie, elle aussi, devrait trouver toute la coopération nécessaire à reloger et à cerner les fonds et les flux qui lui échappent. Son économie fragile a besoin de mobiliser toutes ses ressources fiscales évadées.
L’Union européenne devrait alléger les restrictions sur ses nationaux, individuels et institutionnels, pour leurs placements en Tunisie. En investissements de portefeuilles par exemple, les petits porteurs, jusqu’à 1 million d’euros, pourraient placer leurs ressources en valeurs mobilières tunisiennes tant en toute traçabilité qu’en toute tranquillité.