« Nous n’accepterons jamais l’occupation et les tentatives d’annexion de la Crimée par la Russie. Les sanctions liées à ce sujet resteront en place jusqu’à ce que la Crimée soit rendue à l’Ukraine ». Voilà ce que vient d’affirmer le ministre américain des Affaires étrangères, Rex Tillerson.
Si l’on comprend bien, l’Amérique « n’accepte jamais » l’occupation par la force des territoires des autres et va jusqu’à imposer des sanctions sur l’ « occupant » russe pour le forcer à rendre la Crimée à son « propriétaire légitime », l’Ukraine.
Quand M. Tillerson a-t-il fait cette déclaration hautement respectueuse du droit international ? Seulement 24 heures après que son patron Donald Trump a reconnu Jérusalem comme étant « la capitale éternelle » d’Israël.
Cela mérite une explication. Historiquement, la Crimée a toujours fait partie de la Russie. C’est seulement en 1954 que Khrouchtchev, qui succéda à Staline, dans un accès de générosité déplacée, en fit cadeau à l’Ukraine à l’occasion du 300e anniversaire de son unification avec la Russie tsariste.
En 2014, à la suite du coup d’Etat fomenté en Ukraine par le département d’Etat américain et la CIA pour y placer un gouvernement pro-occidental et anti-russe, la majorité des habitants de la presqu’île, qui ne voulaient en aucun cas d’un régime pro-atlantiste à Kiev, votèrent lors d’un référendum pour le retour de la Crimée au sein de la mère patrie.
On le voit donc bien qu’il ne s’agit là ni d’occupation ni d’annexion, mais d’un acte parfaitement démocratique par lequel les habitants pro-russes de la Crimée ont choisi de vivre dans leur environnement naturel en Russie, plutôt que dans l’environnement hostile et politiquement pollué qu’est devenue l’Ukraine après le renversement du gouvernement légitime et son remplacement par des marionnettes mises en place par la CIA en collaboration avec le département d’Etat représenté par Victoria Nuland.
De plus, il est utile de rappeler ici que sans les interférences de la CIA et de la sous-secrétaire d’Etat chargée des Affaires européennes, Victoria Nuland, il n’y aurait jamais eu de crise en Ukraine.
M. Tillerson a fait une tirade anti-russe juste 24 heures après que Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël et a donné l’ordre au département d’Etat de commencer les préparatifs pour le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à la Ville Sainte. Et là on peut dire que M. Tillerson a raté l’occasion de sa vie d’entrer dans l’histoire comme un grand homme qui aurait forcé le respect et l’admiration du monde entier.
Pour l’Américain moyen qui ignore tout de l’affaire de la Crimée, M. Tillerson est un ministre sage et honnête qui n’aime pas la confiscation par la force des biens d’autrui. Il est si respectueux du droit international qu’il n’hésite pas à maintenir en place les sanctions qui frappent les coupables de sa violation.
La vérité est bien sûr tout autre. M. Tillerson s’est trompé de cible. Il a lâché la proie pour l’ombre. Un jour avant qu’il ne se déchaîne sur les faux occupants de la Crimée, il avait une occasion en or de se déchaîner contre les vrais occupants de la Palestine, contre ceux qui, pendant un demi-siècle, ne cessent de confisquer des terres à leurs propriétaires pour y construire des colonies et y installer des colons venus des quatre coins du monde.
Au moment où son président a pris sa décision insensée de déclarer Jérusalem « capitale israélienne », M. Tillerson a eu une occasion en or de voler enfin au secours du droit international qu’Israël ignore, viole et méprise depuis plus de 50 ans. Il a raté une belle occasion de prendre la parole après son président et de dire trop c’est trop ! Maintenant il est temps d’arrêter cette mascarade. Le géant américain cesse d’être la marionnette du nain israélien. L’Amérique aujourd’hui se rebiffe et cesse d’être menée par le bout du nez par un lobby juif qui lui interdit de voir plus loin que son nez.
Il aurait sans doute été limogé illico presto par Trump et persécuté par le Lobby, mais il serait entré dans l’histoire par la grande porte comme le plus grand, le plus courageux, le plus sage et le plus honnête que l’Amérique ait enfanté depuis bien longtemps. Il aurait bénéficié du respect et de l’admiration du monde. Il aurait ouvert une brèche dans laquelle se seraient engouffrés des millions d’Américains qui en ont marre d’Israël, de son arrogance et de l’anarchie qu’elle répand au Moyen-Orient depuis un demi-siècle.
Mais M. Tillerson n’est ni grand, ni courageux ni sage ni honnête. Il sait parfaitement que la Cisjordanie est un territoire occupé et que Jérusalem-Est, qui en fait partie, est également une terre occupée que Trump, comme si la Ville Sainte faisait partie de son patrimoine immobilier, a offerte à son ami Netanyahu. Et malgré tout cela, il a préféré nous parler de l’occupation de la Crimée que l’Amérique, insiste-t-il sans rire, n’acceptera jamais.
La Crimée n’est pas occupée. Elle est revenue à la mère patrie et restera éternellement russe. En revanche, Jérusalem est occupée depuis cinquante ans. N’en déplaise à Trump, elle ne sera pas la capitale éternelle d’Israël. Un jour elle reviendra à ses vrais propriétaires, les Palestiniens.
Il est faux d’écrire que « la Crimée a toujours fait partie de la Russie » puisqu’elle n’y a été intégrée qu’en 1792. On sait que les Tatars en ont été ensuite expulsés, et que des colons russes ont été incités à s’y implanter, comme dans d’autres régions périphériques de Russie. En fait on colonise pour s’agrandir, puis on vient au secours des pauvres colons menacés… C’est peut-être la même chose qui se passe en Palestine. La Crimée et la Palestine sont probablement toutes les deux occupées, et la Crimée n’est sans doute pas plus russe que la Palestine n’est israélienne.