«Transport et logistique : priorités, défis et opportunités», tel est le thème de la deuxième Matinale de l’Association Alumni IHEC Carthage, organisée, aujourd’hui, et présidée par Lotfi Mhissen, Chef du Cabinet du ministre du Transport, Ramzi Khaznadar, DG de la Stratégie des établissements et entreprises publiques au ministère, Houcine Beltaied, représentant de la direction générale de la logistique et du transport multimodal, Sélima Hachiche, coordinatrice générale du Programme de développement des exportations (PDE III) et Mondher Khanfir, expert en logistique.
En Tunisie, la croissance économique trouve sa source dans le développement du commerce qui contribue en moyenne à hauteur de 41% à la croissance, ainsi les exportations représentent plus de 50% du PIB.
Le marché européen reste toujours la destination la plus importante de nos exportations, représentant près de 75% des exportations totales tunisiennes, assurées en grande partie par le transport maritime à hauteur d’environ 97%.
Par ailleurs, la logistique constitue un levier de croissance pour renforcer l’intégration de l’économie tunisienne dans la chaîne de valeur mondiale. Elle garantie, en effet, l’acheminement des flux en marchandises de manière efficace et rentable, les secteurs productifs et commerciaux pouvant s’y appuyer.
A cet égard, plusieurs pays ont réussi à adopter une nouvelle approche intégrée du secteur de transport et de la logistique, tels que Malte, Singapour, les Émirats arabes unis et le Maroc.
Par contre, pour la Tunisie, la performance logistique de la Tunisie a connu, ces dernières années, une dégradation remarquable traduite par un coût logistique élevé représentant 20% du PIB, contre 10 % dans les pays de l’OCDE (d’après les études de la Banque mondiale en 2008).
Ainsi, le classement de la Tunisie selon l’indicateur de la performance de la logistique de la Banque mondiale passe de la 60ème position en 2007 à la 110ème position en 2016.
Cette dégradation est due à plusieurs facteurs, dont le retard au niveau de la mise en place d’une infrastructure logistique adéquate, à savoir le port en eaux profondes d’Enfidha et les plateformes logistiques, le cadre réglementaire non encore finalisé, les services portuaires qui sont loin des normes internationales en termes de rendement et de délai de séjour, le manque de coordination entre les parties prenantes…
Dans ce cadre, Lotfi Mhissen a affirmé que ces facteurs ont affecté la capacité du secteur à soutenir davantage les secteurs productifs et de services et ont limité sa contribution à la croissance et à la création d’emplois.
A cet égard, le ministère du transport s’est engagé, selon ses dires, à mettre en place une stratégie de développement de la logistique pour renforcer le secteur du transport et de la logistique et dynamiser le commerce international et les IDE.
S’appuyant sur le plan de développement 2016/2020, cette stratégie s’articule autour de plusieurs axes, à savoir: adopter l’infrastructure aux besoins du transport et de la logistique, mettre à niveau les métiers de la logistique et développer les compétences, renforcer la coordination sur la logistique, doter le pays d’un cadre légal et institutionnel solide, améliorer l’attractivité logistique afin de hisser la Tunisie en tant qu’un pôle logistique méditerranéen.
Dans le même sillage, Houcine Beltaief a indiqué que cette stratégie vise à développer le dispositif national de la logistique, développer le savoir-faire et les compétences nationales, développer l’externalisation des prestations logistiques, compléter les infrastructures (port en eaux profondes et réseau de plateformes logistiques), coordonner l’action publique en matière de logistique…
Pour ce faire, un cadre réglementaire approprié pour la création et l’exploitation des zones d’activités logistiques est en phase d’élaboration. Il s’agit d’un projet de loi cadre organisant le secteur de la logistique.
S’ajoute à cela une batterie de réformes envisagées pour le développement du secteur et le développement des compétences. D’ailleurs, M. Beltaief a fait savoir que malgré le fait que la Tunisie forme environ 3 500 personnes sur des métiers en lien avec la logistique (transport, logistique, commerce international, douanes…), le développement de ces compétences s’est imposé pour une adéquation entre le système de formation et les perspectives du marché.
De même, le cadre institutionnel de la logistique constitue l’objet d’un travail de réflexion sur le modèle le plus approprié pour la gouvernance de la logistique en Tunisie, et ce, en se basant sur une structure exécutive chargée de la mise en œuvre du plan du développement logistique. Sachant que le modèle proposé par l’étude de l’OCDE (2017) se base sur les meilleures expériences internationales.
Le PDE III pour soutenir le développement de la logistique
De son côté, Sélima Hachiche a annoncé que dans le but de mener à bien le développement de ce secteur, un accord de prêt de 36,3 millions d’euros a été signé le 19 août 2014 pour le financement du Programme de développement d’exportations (PDE III), d’une durée de cinq ans (2015/2020). Ce programme a été ratifié le 10 juin 2015 et mis en vigueur le 1er septembre de la même année.
Les bénéficiaires de ce programme sont les entreprises exportatrices privées, les organismes gouvernementaux et du secteur privé (Cepex, Cotunace, Innorpi, ministère du Transport, ministère du Commerce…), ainsi que les employés potentiels dans le secteur privé.
Mme Hachiche a précisé que le PDE III a pour objectifs de soutenir la volonté du gouvernement d’instaurer un cadre propice aux exportations et stimuler le commerce extérieur.
Il vise ainsi à consolider les institutions en vue de développer et diversifier les exportations, accroitre la compétitivité des exportateurs et renforcer les interactions entre les secteurs public et privé pour la gestion et la promotion des exportations.
Ce programme est axé sur trois composantes. Il s’agit de l’amélioration du climat des affaires (Douane, Transport et Innorpi), les prestations des services financiers et non financiers (Tasdir+, Dhamen Finance et Cepex), ainsi que la coordination, la gestion et l’appui aux ministères.
Au plan du Transport et de la logistique, le PDE III mise, selon ses propos, sur l’amélioration de la logistique du commerce. Dans ce sens, deux volets importants s’inscrivent sous cette action. Il s’agit de soutenir le ministère du Transport dans la mise en œuvre de sa stratégie de développement de la logistique pour le commerce.
A cet égard, quatre actions sont en cours de mise en œuvre, à savoir l’élaboration des cadres institutionnel et réglementaire de la logistique en Tunisie, l’élaboration du référentiel des métiers, la classification des services et indicateurs de performances, l’assistance technique pour la formation d’un noyau d’experts et l’acquisition et la mise en place «clef en main» d’un système de gestion des flux par codes à barres dans l’entrepôt de fret aérien à l’aéroport Tunis-Carthage.
Il s’agit, également, d’améliorer la performance de l’opérateur national STAM au niveau de ses activités au port de Radès. Pour ce faire, le PDE III se focalise sur le développement d’un logiciel pour un système de suivi des flux d’entrée et de sortie des conteneurs au port de Radès (SMART GATE), les acquisitions d’une plateforme TOS (Terminal operating system), la restructuration de la fonction de la maintenance à la STAM, l’acquisition d’une solution pour la gestion des conteneurs frigorifiques au port, les améliorations des capacités du personnel de la STAM (90% des formations prévues ont été effectuées).
A noter que le système de gestion et suivi des conteneurs permettra la réduction des délais d’attente des conteneurs à l’entrée et à la sortie du port, passant de 4 heures en 2016 à 20 minutes en 2021, et la capacité de manutention des unités de charges mobiles au port passant de 330 mille EVP en 2016 à 457 mille EVP en 2021.
Le secteur du transport et de la logistique est complètement hors standards internationaux
Pour sa part, Mondher Khanfir a souligné que le secteur du transport représente 7% du PIB en termes de valeur et 20% du PIB en termes du coût. Cet écart, qui impacte l’attractivité de notre pays, indique que nous sommes complètement hors standard internationaux.
Il est vrai qu’historiquement, la Tunisie a tenté de faire de la logistique un modèle de développement économique et qu’un début de stratégie a été mis en place pour renforcer la capacité logistique et la performance du pays. Restent à ce jour des tentatives. Entre temps, le Maroc nous a devancés, malgré une réflexion commencée avant eux. Aujourd’hui, la question qui se pose est la suivante : quel est le modèle de développement de la Tunisie?
Revenant sur le port en eaux profondes, M. Khanfir s’est interrogé sur sa rentabilité. Pour répondre, l’expert en logistique n’a pas manqué de dire que ce port deviendra le parking des chinois ou autres en Afrique, et ce, parce qu’avec les améliorations technologiques, le port de Radés peut aller jusqu’à un million de conteneurs, en mettant de l’ordre, de la synchronisation et de la vitesse.
Pour conclure, il a estimé que les enjeux pour la compétitivité économique globale consistent dans l’intégration technologique, l’inclusion territoriale (ce qu’on appelle le développement régional), l’intégration des filières transport et logistique dans l’enseignement supérieur pour générer dans l’avenir 150 mille emplois directs, la mesure de la capacité de l’infrastructure existante et son taux d’utilisation (synchronisation).