Mathématicien, ancien directeur des études et de la recherche à l’ENIT, sous feu Mokhtar Laâtiri, manager, grand voyageur, conférencier dans plusieurs écoles supérieures et universités étrangères, redouté par ses pairs tunisiens pour son franc parler. Syndicaliste et pionnier dans plusieurs domaines, Tahar Chaïeb analyse les problèmes des finances publiques tunisiennes, après l’adoption du budget de l’Etat et sa la loi de Finances 2018.
« Les problèmes financiers de l’Etat tunisien sont bien anciens, affirme Tahar Chaïeb, les déficits aussi, sauf que la cupidité et le manque de patriotisme chez les uns et les autres a occupé et gagné de nouvelles surfaces et aggravé davantage nos difficultés ». Ne se contentant pas de critiquer, il avance des propositions concrètes et tient à ce que Youssef Chahed tienne bon devant les revendications abusives, maintenant que les Caisses de l’Etat sont quasiment vides et que l’on s’endette pour payer des salaires et participer à l’augmentation de l’inflation, au lieu d’acquérir des biens d’équipement et créer des emplois. Faire de l’UGTT un allié stratégique serait pour lui contre-productif, mais plutôt qu’il aille jusqu’au bout pour équilibrer les finances publiques, en demandant la participation des catégories sociales nanties… Détails.
leconomistemaghrebin : Comment trouvez-vous la situation des finances publiques?
Elle est catastrophique et elle va empirer. Actuellement, l’endettement de la Tunisie représente 75% du PIB; chaque citoyen enfant ou adulte est endetté de 6000 dinars. La Tunisie consomme plus qu’elle produit dans tous les domaines y compris agricole et à des coûts trop élevés. Les dettes servent exclusivement à payer des salaires à des employés parasitaires. Nous en sommes arrivés là parce que la révolution n’a pas été achevée. Les gouvernements qui s’y sont succédé ne pensaient qu’à piller le pays, considéré comme butin et ils ont multiplié les recrutements, les promotions et les augmentations de salaires pendant quatre années (du 14 janvier 2011 à la fin de 2014). Ils ignoraient que ce faisant, à savoir augmenter les dépenses au-delà de ce que permet la production de richesses, ils entraîneraient l’augmentation des déficits et l’affaiblissement de la monnaie.
Les autorités élues pour cinq ans en décembre 2014 ont suivi la même stratégie longtemps avant d’arrêter les recrutements, mais ont cédé devant la violence, comme à Kerkennah et dans les régions du Sud. Elles ont par ailleurs construit un gouvernement pléthorique (1 chef + 26 ministres + 14 secrétaires d’Etat) qui coûte cher, très cher, alors qu’une dizaine de ministres aurait suffi. De même l’ARP est trop lourde. De plus, malgré la fameuse semaine du 22 – 28 mai 2017 et le coup de boutoir contre quelques trafiquants, il n’ y a pas une véritable lutte contre la corruption.
Que proposez-vous de faire dans l’immédiat?
Je proposerais dans l’immédiat une solution forte à mettre en œuvre pour arrêter tout de suite l’endettement qui ruine le pays, hypothèque l’avenir et tue la politique et la croissance. Il suffit de prendre des décisions simples:
- Réduire le gouvernement à une dizaine de ministres, ce qui devrait réduire les dépenses de l’Etat d’une bonne quinzaine de milliards par an;
- Réduire leurs salaires et supprimer les avantages en nature (logement, voitures…);
- Réduire les salaires des députés à trois SMIG. C’est le cas de la France;
- Réduire les salaires des membres des instances à trois SMIG;
- Réduire les salaires du président de la République à 10 SMIG au lieu des 100 SMIG actuellement;
- Supprimer les salaires des présidents non encore en exercice. D’ailleurs M’Bazaa et Marzouki n’ont pas été présidents.
Selon vous, comment Youssef Chahed devrait-il agir?
S’adresser au peuple, annoncer un gouvernement très restreint, avec un programme précis de sauvetage du pays.
Un titre trompeur. Votre interlocuteur vise les salaires des députés et non tous les salaires. Par ailleurs députés ou non, ce monsieur croît qu’en matière économique et sociale 2-1 vaut 2 comme en mathématiques. Il devrait prendre quelques leçons en la matière et ce ne sont pas les salaires ou les restrictions touchant quelques uns qui résoudront les problèmes de millions de personnes. Mais c’est vrai, tout le monde peut proposer des solutions ; au moins cette liberté.