L’intégration économique des femmes est un important levier de croissance économique d’un pays. Quand les femmes travaillent, leur situation socio-économique aussi bien que leur qualité de vie et celle de leurs familles s’améliorent et par ricochet l’économie dans son ensemble. Et pourtant la réalité révèle d’autres aspects relatifs à certaines inégalités.
Le dernier rapport du World Economic Forum a montré qu’après dix ans de progrès constants en matière de parité des genres, les inégalités entre hommes et femmes au niveau mondial se creusent et notamment dans le domaine économique. Les femmes sont très peu représentées dans le top management ( 18.6%). Au niveau de la région Mena, les chiffres sont encore plus alarmants: seulement 4.9% des entreprises ont des femmes hauts cadres. La question est de savoir : naît-on leader ou le devient-on ? Le débat est encore ouvert sur cette question. Durant deux journées, les 21 et 22 décembre, un colloque a été organisé ayant pour thème : « Présence des femmes dans les postes de décision en Tunisie », mais aussi dans la fonction publique.
Les conclusions de l’ONU Femmes, en partenariat avec la présidence du gouvernement et avec l’appui financier du ministère des Affaires Etrangères et du Développement international de la République française, ont montré qu’une femme sur quatre ayant un emploi travaille dans la fonction publique, 26% en 2017 contre 17% pour les hommes (2016), alors que la ventilation des emplois fonctionnels pour les femmes est minime. A titre d’exemple, pour le poste de directeur général, le taux de présence s’élève à 5.8%, pour le poste de directeur, il est de 12.9%, sous-directeur 21.7%, chef de service 59.4, et secrétaire général 0.3%
De ce fait, on peut déduire que la problématique du plafond de verre se pose avec beaucoup moins d’acuité pour les emplois fonctionnels de type « chef de service » et « sous-directeur », mais prend par contre, tout son sens lorsqu’il s’agit des emplois de direction, plus prestigieux et donnant droit à des avantages pécuniaires.
Présent lors de l’événement, Laurent Viguié, ministre conseiller à l’Ambassade de France en Tunisie, a souligné qu’aussi bien en France qu’en Tunisie, il y a une similitude de situation qui se trouve dans toutes les démocraties. Il précise: « Même si les lois sont là, il va falloir les transformer en réalité. De ce fait, il faut qu’il y ait une volonté reprise par l’ensemble du système ». A titre d’exemple, pour le cas de la France, dans la fonction publique, les femmes représentent 64% des effectifs de catégorie A, 63% de catégorie C, et 56% de catégorie B.
Parallèlement, en Tunisie, il se trouve que, manifestement, les femmes frôlent la parité dans ses deux catégories féminisées successivement à hauteur de 42% et 49%. Ce qui jouerait en faveur d’une féminisation accrue des postes d’encadrement ou de décision à moyen et long terme.
Neziha Laâbidi, ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfance, déclare que même s’il y a des avancées en matière de législation, il va falloir que cela s’applique davantage afin d’atteindre une parité égale à 50-50 dans les postes de décision.
Leila Rhiwi, Représentante ONU Femmes, bureau Multi-Pays-Maghreb, a pour sa part affirmé: » Il est nécessaire de construire un plan d’action, pour faciliter aux femmes l’accès aux postes de décision. »
Afin de réduire les inégalités constatées, une série de recommandations a été dégagée à travers un plan d’action regroupant les actions proposées suivantes:
- L’élargissement du champ de la connaissance autour des questions liées aux discriminations de genre dans la fonction publique;
- L’analyse du cadre réglementaire à travers le prisme du genre;
- Un plan de développement personnel et de capacitation des femmes en leadership dans la haute fonction publique;
- La conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle.
Les critères pris en compte par l’étude ont permis de mesurer l’ampleur du plafond de verre et d’identifier les facteurs sous-jacents aux inégalités de carrières au sein de la fonction publique. En effet, la construction du plafond de verre est un processus complexe faisant intervenir plusieurs facteurs, à l’instar des origines sociales et de la socialisation différenciée selon le sexe, qui impactent manifestement les trajectoires professionnelles.
Que pense la société civile?
Meriem Mezghanni Mellouch, économiste de la Banque Mondiale à Washington, co-fondatrice du réseau Women for development a indiqué qu’il faudrait une prise de conscience, ainsi « il y a intérêt à avoir une équipe managériale mixte à tous les niveaux parce qu’à compétence égale, il est intéressant de confronter des avis différents au sein des équipes pour les prises de risque. » Et de poursuivre: « Il faut que les femmes arrivent à percer ce plafond de verre, il faut que l’entreprise instaure un environnement permettant aux femmes de concilier vie professionnelle et vie privée. »
Esma Ben Hamida, fondatrice d’Enda préconise qu’il y ait du « coaching aussi bien pour les hommes que pour les femmes ». Elle précise: « Il faudrait encourager les hommes et les femmes à suivre des formations en leadership. Il faut montrer aux gens qu’on peut devenir un leader et qu’on peut prendre des responsabilités. »
Sahar Mechri Kharrat, Directrice du magazine « Le Manager« , a également fait valoir que le potentiel productif d’une économie nécessite un réseautage qui se fait dans le milieu mixte et qu’il faut d’élever les niveaux de participation des femmes au marché du travail.