Un petit déjeuner-débat sur la loi de finances 2018 a eu lieu récemment à Tunis en présence d’un parterre d’invités de différentes nationalités et membres des Chambres de commerce et d’industrie en activité en Tunisie. Ridha Chalghoum, ministre des Finances, a animé cette rencontre qui, de par l’importance du thème en débat et, surtout, l’acuité de son actualité, a été très suivie.
Organisé par la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI) en collaboration avec les chambres mixtes, l’objectif de ce petit-déjeuner débat est de faire part du malaise croissant des sociétés membres du CCM. Ce débat a permis à l’assistance d’avoir un éclairage opportun sur la loi de finances 2018 dont la récente entrée en vigueur a suscité critiques et réactions virulentes allant jusqu’à son désaveu net par une grande frange de la population.
En témoignent les vagues de protestations enregistrées ces jours-ci, qui ont été malheureusement émaillées de scènes déplorables de violence dans plusieurs régions du pays. Le sujet a été voulu par ceux qui ont été les initiateurs, comme un cadre de réponse aux multiples questions à propos de cette loi qui, il faut l’avouer, est loin de faire l’unanimité…
Les préoccupations et les attentes
Foued Lakhoua, président du CCM (Conseil des chambres mixtes), a brossé un tableau général des circonstances dans lesquelles la loi de finances intervient que certains n’ont pas hésité à qualifier de « catastrophique« . Il a souligné que l’adoption de celle-ci n’a pas mis fin, comme il l’a décrit, au feuilleton qui a accompagné sa discussion ni à la polémique qui en a découlé, ni à la divergence des avis à ce sujet. Et c’est dans ce cadre de « tensions », laquelle a été attisée par les récents mouvements de protestations de rue, que le débat intervient avec un objectif bien déterminé, consistant dans la tentative annoncée de lever certaines équivoques et d’apporter quelques éclairages sur le contenu de cette loi.
Foued Lakhoua a précisé que cette loi est condamnée à susciter plus de questions que de réponses et donc à « raviver plus d’appréhensions et de doutes que de renforcer la confiance… »; et d’ajouter que « la levée de boucliers des différentes catégories socio-professionnelles au sujet de la majorité des mesures entrées en vigueur qui ont été considérées injustifiées et inopportunes, renseignent fort sur l’absence d’un consensus et d’une démarche participative lors du processus d’élaboration de cette loi… »
Deux problématiques majeures ont été mises en exergue et proposées au débat. Il s’agit en l’occurrence de s’interroger d’abord sur l’idée- contradictoire- de vouloir espérer une relance de l’investissement à travers un alourdissement de l’assiette fiscale et, ensuite, d’espérer la création d’emplois nouveaux ou de booster la croissance à travers l’institution de nouvelles taxes.
La loi de finances 2018 et ses pesanteurs
La question principale posée en ce qui concerne la loi de finances 2018 est relative au potentiel de celle-ci à pouvoir relever trois grands défis, en l’occurrence la maîtrise du déficit budgétaire et de l’endettement, la relance de l’économie et la mise en œuvre des réformes nécessaires.
Selon Foued Lakhoua, des doutes sont permis puisque cette loi ne diffère pas de celles qui l’ont précédée. Les méthodes adoptées pour son élaboration se fondent sur les mêmes articulations ce qui limite l’approche et la rend incapable d’apporter les solutions appropriées. Pour preuve, les 511 mesures fiscales depuis la révolution ne sont pas arrivées à renverser la donne négative. Ceci, sans compter que les inégalités fiscales ont atteint des seuils alarmants, a fini par remarquer l’orateur tout en soulignant l’érosion du pouvoir d’achat du fait de la dévaluation du dinar, de l’augmentation continue de la TVA, de la pression fiscale et d’une inflation galopante. En ce qui concerne les entreprises, il a fait remarquer que la loi de finances 2018 a aggravé davantage tous ces paramètres ce qui a pénalisé l’investissement et plombé la relance économique.
Côté solutions, M. Lakhoua a fait état de la nécessité d’une meilleure application des anciennes dispositions fiscales propices à la relance des investissements, d’une amélioration du recouvrement des créances fiscales, d’un élargissement de la liste des contribuables soumis à l’impôt à l’ensemble des catégories socioprofessionnelles, de l’optimisation de la gestion de la caisse de compensation, de l’encouragement des projets de partenariat public-privé et du désengagement progressif des entreprises publiques et de certaines participations de l’Etat.
Le potentiel et les issues
Le ministre des Finances a fait un exposé sur la situation économique et des indices des finances publiques, dans la situation actuelle à l’ombre de la loi de finances 2018. « La situation est assez sérieuse« , a-t-il dit en substance et nécessite beaucoup de sacrifices de part et d’autre.
Ridha Chalghoum a précisé qu’aucun ministre des Finances n’a eu auparavant à gérer un contexte pareil, entre autres un taux d’endettement élevé, tournant autour de 60%, ainsi qu’un déficit courant aussi lourd. Tout cela a fait qu’on s’est trouvé dans l’obligation d’opter pour l’endettement pour solutionner les problèmes urgents. La loi de finances 2018 a été le réceptacle de cette réalité qui semble aujourd’hui atteindre un seuil bien inquiétant.
Et le ministre d’estimer qu’à l’échelle de l’Etat, on s’est trouvé dans l’obligation de trouver des réponses viables aux multiples questions que la crise ne cesse de poser. Il était en substance impératif d’agir et, entre autres, de ne pas laisser les caisses sociales s’enfoncer davantage. La réforme des caisses sociales s’avère donc impérative et le budget prévoit à ce propos 500 MDT pour permettre à la CNRPS de sortir du goulot d’étranglement où elle se trouve. Le plus important étant de faire en sorte que les paramètres économiques retrouvent des couleurs.
Concernant les remarques apportées à titre d’exemple à l’augmentation des droits de douane, il a été précisé que cela ne concerne pas tout ce qui entre dans l’activité de l’entreprise tels les biens d’équipement, les matières premières et les produits semi-finis. L’augmentation concerne les produits de consommation qui peuvent concurrencer les produits locaux. Le changement observé porte uniquement sur 8% des importations. Le ministre a insisté sur le fait que le gouvernement est déterminé à maîtriser le déficit courant actuel, lequel a atteint les 9%. Aussi, il a été souligné que l’augmentation de la TVA de 1% ne touchera pas les produits alimentaires ni les produits agricoles.
Le ministre des Finances a mis l’accent sur les signes d’une amélioration de certains paramètres, surtout la tendance au niveau des indices de croissance pouvant atteindre les 3%. Aussi les mesures adoptées concernant le Fonds de renforcement des PME, le secteur touristique, l’investissement, l’artisanat et tant d’autres secteurs d’envergure. Le tout étant d’améliorer d’une manière générale l’environnement des affaires.
Pour améliorer l’environnement des affaires
Le débat a porté sur les difficultés de l’heure et les problèmes qui pèsent sur le vécu économique, notamment l’obligation de l’endettement, l’augmentation des charges fiscales, les ressources fiscales, les frais douaniers, particulièrement dans le secteur du transport international, les exportations, le laxisme administratif, les mesures prises contre la contrebande et le commerce parallèle.
En réponse aux interrogations, Ridha Chalghoum a mis l’accent sur les multiples spécificités des mesures prises et les particularités de la loi de finances à ce propos. Il a réitéré l’engagement du gouvernement à prendre les mesures adéquates pour lutter contre les écarts et les violations de la loi.