A deux jours du septième anniversaire de la révolution, le dernier rapport du centre de réflexion international Crisis Group fait le point de la situation que vit actuellement la Tunisie depuis les heurts entre les forces de l’ordre et les manifestants ayant commencé le 8 janvier.
Le rapport dénonce le risque de dérives autoritaires, en déclarant: « Le pays tend à retomber dans ses anciens travers autoritaires, en raison notamment du manque de volonté politique des deux partis pivots de la coalition au pouvoir (Ennahdha et Nidaa Tounes) à mettre en œuvre la Constitution de janvier 2014 de manière effective ».
Dans un contexte de conjoncture économique difficile, « la nostalgie d’un Etat fort, à l’image de celui que l’ancien régime prétendait défendre, se répand », a-t-il souligné.
Et de poursuivre: « Renforcer l’Etat et faire face aux événements imprévus, tels que de nouvelles attaques jihadistes d’ampleur, des émeutes incontrôlables ou la vacance provisoire ou définitive de la présidence de la République, le pays est contraint de consolider ses institutions en respectant et en mettant en œuvre sa Constitution ».
Tout comme il a également rappelé que « la dérive autoritaire actuelle a peu de chances d’aboutir à l’établissement d’un régime comparable à celui de Ben Ali : les divisions politiques et socio-économiques sont nombreuses et la liberté d’expression est effective dans les médias ».
Revenant sur le paysage politique, comme dit le vieux dicton, “L’ami de mon ami est mon ami. L’ennemi de mon ennemi est mon ami”, les anciens ennemis désormais partenaires, les deux partis au pouvoir (Nidaa Tounes et le mouvement Ennahdha) tentent de structurer la vie politique comme un duopole au détriment de l’autonomie du parlement et des instances administratives indépendantes existantes.
Le rapport a mis en avant la relation étroite entre le chef du mouvement d’Ennahdha Rached Ghannouchi, et le Chef de l’Etat Béji Caïd Essebsi, Nidaa Tounes, qui personnifient les canaux de discussion politique et de gestion de crise”.
Le think tank met en outre en garde contre le retard pris dans la mise en place de la Cour constitutionnelle, prévue dans la Constitution de 2014, ainsi que les instances constitutionnelles indépendantes incarnant les principes d’intégrité, d’impartialité et de neutralité, considérées dans le sillage du soulèvement de 2010-2011 comme étant un antidote aux maux de l’administration publique.
Les élections municipales
C’est une première dans l’histoire de la Tunisie que des élections municipales aient lieu. On parle d’ores et déjà du processus de la décentralisation. Cela devrait se traduire par l’élection de conseils régionaux autonomes par rapport au pouvoir central. Mais d’un autre côté, vu les enjeux (score potentiel des deux partis dominants, taux d’abstention, émergence possible de nouvelles forces politiques) elles ont été reportées à quatre reprises.
De ce fait, Crisis group a avancé certaines recommandations:
-Organiser les élections municipales en 2018 et, dans l’immédiat, assurer le bon fonctionnement de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) chargée d’organiser ces élections, tout comme les élections législatives et présidentielles en 2019 ;
– Mettre en place la Cour constitutionnelle dans les plus brefs délais
– Créer les instances constitutionnelles indépendantes sans les vider de leur contenu
– Accroître l’autonomie financière et administrative du parlement.