A l’occasion de son colloque annuel consacré aux risques pays et sectoriels, Coface, un leader mondial de l’assurance-crédit, partage avec les entreprises sa vision des grandes tendances de l’économie mondiale pour 2018. Coface a livré, le 23 janvier à Paris, ses prévisions économiques et notations pour ce début d’année.
La Coface a accordé à la Tunisie la notation B (risque assez élevé). S’agissant des perspectives pour la Tunisie, Coface prévoit une croissance faible en 2018.
La reprise de 2017 devrait se consolider en 2018. En effet, l’activité est restée pénalisée par la faible croissance du secteur manufacturier et par le recul de la production minière. En 2018, la hausse de la demande extérieure, soutenue par la croissance attendue des économies européennes et par l’amélioration de la compétitivité liée à la dépréciation du dinar devrait favoriser les exportations manufacturières. La hausse des prix à la production pourrait limiter, cependant, la progression des activités fortement dépendantes des importations.
Les tensions sociales et la multiplication des grèves et des mouvements sociaux pourraient, tout comme en 2017, limiter l’expansion du secteur minier. Les secteurs du tourisme et du transport poursuivraient leur reprise grâce aux efforts consentis par les autorités pour améliorer la sécurité et lutter contre le risque terroriste et à un effort de promotion générant un regain d’intérêt pour la destination Tunisie.
Du côté de la demande domestique, l’augmentation du niveau général des prix générée par la hausse de la TVA continuerait de contraindre la consommation des ménages. La réforme des subventions de même que les hausses des salaires conjuguées à des pressions sur le dinar nourriraient l’inflation qui ne devrait pas faiblir en 2018.
Déficits jumeaux et endettement conséquents
La situation budgétaire tunisienne s’est fortement dégradée depuis 2011, enregistrant des déficits publics conséquents et une augmentation importante du niveau d’endettement. En dépit du soutien du Fonds monétaire international, les autorités éprouvent des difficultés croissantes à mettre en place les réformes demandées en vue de consolider les finances publiques. Le déficit public a largement dépassé l’objectif inscrit dans la loi de finances de 2017 à cause d’une progression notable des dépenses courantes et des intérêts de la dette publique.
Le financement du déficit budgétaire a été assuré en grande partie par des ressources extérieures, notamment, 2.423 MDT du Qatar et 768 MDT de l’Union européenne. Le gouvernement prévoit de réduire le déficit public sous la barre des 5 % en 2018, mais cet objectif est ambitieux. Alors que la masse salariale est l’un principaux postes de dépenses budgétaires, les salaires des fonctionnaires ne devraient que peu baisser en 2018. Le gouvernement entend, en effet, honorer l’accord signé avec l’UGTT, la principale centrale syndicale du pays, en augmentant les salaires, et compenserait cette hausse par la suspension des recrutements dans la fonction publique. Les impôts directs et indirects devraient, cependant, augmenter, dont une hausse de la TVA de 1%.
Toujours en augmentation, la trajectoire de la dette reste préoccupante, d’autant plus que la part de dette externe s’accroît. Le service de la dette est le deuxième poste de dépenses budgétaires et le remboursement des échéances auprès des bailleurs internationaux pèse sur les réserves en devises qui s’établissaient à 101 jours d’importations en septembre 2017 (5 385 Mns USD), contre 111 jours une année auparavant. La gestion du taux de change, à travers les interventions de la BCT, n’en devient que plus difficile. En 2017, le taux de change du dinar s’est déprécié de 16,7% vis-à-vis de l’euro et de 4,1% vis-à-vis du dollar américain. Le solde courant s’est creusé en 2017. Le renforcement des exportations, en 2017 n’a pas conduit à une contraction du déficit commercial, vu la forte accélération des importations, notamment énergétiques. Les balances des services et des revenus se sont cependant améliorées. Même si la dynamique positive des exportations et des recettes touristiques se poursuivra en 2018, le solde courant resterait largement déficitaire.
Une transition démocratique à bout de souffle
Après plus d’une année au pouvoir, la coalition menée par le chef du gouvernement Youssef Chahed continue de faire face à de multiples difficultés. En dépit des efforts consentis pour améliorer la situation sécuritaire, le gouvernement peine à remplir ses engagements économiques et sociaux et reste confronté à la multiplication des grèves et des contestations.
Cette situation de blocage s’est soldée par le limogeage des ministres des Finances et de l’Education, et a conduit Youssef Chaed a procédé à un remaniement ministériel en septembre 2017. Ce dernier a fait l’objet au préalable de consultations avec les principaux partis politiques et les syndicats, mais il a conduit à un renforcement de la représentation au sein du cabinet de Nidaa Tounes (NT) avec un retour de certaines figures issues de l’ancien régime. Bien que Nidaa Tounes reste majoritaire et que la coalition avec Ennahda ne soit pas remise en cause, les voix de l’opposition et de la société civile craignent un retour progressif vers un régime présidentiel. En effet, une révision constitutionnelle a été évoquée par le chef de l’État, le président Béji Caïd Essebsi, aujourd’hui âgé de 91 ans. Les élections municipales qui devaient ancrer le processus démocratique à l’échelon local et initialement prévues en décembre 2017 ont été reportées à 2018.