La volonté de l’Union européenne est celle de soutenir la Tunisie dans le processus de la transition démocratique, c’est ce que défend Patrice Bergamini, Chef de la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, rencontré lors de la cérémonie de lancement du nouveau projet IEDDH (Instrument Européen de démocratie des droits de l’Homme). M. Bergamini a évoqué un grand nombre de sujets (immigration clandestine, ALECA, …) et a dressé un état des lieux dans lequel il précise: « La Tunisie est le premier pays démocratique de la région. » … Interview exclusive:
leconomistemagrebon.com : Quelle analyse faites-vous des prochaines élections municipales?
Patrice Bergamini Il s’agit d’un événement historique. La Tunisie va encore écrire une page de son histoire dans la région Mena, à savoir ses premières élections locales post-révolution. Non seulement cela va contribuer à enrichir l’histoire de la Tunisie mais aussi celle de la région. Il s’agit d’un acte fondamental et courageux. Ce qui montre à mon sens, en tant qu’ambassadeur de l’Union européenne, la vivacité ainsi que la force de cette jeune démocratie de la région.
Il est vrai que tout n’est pas parfait, il y a certes des difficultés à affronter et des défis à relever sur le plan socio-économique. Cela dit, nous avons beaucoup d’espoir et d’attentes vis-à-vis des élections municipales, pour la simple et bonne raison que c’est d’abord au niveau local que se joue la démocratie, avec l’appropriation citoyenne, notamment sur des dossiers quotidiens comme la santé pour tous, l’éducation pour tous, l’infrastructure. D’ailleurs, le citoyen aura désormais la capacité de tester les vertus de la démocratie dans son quotidien, c’est à dire être maître de son destin.
Comment comptez-vous aider les porteurs de projets au niveau local?
Notre appui portera sur cinq projets: -le renforcement des capacités des femmes électrices -la transparence des élections -la consolidation des capacités de la société civile tunisienne dans la lutte contre les formes de discrimination -la décentralisation de la société civile -l’Art et les droits de l’Enfant. En démocratie, nous sommes tous liés et nous sommes responsables les uns des autres et les bons comportements des citoyens s’apprennent dès l’école.
Une démocratie, ce sont des citoyens et des citoyennes qui votent librement au niveau local, c’est aussi la lutte contre les violences quotidiennes. Le climat est propice au développement de ces dossiers en Tunisie. Ce qui me rend très volontaire et volontariste à propos de la démocratie tunisienne.
Que pensez-vous de l’immigration clandestine et de la position de l’UE dans la lutte contre ce phénomène?
Je pense qu’il faut avoir une approche honnête, courageuse et lucide. La vraie réponse à l’immigration clandestine est double. Elle se fait d’abord par la bataille de l’emploi. Et je pense aussi que le travail doit porter sur les conditions économiques et sociales, en œuvrant sur la mise en place de réformes en Tunisie. D’ailleurs, il faut travailler sur le conseil éducatif, les formations professionnelles… En somme, créer un éco-système qui permet à la jeunesse de la Tunisie de s’épanouir. Si les moyens sont donnés, cette jeunesse tunisienne restera sur place.
A la clé, il y a la lutte contre un business qui s’est développé. Il faut démanteler des trafics de traite humaine. L’Europe est en lutte avec des opérations maritimes militaires en Méditerranée. D’ailleurs, nous menons, en coopération avec la Tunisie, des formations pour les gardes côtes libyens. Il faut que la Tunisie adresse davantage de signaux à l’Europe pour soutenir la migration légale et lutter contre l’immigration clandestine.
Certaines pistes pourraient être la réadmission, le biométrique, etc. Ce sont des dossiers compliqués qui coûtent, mais nous devons renforcer davantage cette coopération et être en mesure de faire plus pour la migration légale. Avec par exemple plus de bourses Erasmus+, mais orientées pourquoi pas vers les jeunes entrepreneurs pro, ce qui n’est pas encore possible et qui pourrait se réaliser bientôt.
Quelles sont les perspectives de l’ALECA?
C’est de faire bouger les lignes sur la prospérité, l’économie, le commerce, mais c’est aussi la libre circulation des personnes. Autrement dit, aller vers la facilité de visas qui est aussi une solution. J’espère prochainement qu’il y aura le visa free, comme c’était le cas avant les années 90. L’enjeu de civilisation est primordial. Cela permet d’avoir des signaux positifs pour ouvrir les frontières à la migration légale.