L’Institut culturel français de Tunis ne tarit pas de bonnes initiatives. Comme celle du jeudi soir, 25 janvier, qui a vu naître « La nuit des idées », une deuxième édition en Tunisie. Tels des atomes, les idées s’entrechoquent pour produire la lumière qui va nous éclairer sur les problèmes du monde d’aujourd’hui.
« L’imagination au pouvoir » a été un slogan largement répandu dans les manifestations de 1968. Aujourd’hui, peu de personnes savent que « mai 68 » a commencé en mars 68 à Tunis, avec le mouvement estudiantin comme le rappelait Michel Foucault qui pour avoir été à Tunis, à ce moment-là, a expliqué que cette expérience a été importante dans sa vie. La table ronde autour du thème “ Révolutions, illusions et évolutions” s’est proposée de réunir quelques « soixante huitards » tunisiens pour donner la parole autour d’un slogan qu’ils ont fait le leur. « L’imagination au pouvoir », en 1968, et qu’ils ont revisité depuis 2011. Il s’agira aussi d’interroger d’autres acteurs comme Kmar Bendana, historienne qui a donné son point de vue de « mars 1968 », de la révolution de 2011 et de l’islam politique.
Kmar Bendana, historienne, professeur d’histoire contemporaine a fait savoir que les révolutions qu’a connues la Tunisie, en mai 1968 ou celle de janvier 2011, ont prouvé au fil des années qu’elle est restée le point de résonance. Interrogée sur la présence de l’islam politique en Tunisie, Mme Bendana a rappelé que ce mouvement islamiste a évolué historiquement. Elle a répondu: « Il a débuté en tant que mouvement estudiantin, il s’est transformé à la fin des années 70 en un mouvement politique, puis il a rejoint la mouvance internationale des frères musulmans ».
Et de poursuivre: « En 2011, le mouvement Ennahdha a essayé d’avoir un ancrage national, à savoir le droit d’exister alors qu’il a longtemps été dans la clandestinité, et le voilà aujourd’hui au gouvernement; il continue à avoir ce double aspect de mouvance ».
La question essentielle est de savoir, est-ce qu’il y a un islam politique pour la Tunisie, c’est à dire un mouvement qui serait à l’écoute des problèmes des Tunisiens. A cette question, elle répond : « Il s’agit, en revanche, d’une grande contradiction, à savoir la double allégeance de cet islam politique qui est troublante. Pourquoi ? Pour la simple raison qu’on ne sait pas du tout où on va avec eux. Nous ignorons une fois de plus son but, tout comme nous savons que des financements internationaux ont été octroyés à cet islam politique en Tunisie.
» Nous voulons savoir où cela nous mènera, savoir s’il y a plus de garanties de leur implication dans la gestion pour l’intérêt du pays. Ce qui n’est tout de même pas le cas en ce moment. Nous n’avons rien de tout cela. D’ailleurs, les militants d’Ennahdha eux -mêmes ne se sont prononcés ni sur les actes ni sur le projet de société”, a-t-elle poursuivi.
Elle conclut: « Tant qu’il n’y a pas d’actes, les effets d’annonce ne fonctionnent pas. Or la politique attend des actes et des preuves ».
Echanger des idées, débattre sur des sujets d’actualité, cela sert aussi à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Des journalistes français, des tunisiens, des politistes, des historiens, des universitaires sont venus éclairer, discuter le temps d’une nuit de ce qui va et de ce qui ne va pas. Une manifestation qui a réuni plus 3500 visiteurs, arpentant entre l’auditorium, la médiathèque, la grande Cour, le bistrot et l’exposition des artistes. Un pari réussi. Le questionnement de notre monde donne beaucoup à réfléchir.