En Tunisie, l’abandon scolaire est une hémorragie qui date depuis les premières années de l’indépendance, qui a atteint entre 1980-2016 un nombre important, soit 4.5 millions d’élèves en situation d’abandon, dont 2.5 millions ont été présents sur le marché de travail en 2014, soit plus que 70% de la force de travail. De plus, 1.5 millions sur ces 2.5 millions travailleurs décrocheurs n’ont même pas eu leurs diplômes primaires de base. Tel est le résultat présenté par l’association MENA Youth Policy Research Center, lors d’une conférence débat sur le thème : »le marché du travail en Tunisie ».
« Le décrochage scolaire mérite une attention particulière », affirme Nizar Jouini, président de Mena Youth Policy Research Center . Selon lui, les coûts des abandons scolaires n’ayant pas obtenu un diplôme de l’enseignement de base s’élève à 4% du PIB chaque année dont 0.57% du PIB sont des coûts directs visibles dépensés du budget de l’Etat. Et 3.43% PIB sont des coûts invisibles que l’Etat paie chaque année. Il déclare : « Il est important d’agir pour éradiquer le décrochage qui coûte cher, mais ne pas agir coûterait encore plus cher pour la Tunisie. De ce fait, un système d’alerte précoce devrait être lancé au niveau de chaque école ».
Ce phénomène constitue un handicap majeur pour la Tunisie qui enregistre un taux de croissance notable, et qu’à l’horizon 2030 son intégration dans une économie mondiale caractérisée par l’essor de l’intelligence artificielle s’affaiblira.
« Il faut commencer dès aujourd’hui afin d’identifier les problèmes et penser aux solutions » rappelle Faycel Zidi, directeur exécutif MENA Youth Policy Research Center. Il a souligné : « Intervenir sur une cause fondamentale du décrochage scolaire à titre d’exemple l’achat de la fourniture scolaire, ça coûtera à l’Etat 1% du PIB mais ça va rapporter à l’Etat un gain, soit 4% du PIB ».
Il est évident que le décrochage aura un coût plus cher dans le futur. Mais au lieu de traiter les décrocheurs scolaires comme un seul bloc, « l’Etat devrait investir sérieusement dans la catégorie des décrocheurs sans aucun diplôme et rendre obligatoire l’obtention du diplôme de l’enseignement de base. Ceci passe d’abord par catégoriser les décrocheurs selon les raisons de l’abandon de l’école puis cibler les solutions nécessaires qui permettent de répondre efficacement aux problèmes identifiés », sont les conclusions du résultat.
Sur un autre plan, l’abandon scolaire est également fortement lié à l’absence de pré-scolarisation des enfants, laquelle est concentrée dans les métropoles et est très rare dans les gouvernorats défavorisés.
Il serait plus efficace d’établir “un système d’alerte précoce pour réduire les abandons”, inspiré de l’expérience de l’Etat de Texas aux USA pour réduire le taux de décrochage scolaire. Ce système permet la collecte instantanée des données et le calcul d’une probabilité de risque de décrochage basée sur une pondération spécifique à chaque facteur, ce qui donnerait aux responsables une marge de manœuvre suffisante pour adresser des solutions adéquates selon l’événement effectif du décrochage.
Rencontrée lors du débat, Roula El Rifai, spécialiste de programme principal de Centre de recherches pour le développement international a indiqué: « Le printemps arabe a été créé par des jeunes qui veulent du changement. Aujourd’hui, il est d’autant plus important d’essayer de comprendre les jeunes, à quoi ils pensent car ce sont eux qui seront les leaders de demain ».
Aujourd’hui, le constat est amer. Le nombre des décrocheurs a dépassé en 2015 les cent mille élèves. Face à cet échec, aucune solution n’est envisageable. Les inégalités dans le système éducatif se creusent de plus en plus depuis plus vingt ans. Un autre constat que tout le monde crie haut et fort. Ceci dit, l’égalité des chances pourra-t-elle constituer un nouvel élément de construction de l’école de demain afin de réduire le décrochage scolaire? A suivre…